C’est l’un des seuls changements de cette période de transferts exceptionnellement morne: les deux franchises en reconstruction de la côte Ouest Sacramento et Houston ont tenté d’accélérer le processus en s’échangeant certains de leurs joueurs respectives.
Alors que tout mouvement est désormais proscrit, il est temps d’analyser les profits ou les erreurs d’une telle manœuvre pour chacun des deux camps dans leur logique de rebuilding.
Un coup de dés jamais n’abolira le hasard
La stratégie des dirigeants texans est particulièrement difficile à lire.
Et pour cause ! Ils s’éparpillent autant qu’un poème de Stéphane Mallarmé. Houston a, rappelons le, décidé d’entamer un plan de reconstruction salutaire lors de l’été dernier.
Derrière le discours optimiste du General Manager Daryl Morey, la franchise s’orientait alors vers un rebuilding sur une durée de 3 à 5 années, s’opérant avant tout par la Draft, et les saisons de vaches maigres qui lui sont consubstantielles.
Cependant, le stratège avait tenté d’accélérer le processus en recrutant des paris sur le marché des agents libres.
Alors que nous tentions de modérer les critiques acerbes qui s’en suivirent, Omer Asik a imposé ses larges épaules dans la raquette comme dans le classement des meilleurs rebondeurs de la ligue tandis que Jeremy Lin continue son apprentissage de la ligue avec plus ou moins de bonheur.
Enfin, à quelques encablures du début de saison, le GM a frappé en grand coup en faisant l’acquisition, par la voie d’un trade cette fois, de James Harden.
Devenant un All Star, le barbu a réussi à faire gagner une équipe qui est en passe de déjouer tous les pronostics en se qualifiant en playoffs.
L’ancien 6ème homme du Thunder confirme pour le moment tout le bien que les texans pensaient de lui, notamment grâce à ses 46 points inscrits contre son ancienne équipe mercredi.
N’affirmons cependant pas tout de suite qu’il est le Franchise Player qui pourra mener les Rockets au titre, Tracy McGrady a également réalisé des prouesses en saison régulière…
Une conclusion peut être tirée de ces constats.
La direction fera tout pour raccourcir le plus possible le temps de reconstruction en recourant à divers moyens, d’où parfois un sentiment d’incohérence.
Deux lignes de force paraissent ainsi s’affronter au sein de la franchise et probablement dans la conscience même du General Manager Daryl Morey.
D’un côté, la volonté de miser sur la jeunesse et de développer des rookies est manifeste, que ce soit par l’acquisition de choix de Draft cet été ou par le dernier transfert survenu cette semaine.
De l’autre, le coach Kevin McHale rechigne à faire jouer les bleus. En conséquence, les nouveaux venus se trouvent soit impliqués dans des trades (Jeremy Lamb et un choix de Draft), soit dans l’équipe D-League des Rio Grande Vipers ou sur le banc (Donatjas Motiejunas, Terrence Jones, Scott Machado).
Il y a donc eu un tiraillement quant à la modalité de la reconstruction entre la Draft, et par extension les rookies, et les transferts/la Free Agency, désormais résolu par les bons résultats et les décisions prises, à commencer par la transaction du 20 février.
Les départs : Patrick Patterson, Cole Aldrich et Toney Douglas ainsi que Marcus Morris
On considère généralement un départ comme négatif puisqu’il ampute l’équipe d’un talent.
Dans le même temps, il est impossible de ne pas mettre en relation la progression visible d’un Serge Ibaka avec le transfert de Jeff Green aux Celtics.
Le General Manager a essuyé les mêmes critiques tout au long de l’été passé, se faisant traiter de noms d’oiseaux, qui pointaient du doigt l’embouteillage d’ailiers de l’effectif, en particulier à la position d’ailier-fort. En se séparant de Patterson, ainsi que de Marcus Morris, le General Manager a fait place nette. En forçant peut-être la main à l’entraineur, il permet aux rookies d’acquérir le temps de jeu et l’expérience dont ils ont besoin.
Tandis que Patterson et Morris étaient des options intéressantes qui auraient du mal à se transcender à terme, les grands bénéficiaires de ces départs se nomment sans doute Motiejunas, White, Robinson et Jones, soient quatre premières années dont le potentiel excède celui des deux premiers cités.
Les quatre jeunes pousses ont du talent plein les doigts et apportent chacun des choses différentes à l’équipe.
Il sera intéressant de scruter la formation pour voir lesquels d’entre eux sauront se distinguer.
Terrence Jones, annoncé sur le départ quelques heures avant la fin de la période des transferts, pourrait bien profiter de cette redistribution des cartes et enfin endosser le rôle de 6ème homme pour lequel il est né.
Toney Douglas, croqueur patenté n’aura plus l’occasion d’enrayer la fluidité de la transmission du ballon dans l’attaque texane, ayant déjà été remplacé par Beverley dans la rotation. Ses qualités de shooteur ne lui étaient d’ailleurs pas exclusives dans une formation qui se repose beaucoup sur le tir longue distance.
Quant à Cole Aldrich, travailleur de l’ombre qui s’est révélé utile, sa présence n’est pas non plus indispensable tant le non-drafté et sous-dimensionné Greg Smith abat un travail remarquable dans la peau de l’outsider triomphant.
Les pertes d’amis ont pu peiné les membres solidaires de l’équipe à l’esprit bon enfant mais tout va très vite en NBA et ce chagrin ne sera pas préjudiciable, chassé par la cadence des rencontres.
Si l’on s’écarte de l’aspect purement sportif, le trade permet également à la franchise de faire des économies lorsque l’été viendra.
La stratégie est limpide ; avec suffisamment d’argent en poche, les Rockets seront dans la mesure d’offrir un contrat maximum à une pointure de la ligue dont le contrat sera arrivé à expiration.
De plus, entre les bons résultats, le jeu séduisant de la formation et la présence du démarcheur de star James Harden, Houston est devenu une destination incontestablement attractive pour les agents libres.
Une situation encore impensable il y a 6 mois.
S’ils échouaient à mettre le grappin sur un leader capable d’épauler le barbu à cette période, on compte sur le cerveau fourmillant d’idées de Daryl Morey pour mettre à profit son portefeuille.
Les arrivées : Thomas Robinson, Francisco Garcia et Tyler Honeycutt
L’acquisition majeure de Houston dans le marché du 20 février est évidemment celle de Thomas Robinson, le 5ème choix de la dernière Draft.L’intérieur n’a pas eu l’impact attendu sur son ancienne équipe mais cette déception doit être nuancée.
Tout d’abord, il faut rappeler que la première saison est une année de transition, pendant laquelle les joueurs s’acclimatent à la ligue et ajustent leur jeu.
Des débuts difficiles ne sont ainsi pas synonymes de mauvaise carrière annoncée comme le prouve l’exemple actuel d’un Evan Turner.
Les plus anciens citeront sans difficulté la première campagne catastrophique d’un meneur qui obtint avec Detroit en 2004 le trophée de MVP des Finals.
Dans un second temps, l’environnement humain était des plus contre-productifs lorsqu’il s’agit de ne pas exploiter le maximum du potentiel de ses joueurs.
On imagine aisément que Thomas Robinson, avec sa mentalité de gagnant, a dû élever la voix plus d’une fois durant les derniers mois.
Enfin, sur le plan du jeu, il est difficile de parler d’ « équipe » lorsque l’on évoque Sacramento puisque la cohésion n’y est pas maitre mot et que les totaux de passes décisives y sont faméliques.
Dans une configuration du « chacun pour soi », un intérieur a peu de chances de se montrer en valeur.
Dans le secteur défensif, Robinson se heurtait au manque de coordination et d’envie d’aider le coéquipier tandis qu’il était confronté à l’appétit gargantuesque de Demarcus Cousins de l’autre côté du parquet.
Robinson n’est probablement pas supérieur à Patterson à ce jour mais le rapport de force pourrait bien avoir changé dans quelque temps.
L’ailier fort reste sous-dimensionné et son jeu offensif n’est pas optimal. Mais il a une éthique de travail et une combativité impeccables et sera mis en valeur par le système des Rockets. En d’autres termes, tous les voyants sont au vert et s’il échoue, T-Rob ne pourra s’en prendre qu’à lui-même et sera vite remplacé.
Francisco Garcia, bien qu’ayant des qualités (tir à trois-points, circulation de balle) correspondant bien au jeu texan, risque de ne pas se voir accorder beaucoup de minutes, puisqu’il sera concurrencé par Delfino en relais du poste 3 et que, sur le poste d’arrière, la vedette James Harden ne passe pas un temps considérable sur le banc.
Sa fiabilité sur ses courtes séquences de jeu ne devrait pas être remise en question dans la configuration plus favorable des Rockets.
Quant à Tyler Honeycutt, les chances qu’il touche le ballon sont des plus minces, s’il obtient déjà l’opportunité de fouler le parquet.
Ce qu’il faut retenir du trade pour les Rockets est qu’ils ont remédié au problème de l’engorgement des postes d’ailiers.
Le choix a été fait d’écarter les valeurs sûres mais limitées pour laisser la place aux risques que représentent les forts potentiels.
Alors qu’une équipe ne peut viser le titre sans prendre de risques, sauf cas exceptionnel de Big Three assemblé en un été, les Rockets ont à nouveau lancé les dés, et quels dés !, avec panache.
A combattre sans péril, on triomphe sans gloire.