Rome est une ville romantique. Tout y est amplifié, tout y est plus fort. Tout particulièrement lorsqu’on en vient au Calcio. L’AS Roma déchaine tant de passions, tant d’émotions que l’on ne peut que s’enflammer sur ce début de championnat. Surtout après une saison qui a vu le club privé de joute européenne par son classement (6e) et surtout par la défaite contre le rival laziale en finale de coupe d’Italie. La pire des humiliations. Les tags « Lulic 71 » » qui fleurissent sur les murs de la ville sont autant de douloureux rappels de la blessure que représente ce 26 mai 2013. Une blessure dont on ne se remet pas facilement. Une blessure profonde, réelle, qui ne peut provoquer qu’un grand chambardement. Colère des supporters, pression sur les joueurs et les dirigeants : le directeur général Baldini file à Tottenham. La direction doit reconstruire, se relever. Retrouver la confiance de supporters fervents, bouillants, qui attendent de retrouver les sommets.
Pour reconstruire il faut oser. Le choix de Rudi Garcia étonne et intrigue mais il répond à une volonté, une prise de conscience de la direction du club, que cette Roma si passionnée a besoin d’un peu de stabilité. D’un pragmatique. Le français d’origine espagnole a construit un beau succès en emmenant Lille au titre en 2011, avec un jeu léché et porté vers l’avant. Il arrive dans une Roma moribonde et va devoir tout reconstruire : l’effectif, qui va fortement évoluer pendant l’été, la réputation salie par la défaite lors du derby du 26 mai, le fond de jeu, la cohésion. C’est par là que Garcia va commencer. C’est un meneur d’hommes, quelqu’un qui s’adapte vite et il va rapidement trouver le bon ton. L’équilibre entre laxisme et rigorisme est difficile à trouver, surtout lorsque le groupe est composé de fortes têtes, d’une légende intouchable, de jeunes ambitieux, le tout dans la ferveur des tifosi. Apprenant l’italien à vitesse grand V, se mettant Totti dans la poche dès le début, Garcia a su apprivoiser son groupe et mieux, le souder. Sa préparation de la saison étonne en Italie (les joueurs touchent le ballon durant l’été, chose rare au pays de la préparation ultra physique de pré-saison) mais ravi les joueurs.
Parlons-en des joueurs. Le mercato de la Roma est efficace. Les ventes des jeunes pépites Marquinhos (35M) et Lamela (30M) sont préjudiciables pour l’équipe mais apportent des liquidités que Sabatini ne peut refuser. Exit aussi Osvaldo, le turbulent attaquant au talent certain mais à la mentalité pour le moins problématique. Southampton en donne 15 millions et l’on s’aperçoit alors que la Roma vient de se séparer de ses deux meilleurs buteurs. Dernier départ à noter, celui du gardien néerlandais Stekelenbutrg, qui jamais n’a su répondre aux attentes placées en lui.
En vendant intelligemment et cher, Sabatini s’est assuré une intéressante capacité de recrutement, nécessaire lorsqu’on vient de faire venir un coach avec pour mission de reconstruire. C’est ainsi que l’expérimenté gardien De Sanctis rejoint le club pour apporter des garanties dans les cages. Il en est de même sur le côté droit pour Maicon, en perte de vitesse mais qui représente toujours un solide apport, surtout qu’il est gratuit. A ces arrivées expérimentées se rajoutent l’achat du florentin Ljajic, de Mehdi Benatia en défense centrale et du jeune milieu hollandais très prometteur Strootman. Enfin, Rudi Garcia appose sa patte sur sa nouvelle équipe en faisant venir la fusée Gervinho, qui n’a jamais trouvé sa place à Arsenal.
Ce recrutement sans star basé sur la cohérence et l’expérience plutôt que sur les paris permet également à Garcia de composer avec un groupe plus mature et serein hors du terrain, qui va lui permettre de jouer le jeu qu’il aime.
Le résultat ? 7 matchs, 7 victoires, 20 buts marqués, 1 but encaissé. Le scepticisme a laissé place à l’admiration. Rudi Garcia réalise le meilleur départ de l’histoire du club et a transformé ce groupe terne l’an passé en machine.
La défense ? Ultra solide. Un seul but encaissé. Morgan de Sanctis n’est pas un gardien flamboyant mais il apporte la sérénité et la voix nécessaire. Devant lui, la charnière centrale a très vite trouvé ses marques. L’association entre le roc Castan et le volubile Benatia très propre dans ses interventions et ses relances fonctionne à merveille. Maicon à droite s’offre une seconde jeunesse et étonne par son activité offensive intensive, tandis que Balzaretti reste solide sur son côté gauche.
Le milieu romain est une ode au beau jeu et à la vista. De Rossi devant la défense retrouve son niveau et redevient le taulier qu’il doit être, tandis que Pjanic et Strootman abreuvent les attaquants de délicieux ballons. La transition entre phase défensive et offensive et l’une des grandes forces de cette Roma.
Du côté de l’attaque, si l’on pouvait craindre des difficultés avec les départs de l’été, il n’en est rien. Le travail de Gervinho et de Florenzi sur les ailes est excellent. Gervinho surtout impressionne par son volume de jeu et sa capacité de provocation. Et entre ces deux là, Il Capitano. Totti retrouve la position de 9 et demi qui lui est chère, et ça se voit : six passes décisives et trois buts pour l’idole de Rome. Au total, pas moins de 9 joueurs ont déjà marqué cette saison, compensant à merveille l’absence sur blessure de Mattia Destro.
Le parcours idyllique de la Roma commence par deux victoires sur deux promus, parfait pour la mise en confiance. Le premier test a lieu dès la 4ème journée, et est déjà primordial pour la suite de l’aventure de Rudi Garcia à Rome : le derby. La revanche de la finale de la coupe, le match qui fait frissonner toute une ville.. Victoire 2-0, Rudi passe le test. Il n’a toujours pas perdu et a battu le rival. Et ça continue. On commence à prendre la mesure de cette nouvelle Roma qui joue vite, bien, solide en défense et rapide en attaque. On redécouvre Gervinho dirigé par Garcia, dévoreur d’espace, la vista du Capitano Totti, la solidité de Benatia. Les détracteurs arguent que l’équipe n’a pas passé de test, le voilà qui arrive lors de la 7e journée : l’Inter.
L’AS Roma a gagné ses 6 matchs, le dernier contre Bologne fut une démonstration (5-0) mais en face, l’Inter est en confiance. Le déplacement à San Siro s’annonce difficile, l’Inter va faire tomber cette Roma que l’on voit trop belle… Il n’en est rien. Victoire 3-0, que l’on peut créditer à la défense ultra-solide qui offre des contres assassins à ses mobylettes Gervinho et Florenzi. Totti marque un doublé et a droit à son ovation par San Siro à sa sortie. Légende.
Le prochain test arrive, en la personne de l’armada Napolitaine, favorite pour le scudetto avec la Vieille Dame. Mais si l’on peut décemment supposer que la Roma va bien perdre un match, elle est l’une des équipes les plus séduisantes d’Europe. De la ferveur populaire, une légende inoxydable, un coach français qui aime le beau jeu, presque 3 buts par match de moyenne.Comment ne pas l’aimer ?
Il faut de plus souligner l’avantage que possède la Roma sur tous ses concurrents italiens : le club n’a pas de match de coupe d’Europe à jouer, ce qui peut se révéler être un énorme avantage en terme de fraicheur physique au cours de la saison. A Rome tout va très vite. Trois matchs perdus et l’on est bon pour la Serie B, trois matchs gagnés et l’on est candidat au Scudetto. C’est pourquoi Rudi Garcia s’emploie à calmer les esprits, sans pour autant cacher sa satisfaction face à ce début idyllique. Le début d’une histoire d’amour ? Le club aurait déjà engagé les démarches pour prolonger le coach, mais l’avenir nous dira s’il saura résister au romantisme romain, celui qui broie des coach et des vestiaires, mais qui rend la victoire si belle.