Comme tous les ans, fin mai, les yeux de la planète tennis sont fixés sur la porte d’Auteil. En 2017, une ambiance particulière va flotter sur Paris durant les quinze prochains jours. L’histoire, la grande, pourrait s’écrire sous nos yeux. Rafael Nadal semble avoir toutes les cartes en mains pour s’offrir sa « décima ». Déjà vainqueur à Monte-Carlo et à Barcelone pour la dixième fois, le meilleur terrien de l’histoire peut devenir le premier homme à remporter dix fois un même Grand Chelem. Est-il intouchable ? Nous allons vous proposer un tour d’horizon des favoris et outsiders de ce Roland Garros 2017. Car si l’Espagnol est grandissime favori, la concurrence, très ouverte, sera féroce.
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Rafael Nadal
Meilleur Résultat à Paris : Vainqueur (9 fois)
Bilan sur terre battue en 2017 : 17 victoires, 1 défaite, 3 titres
Depuis 2006, un homme arrive à Roland Garros en grandissime favori. Très souvent, ce statut n’a pas pesé lourd sur les épaules de Rafael Nadal. Si l’on excepte le tremblement de terre de 2009, sa méforme en 2015 et son forfait au troisième tour l’an passé, l’Espagnol a toujours soulevé la coupe des Mousquetaires le dernier dimanche du tournoi. Cette saison, le roi de la terre battue est revenu tout près de son meilleur niveau. Sur béton, d’abord, avec une finale à Melbourne et à Miami, puis sur terre, où il a (presque) tout écrasé sur son passage. Avec un tennis plus tourné vers l’offensive, débarrassé de ses problèmes aux genoux qui le tracassent régulièrement depuis son enfance, le taureau de Manacor a remporté 17 matchs sur terre battue cette saison. Un seul homme a réussi à le faire tomber, à Rome : Dominic Thiem. Un Thiem qui avait sorti un match d’un autre monde pour battre « Rafa ». Une défaite qui le prive d’un quadruplé exceptionnel mais qui aura le mérite de le laisser sur ses gardes.
Son retour au premier plan, couplé à un Big Four en difficulté (Roger Federer absent, Novak Djokovic plus aussi souverain et Andy Murray transparent depuis janvier) font de Nadal un super favori. Numéro 1 à la Race, il jouera contre Benoit Paire son 99ème match au meilleur des cinq manches sur terre battue. Son bilan est de 96 victoires pour deux défaites. Une statistique qui parle d’elle même. Bien que son tableau soit difficile, avec notamment un potentiel duel contre Jack Sock, un joueur qui peut le gêner énormément avec sa gifle de coup droit, sa domination psychologique est telle que les adversaires partent presque battus d’avance.
Au regard de sa forme physique, de la qualité de son tennis et de sa faim légendaire de marquer encore et toujours plus l’histoire, ne pas le voir s’offrir sa décima serait une surprise colossale.
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Novak Djokovic
Meilleur résultat à Paris : Vainqueur (2016)
Bilan sur terre battue en 2017 : 8 victoires, 3 défaites, 1 finale
Compliqué. Si nous devions trouver un superlatif pour qualifier le début de saison de Novak Djokovic, ce serait celui-là. Depuis son grand chelem en carrière complété à Paris l’an dernier, le Serbe a expliqué avoir perdu un peu de sa gnaque. Sorti prématurément à Wimbledon par Sam Querrey alors que tous les voyants étaient au vert, puis maltraité par Stan Wawrinka en finale de l’US Open, il a chuté à la surprise général contre Denis Istomin dès le deuxième tour à Melbourne. Moins tueur sur le terrain, surtout sur les points importants, Djokovic n’est plus le joueur robotique et parfait qu’il était depuis 2011.
Sur terre battue, il n’a gagné que huit matchs cette saison, et même s’il s’est offert une grosse victoire en écrasant Dominic Thiem à Rome, sa défaite en finale contre Alexander Zverev, novice à ce niveau là, est symptomatique du Djoker version 2017. Alors, pourquoi lui mettre quatre étoiles ? Parce que Novak Djokovic a remporté douze titres du Grand Chelem, qu’il est tenant du titre, qu’il est le dernier homme à avoir battu Rafael Nadal à Roland Garros et qu’il aimerait beaucoup rebondir là où il a connu la joie ultime l’an dernier. Mais surtout, parce que le Serbe possède un mental à toutes épreuves, et si le déclic vient, Nole pourrait retrouver très vite sa domination.
Après avoir mis fin à sa collaboration avec Marian Vajda, son coach depuis onze ans, et après s’être séparé de Boris Becker, il semble vouloir partir sur de nouvelles bases. André Agassi, lauréat en 1999, le conseillera pendant le tournoi Parisien. Le Kid de Las Vegas sait ce que c’est de traverser des déserts. Son apport sera intéressant à suivre, et il peut être un homme clé pour remettre le Djoker dans le droit chemin.
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Dominic Thiem
Meilleur résultat à Paris : Demi-finaliste (2016)
Bilan sur terre battue en 2017 : 17 victoires, 4 défaites, 1 titre, 2 finales.
Outre Rafael Nadal, le tube à la mode de ce Printemps, c’est Dominic Thiem. Demi-Finaliste l’an passé, l’autrichien semble encore avoir progressé cette saison. Avec 17 victoires sur terre battue cette saison, (comme l’espagnol) il est surtout le seul homme à avoir battu le nonuple vainqueur de Roland Garros sur sa surface favorite. Jouant toujours relativement loin de sa ligne, il s’appuie sur sa recette de toujours : une intensité totale sur chaque frappe. En revers comme en coup droit, Thiem effectue chaque frappe comme si c’était une balle de match. Solide dans l’échange, la foudre peut tomber de n’importe quelle position, et n’importe quand.
Pur terrien, bien qu’il soit excellent sur toutes les surfaces, il est amené à gagner Roland Garros dans un futur relativement proche. Dès cette année ? Cela risque d’être compliqué. Bien que possédant sans doute la plus grosse caisse du circuit, Thiem joue encore et toujours énormément. Trop ? C’est possible. Il avait fini la saison 2016 carbonisé avec 82 matchs au compteur. A la moitié de la saison, il est reparti sur les mêmes bases, avec déjà 41 rencontres jouées. On le sait, le stakhanoviste du circuit a besoin de jouer beaucoup pour garder le moteur chaud. Mais en Grand Chelem, il a très souvent eu du mal à performer. En treize participations en Majeur, il n’a gouté qu’une seule fois à la deuxième semaine, à Paris l’an dernier. Pour faire mieux que l’an passé, il faudra surement s’offrir le trio Goffin-Djokovic-Nadal. Réussir ce triptyque ferait passer Dominator dans une nouvelle dimension.
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Stan Wawrinka
Meilleur résultat à Paris : Vainqueur (2015)
Bilan sur terre battue en 2017 : 5 victoires, 3 défaites, 1 finale
A l’heure où nous écrivons ces lignes, Stan Wawrinka n’a pas encore joué sa finale à Genève. Une finale, et une semaine, qui fait du bien au Suisse, qui vit une tournée sur terre des plus délicates. Deux victoires sur les trois Masters 1000, des défaites préoccupantes contre Benoit Paire, John Isner, et, à un moindre degré, Pablo Cuevas, ont mis un peu le feu à la maison Wawrinka.
Présent en Suisse pour regonfler le moral, Wawinka a profité d’un faible tableau pour améliorer son capital confiance. Ne nous trompons pas, sur ce qu’il a montré cette saison, le Stanimal ne peut pas prétendre au titre à Paris. Mais, on le sait, bien luné, le Suisse est sans aucun doute le joueur le plus injouable de la planète. La rengaine est toujours la même : si Wawrinka passe la première semaine, avec, si possible deux ou trois frayeurs, qu’il arrive en huitième, alors il deviendra un homme très dangereux. Placé dans la partie de tableau la moins difficile, il est certain d’éviter les trois hommes cités aux dessus de lui avant la finale. Une chose est sûre : il ne battra pas pour la quatrième fois un numéro un mondial en finale de Grand Chelem.
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Andy Murray
Meilleur résultat à Paris : Finaliste (2016)
Bilan sur terre battue en 2017 : 4 victoires, 4 défaites
Un fantôme. Voilà comment Andy Murray a traversé ces cinq premiers mois de 2017. Brillantissime en 2016, numéro un mondial par KO, il connait un début de saison aux antipodes de ses triomphes de fin 2016. Sur terre battue, la situation s’est empirée. Quatre victoires pour quatre défaites, une seule victoire contre un top 20 et des sévères claques reçues par Fabio Fognini à Rome ou par Borna Coric à Madrid.
Moins conquérant, moins solide dans l’échange, Andy Murray vit un peu le même début de saison que Novak Djokovic, avec les mêmes problèmes. Treizième à la race, avec une seule victoire contre un top dix cette saison, l’Écossais voit fondre son avance au classement ATP comme neige au soleil. Placé dans le haut du tableau, il semble tout de même avoir un boulevard pour s’offrir au moins une demi-finale. Une chose que l’on aurait jamais pensé écrire il y a six mois, mais voir Andy Murray en demi-finale de Roland Garros serait déjà une performance remarquable.
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Alexander Zverev
Meilleur résultat à Paris : 3ème tour (2016)
Bilan sur terre battue en 2017 : 16 victoires, 3 défaites, 2 titres
Jeune espoir, future star, Alexander Zverev se conjugue désormais au présent. En remportant le Masters 1000 de Rome, « Sascha » a définitivement changé de dimension. Premier titre majeur, première apparition dans le top dix mondial, il est également devenu le premier joueur né dans les années 90 à gagner un titre Majeur, alors qu’il est né en…1997. Nous n’allons pas nous étendre longtemps sur les qualités connues de tous du jeune allemand, mais il faut savoir une chose : jouer le revers du prodige est une très mauvaise idée. Tout près du double mètre, le petit frère de Mischa possède, à première vue, peu de défauts. Mais en regardant de plus près…Et bien il ne semble pas y en avoir beaucoup plus.
Gros serveur, il se distingue (nous l’avons déjà écrit 1000 fois sur Débats-Sports) par son ahurissante capacité de déplacement, de placement et de replacement, sans aucun doute jamais vue pour un joueur si grand. Cependant, il arrive avec « la pancarte » à Roland Garros, presque inconnu l’an dernier, beaucoup le voient aller loin à Paris. Lui, qui n’a jamais passé le troisième tour en Grand Chelem, devra se méfier de la première semaine, et surtout de son entrée en lice, avec un des pires tirages possibles pour une tête de série, Fernando Verdasco.
Reste à savoir comment il va réussir à gérer l’engouement nouveau autour de lui. S’il s’en sort aussi bien que face à Djokovic en finale de son premier M1000, alors les 127 autres joueurs du tableau peuvent trembler.
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David Goffin
Meilleur résultat à Paris : Quart de Finale (2016)
Bilan sur terre battue en 2017 : 11 victoires, 4 défaites
Comme toujours, David Goffin arrive en catimini dans un tournoi du grand chelem. Physique frêle, tennis neutre mais très propre, le belge sera un très gros client à Paris. Pas de finale sur terre cette année, mais une certaine régularité. Si on excepte sa défaite contre Karen Khachanov à Barcelone seul Nadal et Marin Cilic, deux top dix, l’ont vaincu sur la surface ocre cette année. Toujours régulier, « LaGof » est une valeur sûre, qui connait rarement de trous d’air. Très solide pendant un set contre Nadal à Madrid, il sera à coup sûr un caillou dans la chaussure de n’importe quel joueur à Paris.
Son probable huitième de finale contre Thiem, revanche du quart de finale de l’an passé, pourrait être un des matchs de la quinzaine. Malheureusement pour lui, son tableau incroyablement compliqué risque de l’empêcher de gouter, pour la première fois, à un dernier carré en Grand Chelem.
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Derrière ces 7 hommes, bon nombre de joueurs peuvent jouer leur carte sur ce Roland Garros. A commencer par Pablo Cuevas. Quart de finaliste à Madrid, demi-finaliste à Rome, l’Uruguayen, pur terrien, joue le tennis de sa vie en 2017.
Pour Lucas Pouille, il faudra trouver de la constance. Décevant sur béton, le jeune Français a brillé sur terre, avec un titre à Budapest et une demi-finale à Monte Carlo. Une bonne forme pour un joueur qui n’a jamais passé le deuxième tour à Paris. Restons côté tricolore, avec Jo-Wilfried Tsonga, qui, pour la première fois de sa carrière, jouera une finale sur terre battue à Lyon. Homme des grands rendez-vous, le Français arrive caché à Paris. Il n’est jamais aussi fort que lorsque on ne l’attend pas.
Qui dit terre battue, dit forcément Espagnol. Le trio Pablo Carreno Busta, Albert Ramos Vinolas et Roberto Bautista Agut pourrait couper des têtes. Respectivement 10ème, 12ème et 19ème à la Race, ils sont à surveiller. Surtout les deux premiers, avec Carreno Busta, auteur de la meilleure saison de sa carrière et Ramos Vinolas, finaliste à Monte-Carlo.
Kei Nishikori, comme toujours, sera également à surveiller, même s’il parait trop juste pour battre les tout meilleurs sur terre battue. Tout comme Milos Raonic, qui sera toujours dangereux à partir du moment où son physique le tient tranquille.
Et, pour finir, deux hommes qui peuvent être les stars de la quinzaine : Juan Martin Del Potro, encore incertain, qui est, on le sait, un des meilleurs joueurs du monde lorsqu’il peut donner la pleine mesure de son talent. Le dernier homme est le seul joueur du monde à pouvoir concurrencer, voir dépasser, la gifle de coup droit de Nadal : Jack Sock. L’américain au bras bionique pourrait retrouver au troisième tour l’Espagnol. Un match à ne louper sous aucun prétexte.