Comment la fédération anglaise évolue et développe les jeunes espoirs en devenir sur la scène européenne. Dans cet article, je m’attarderais sur l’avenir du football anglais, en m’intéressant au développement technique et créatif de celui-ci.
[colored_box color= »red »]« Vous en Angleterre, vous jouez comme nous les continentaux, nous jouions il y a des décennies avec beaucoup de force physique mais aucune méthode, aucune technique. » – Helenio Herrera[/colored_box]
Helenio Herrera, ancien de l’Inter Milan, de la Roma ou même de Barcelone et connu pour avoir popularisé le style de jeu que l’on appelle désormais de nos jours catenaccio, (philosophie basée sur une défense solide et organisé.) a employé ces mots ci-dessus en 1960. Depuis, l’Angleterre n’a offert que très peu de démenti dans leur jeu qui pourrait laisser penser qu’ils possèdent la capacité technique du Brésil ou encore de l’Espagne. Ces mots ne sont pas les miens ! De nombreux observateurs faisant partie du monde du football et s’étant intéressés au jeu anglais ont appuyés ces propos.
Ce recours excessif à la force et à la vitesse au détriment de la technique dans le jeu anglais ne date pas d’hier puisqu’on pouvait déjà voir ça dans la seconde moitié du XIXème siècle. Il a d’ailleurs souvent été souligné que les joueurs écossais compensaient leur manque cruel de technique en s’appuyant sur une force et une vitesse au dessus de la moyenne. Ce style de jeu est ensuite devenu une vrai culture défensive outre manche.
Le problème avec le football anglais.
Ayant étudié depuis plusieurs années le football britannique en général et le football anglais en particulier, je suis parvenu au constat du manque cruel de qualités techniques parmi les footballeurs de la perfide albion. Ces lacunes trouvent leur source dans quatre facteurs principaux.
- Un manque de technique.
- Un manque de véritable philosophie de jeu identitaire de l’Angleterre.
- Un manque de flexibilité tactique et d’éducation des joueurs.
- Un manque d’intérêt pour le développement des jeunes espoirs.
A travers une série d’articles, je tenterais de vous montrer que la Fédération Anglaise essaie de changer en s’intéressant de plus en plus au développement des jeunes joueurs en m’appuyant sur les quatre points ci-dessus. Article par article, nous nous intéresserons à chacun des points proposés.
1- Un manque de technique.
Dans le football, le principal critère pour une bonne passe, un bon tir ou un bon tacle ne tient que de son résultat final. Par exemple, une bonne est mesurée par le fait qu’elle arrive au receveur dans la bonne position, au bon moment et avec la vitesse désirée. La technique a évidemment une part importante dans une telle action. Cependant, avoir une bonne qualité technique ne suffit pas à faire le meilleur usage d’une telle capacité. Les joueurs doivent, en effet, également posséder un potentiel de créativité leur permettant de maximiser cette dite technique.
En parlant technique, on se sent obligé de parler du Brésil qui est sans aucun doute le premier pays au monde et le plus efficace pour produire et sortir des joueurs capables de combiner technique et créativité d’une façon presque naturelle. La capacité du Brésil de produire de tels joueurs tient en partie à une chose : le Futsal, une variante footballistique mettant en avant les capacités techniques et créatives des joueurs. Ce sport est considéré comme le sport national au Brésil, la plupart des joueurs passant tout d’abord par cette variante sur petit terrain avant de se lancer dans le football grandeur nature. Juninho, notamment, a joué au Futsal jusqu’à l’âge de 14 ans avant de se lancer dans le football.
L’Angleterre, quant à elle, compte énormément sur le football de rue pour produire des joueurs démontrant des qualités de classe mondiale et de la créativité. Cependant, malgré des clubs comme Manchester United ou Liverpool, plaçant un niveau d’importance élevé sur le maintien des qualités du football de rue dans leurs modèles de développement, la crainte principale réside bel et bien dans le manque de bénéfices de ce type de football.
L’accent sur le jeu à une touche de balle.
La conséquence la plus manifeste de l’absence d’une acculturation au football de rue ou du jeu sur petit périmètre comme le permet le Futsal, au cours des dernières décennies se situe dans la fréquence des touches de balles des joueurs au cours d’une rencontre.
L’Université de Dundee en 2006 a d’ailleurs réalisé une étude de ce phénomène en analysant le nombre de touche de balle par match d’un joueur en fonction du nombre de joueurs sur le terrain.(4 contre 4, 7 contre 7, 11 contre 11) Le constat est flagrant puisque l’étude s’appuyant sur des équipes écossaises a conclu que les joueurs sont davantage en contact avec le ballon en 4 vs 4 par rapport au 11 vs 11 de l’ordre de 390% !
D’autres recherches s’appuyant sur l’équipe de Manchester United ont indiqué qu’il y a 225% fois plus de un contre un et 280% fois plus de dribbles en 4 vs 4 par rapport au 11 vs 11 classique. Autre analyse importante, l’aspect technique ne doit pas être négligé également par les gardiens, ceux-là utilisant dans le football moderne sept fois plus leurs pieds que leurs mains.
Apprendre comment jouer au football.
Salmela, en 1995, suggérait un apprentissage efficace où l’athlète impliquerait quatre composantes dans son développement telle que le physique, la technique, la tactique et le mental. Dans un jeu où les joueurs travaillent à un rythme cardiaque élevé, le développement physique est primordial. Cependant, un joueur ne peut négliger également un développement mental, tactique et technique. Les jeux dans un petit périmètre sont non seulement bénéfiques sur le plan technique mais aident également au développement mental en vue des matchs de haut niveau à travers l’exercice de prise de décision rapide. La prise de décision et les capacités mentales sont essentielles pour un joueur en vue d’accroître sa vision du jeu et sa capacité à repérer les options disponibles afin de prendre la meilleur décision possible pour son équipe.
[colored_box color= »red »]« En 10 secondes environ, Paul Scholes verra une centaine d’alternatives et fera ensuite ses choix qui s’appuieront sur son positionnement » – Mick Critchell, Le Blizzard [/colored_box]
Il apparaît donc qu’il est impératif que les jeunes joueurs travaillent cet aspect de leur jeu s’ils ont l’ambition de progresser techniquement parlant. Une recherche a prouvé qu’un joueur dans un match à 11 contre 11 passait 98,3 % du temps sur le terrain sans ballon dans les pieds. Autrement dit, il ne passe seulement 53 secondes avec un ballon dans les pieds dans un match.
Mick Critchell, ancien conseiller pour Fulham et Southampton, affirme que le développement à long terme va cependant plus loin que les conclusions rationnelles exposées ci-dessus. Critchell estime en effet que le jeu anglais est souvent joué par la partie dite logique du cerveau humain et que l’autre partie est donc sous développée en raison d’un manque de créativité et de liberté d’expression des joueurs. Ce résultat me porte à croire que cela explique la raison pour laquelle les joueurs brésiliens manquent de positionnement et de rigueur tandis que les anglais, eux, manquent cruellement de créativité.
Le scientifique bulgare Lozanov a lui fait la suggestion dans les années 70 d’une méthode d’apprentissage qui exige que les deux hémisphères du cerveau soit stimulés. Le côté du cerveau que les joueurs anglais ont développé est, pour lui, malheureusement trop lent pour un jeu tel que le football. Les joueurs sont mieux développés dans leur ensemble lorsque les deux hémisphères et donc la totalité du cerveau est développé elle aussi. C’est seulement dans ce cas là que la prise de décision, la créativité et la technique se fondent dans un effort simple, le genre de jeu dont Xavi nous gratifie à chacune de ses prises de balle.
Malgré la grande quantité de recherche sur l’importance du jeu a une touche de balle dans le développement des joueurs, seulement 20 % du temps de formation dans les clubs anglais est consacré a ce style d’exercice pour 50 % de mise en forme et musculation.
Réflexions finales.
Le football anglais risque cependant de changer à partir de la saison 2014-2015 grâce a la Fédération Anglaise. En effet, les joueurs ne joueront plus à 11 contre 11 jusqu’à l’âge de 12 ans puisque le format du 5 contre 5 sera utilisé pour les groupes d’âge de moins de 7 ans afin de créer un développement proportionnel en fonction de l’age du joueur. A partir de 9 ans, les joueurs passeront à des confrontations à 7 contre 7 avant de passer à 9 contre 9 et finalement s’exercer sur du 11 contre 11.
[colored_box color= »red »]« Nous ne cherchions pas à imiter un pays en particulier mais à piocher les meilleurs choses à travers l’Europe afin de créer un tout nouveau modèle avantageant au mieux le football anglais. Les versions plus réduites du jeu permettront aux joueurs de développer l’aspect technique et d’apprécier au mieux le football. Lorsque les enfants apprécient le jeu, ils se sentent de mieux en mieux et cela favorise leur développement. » – Déclaration fédération anglaise.[/colored_box]
Une chose est certaine en tous cas, ces modifications ne pourront qu’entraîner une éclosion de joueurs anglais beaucoup plus techniques et créatifs à l’avenir.