Vendredi à 20h45 Nanterre, petit poucet de la compétition, découvrait l’Euroleague en s’attaquant à l’une des plus grandes équipes d’Europe, le CSKA Moscou. Le sport aime trouver des David contre Goliath, ce match en est un parfait exemple. La différence de vécu, de budget, de talent, d’effectif est énorme. Et pourtant, Nanterre est tout proche d’un exploit et aura regardé pendant 39min l’armada russe droit dans les yeux, pour le plus grand plaisir des supporters bouillants. Retour sur cette belle soirée de basket.
20 heures. Nous découvrons la Halle Carpentier, salle vétuste qui rappelle nos plus belles heures de compétition départementale. Dans ce grand hangar, les deux équipes sont à l’échauffement. Ali Traore, en survêtement, participe sans forcer aux exercices d’avant match : il n’est pas encore complètement remis sur pieds. L’équipe championne de France s’est bien renforcée, enregistrant tout de même l’arrivée du jeune prodige de Pro B Mam Jaiteh, en plus de celles de Gladyr, Daniels et Thomas.
En face les russes tout de rouge vêtus s’échauffent au rythme des coups de sifflet du préparateur physique. Les plus grandes stars du basket européen sont là. David contre Golitath. Le salaire de Nenad Krstic représente le double de la masse salariale de l’équipe de Nanterre.
Le fossé le plus grand est peut être celui de l’expérience : Nanterre dispose de deux joueurs ayant joué l’Euroleague dont un, Ali Traore, ne jouera pas. En tout, 56 matchs européens cumulés. En face l’armada russe, coachée par le grand Ettore Messina qui gagne partout où il passe, cumule 824 matchs d’Euroleague joués. Au cours des dix dernières années l’ogre moscovite a disputé cinq finales, dont deux gagnées, déjà sous la direction de Messina.
Doucement les tribunes se remplissent. On voit beaucoup de vert bien sûr, mais la physionomie de la salle la rend très peu visuelle. Là où Coubertin donnait une impression de chaudron surchauffé lors du sacre de la JSF, la Halle Carpentier semble bien plus silencieuse, et l’on se demande quelle sera l’ambiance lors du match. En tribune est, une douzaine de supporters du CSKA chantent depuis leur arrivée et installent des banderoles tandis qu’en loges, quelques maillots russes sont visibles
Enfin le match démarre. Après 5min de jeu Nanterre mène 9-8 et l’on se dit que c’est déjà pas mal. Les joueurs de la JSF ont pris la mesure de l’enjeu et répondent dans l’engagement physique : la défense est solide. Will Daniels est chaud bouillant et marque 12 des 14 points de la JSF, idéal pour motiver les troupes. Si l’on s’attendait à voir la CSKA appuyer immédiatement à l’intérieur, les russes peinent à trouver des solutions en attaque. Le premier quart temps se termine de façon idéale, avec un dunk du jeune Jaiteh suivi d’un trois points de Deshaun Thomas. 21-11 pour Nanterre, déjà un petit exploit. La Halle Carpentier répond à nos inquiétudes concernant l’ambiance, les supporters sont bien là et le spectacle ne peut que les ravir.
Le deuxième quart repart sur les mêmes bases. Jaiteh fait deux fautes rapides mais P. Donnadieu le maintient sur le terrain. Les moscovites trouvent enfin quelques solutions grâce à Kaun, tandis que les verts et blancs sont en difficulté avec leur shoot extérieur. Heureusement, le solide Passave Ducteil effectue un impressionnant travail de sape sur Krstic, à qui il rend pourtant 13cm. Il prend cependant sa troisième faute juste avant la mi-temps, ce qui s’avèrera problématique.
Incroyable mais vrai, la JSF Nantere mène 35-28 face au CSKA Moscou à la pause. Le coach Messina fulmine, la Halle Carpentier savoure. On peut presque entendre depuis la salle les vestiaires vétustes trembler sous la colère de l’entraineur des russes, et l’on s’attend à un gros réveil.
La reprise confirme nos inquiétudes : Le CSKA met beaucoup plus d’intensité et surprend les français, qui encaissent un cinglant 10-0. Passave Ducteil sur le banc, Kaun rentre des paniers faciles dans la raquette tandis que Sonny Wheems fait tourner la tête de son défenseur. C’est ce duo qui fait mal à Nanterre, tandis qu’étrangement, Teodosic et Krstic sont peu en réussite et finissent par cirer le banc. Nanterre s’appuie énormément sur son shoot extérieur mais l’adresse calamiteuse rend les choses compliquées. heureusement cette équipe a du coeur et les joueurs se battent comme des lions sur chaque rebond pour s’offrir des secondes chances. L’intensité que met Marc Judith à la bagarre sous les panneaux est impressionnante. La JSF a réussi à encaisser le choc est n’est qu’a deux points des russes à l’entame du quatrième quart temps.
C’est le moment que choisit le duo d’arrière Wheems-Pargo pour accélérer. Ultra agressifs en attaque, ils étouffent la défense de Nanterre et mangent le chronomètre, tandis que la JSF peine à trouver des certitudes en attaque : Passave Ducteil manque un panier facile et fait sa quatrième faute. L’ambiance est étouffante, chaque stop défensif est une petite victoire mais, à l’usure et à l’expérience, les russes vont maîtriser le chronomètre et garder une avance de trois points. Jaiteh manque le difficile shoot de l’égalisation après une possession finale mal gérée. Victoire 62-59 du CSKA Moscou.
Jusqu’au bout l’ogre a tremblé, mais l’expérience a fini par l’emporter sur l’insouciance des joueurs de Nanterre, qui, sans aucun complexe, ont fait leur entrée dans la cour des grands en allant chercher des noises au caïd de l’école. Sans peur mais sans réussite, les champions de France ont mis le feu à Carpentier et ont joué crânement leur chance. Un pied de nez à tous ceux qui, à la fédération ou ailleurs, étaient réticents quant à la participation de la JSF à l’Euroleague : trop petit budget, pas de salle, risque d’être ridicules… Ces considérations balayées, Nanterre va devoir être solide. Solide car dans deux jours ils affrontent le PL en Pro A et que l’accumulation des matchs s’annonce difficile. Et solide pour ne pas se contenter de tutoyer les plus grands, mais parvenir à gagner des matchs contre des équipes moins imposantes.
Ils pourront dans tous les cas compter sur nous pour revenir voir la fièvre de l’Euroleague s’emparer d’un hangar parisien vétuste, habillé de vert.