Les Vélos d’Or récompensent qui ?

debats sports image par defaut
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Avec l’arrivée des premières gelées, les cyclistes rangent leurs dossards et peuvent se préparer mentalement et physiquement pour la prochaine saison. Propices à l’annonce des transferts et autres restructurations économiques du peloton, les intersaisons sont aussi le lieu privilégié pour la formalisation des bilans et la distribution des récompenses individuelles.



Ce mois d’octobre n’y échappe pas.  Avec la remise des vélos d’or français et mondiaux, l’actualité de la petite reine s’est offerte un bref répits dans le tumulte de l’affaire Armstrong. Ces récompenses n’en sont pas moins sujettes à polémiques. En décernant une même et unique distinction à l’ensemble des cyclistes toutes disciplines confondues (route, piste, VTT, etc…), les Vélos d’Or semblent se piéger eux-mêmes dans le carcan de la médiatisation. Là où ils devraient se contenter de récompenser les cyclistes ayant réalisé la plus belle saison, les Vélos d’Or survalorisent les prestations réalisées lors de certains évènements et tendent encore un peu plus à réduire le cyclisme, à la seule grande boucle.

Le Vélo d’Or Mondial.

Bradley Wiggins a reçu le vélo d’or mondial. Sans contestation possible il le mérite. Joaquim Rodriguez, numéro 1 au classement UCI a fait preuve d’une belle régularité tout au long de la saison, dans les Grands Tours (second du Giro, troisième de la Vuelta) et les classiques (victoire à la Flèche Wallone). L’espagnol n’a toutefois pas su convertir son omniprésence en victoires significatives. Au contraire d’un Tom Boonen, qui maintien son compatriote, Philippe Gilbert à bonne distance dans le classement des coureurs en activités ayant remporté le plus grand nombre de classique. Grâce à son hégémonie sur les flandriennes, le champion du monde 2005, se classe trioisième au classement UCI.

Le britannique, bien que seulement second au classement UCI, a remporté toutes les épreuves sur lesquelles il s’est présenté avec l’ambition de gagner. Paris-Nice, le Tour de Romandie, le criterium du Dauphiné Libéré, le Tour de France, ainsi que l’épreuve contre la montre des Jeux Olympiques ont tous fini dans son escarcelle. Leader d’une formation Sky hégémonique cette saison, Bradley Wiggins a su quand l’occasion se présenter se mettre au service de ses coéquipiers. On a vu le maillot jaune conduire le peloton sur les Champs-Elysées pour Mark Cavendish, assumer le sale boulot en tête du peloton, en vain lors des JO pour le même Cavendish. Tiernan-Locke a pu aussi bénéficier de l’aide de son coéquipier lors des championnats du monde. Bien que les soupçons pèsent lourdement sur l’utilisation de l’aicar par la formation britannique, Bradley Wiggins mérite la distinction qui récompense le meilleur cycliste de l’année. On est nettement moins convaincu en ce qui concerne le vélo d’or français.

Le Vélo d’Or français, propriété de Thomas Voekler

Après un Tour de France 2011 terminé à la quatrième place au général, Thomas Voekler doit encore cette récompense individuelle à ses performances sur la Grande Boucle. En effet, l’alsacien n’a remporté que 4 victoires cette saison, dont deux sur les routes du Tour de France, dont il a aussi ramené le maillot de meilleur grimpeur. S’il a remporté la semi-classique de la Flèche Brabançonne en costaud, et pesé sur certaines classiques (4ème de Liège Bastogne Liège, 5ème de l’Amstel, 8ème du Tour des Flandres) ainsi qu’aux mondiaux (7ème). Il ne nous semble pas qu’il soit le cycliste de nationalité française à avoir réussi la plus belle saison.

Thomas Voekler est indiscutablement une figure majeure du cyclisme français, il est certainement le cycliste qui dispose du plus grand sens tactique et d’une vision de la course sans équivalent dans tout le vélo francophone. Mais est-ce suffisant à en faire le vélo d’or français cette saison ?

Sans conteste, il est le français qui a réalisé la plus belle saison. Non pas tant en raison de la superbe de celle-ci que de la médiocrité de celle des autres. Mais le cyclisme français n’est pas que composé de bonhommes. Une jeune femme cette année, a marqué de son empreinte l’actualité et l’histoire de son sport. Elle aussi a enthousiasmé le peuple français dans un allant de chauvinisme dont on a le secret, un jour d’été. Julie Bresset a remporté un titre olympique à l’issue d’une course qu’elle a dominé de bout en bout, assommant ses adversaires de sa supériorité. La jeune française a remis le couvert lors des championnats du monde et défendu son titre de championne de France, le troisième consécutif.

Dans un sport, le VTT cross country où tous les 4 ans, seule la victoire olympique compte, sa relative discrétion le reste de l’année ne peut servir d’arguments à son éviction. D’autant plus, qu’hormis au mois de juillet, Thomas Voekler n’a pas beaucoup enrichi son palmarès.

Alors que le cyclisme féminin n’a existé pendant des décennies aux yeux du grand public qu’au travers du prisme de l’exceptionnelle longévité de Jeannie Longo, porter les regards sur le cyclisme féminin en récompensant l’athlète de nationalité française qui a le plus brillé cette saison sur une bicyclette aurait été bienvenu. L’occasion est ratée, et quand on sait l’attachement médiatique pour le cyclisme féminin on doute qu’elle se représente de si tôt. L’an passé, la route féminine équivalent du Tour de France avait été tout simplement annulée, sans que personne ne s’en émeuve. Rares sont ceux qui sont capables de citer le nom de la tenante du titre. Pire le cyclisme féminin français ne dispose d’aucune structure professionnelle. Le retrait annoncé de Rabobank pourrait bien porter un coup létal aux perspectives de développement du professionnalisme du cyclisme féminin. Dans ce contexte, les Vélos d’Or auraient du permettre de récompenser le cyclisme féminin et d’attirer l’attention d’éventuels sponsors.

 Thomas Voekler n’a pas besoin d’une distinction pour savoir qu’il est le plus beau cycliste français contemporain. Ce trophée n’était pas nécessaire au développement de la popularité de Julie Bresset. Ses performances du mois d’août devant des millions de spectateurs lui ont assuré. La survie financière du cyclisme féminin, en revanche, en aurait eu bien besoin. ..