Débats Sports se veut le lieu de rencontres des analyses hétérodoxes sur l’actualité sportive. Nous concevons également Débats Sports comme un lieu d’échange et de confrontations des points de vue sur les évènements sportifs qui sous-tendent notre, nos passions. A cet égard, notre article sur l’intersaison des Houston Rockets a suscité la vive réaction d’un jeune fan de la franchise texane qui a souhaité nous faire part de son enthousiasme quant au projet de reconstruction de sa franchise. Nous lui ouvrons donc avec plaisir nos colonnes.
A 20 ans, Anthony Dubourg possède une solide connaissance de la NBA. Pour cause, c’est au milieu des années 2000 qu’il se prend de passion pour le basket nord-américain. Plus que les exploits de Tracy McGrady, les enregistrements des exploits d’Hakeem Olajuwon éveillent en lui un attachement viscéral pour les Rockets. Il nous livre aujourd’hui son analyse sur la gestion de l’intersaison par Daryl Morey, à contre courant des constats généralement dressés. Et si les Rockets avaient réussi leur intersaison ?
Les équipes qui visent le titre avec des cadres trentenaires (Spurs, Lakers, Celtics) se distinguent par de beaux parcours en playoffs (à une ou deux exceptions près) depuis 5 ans. Les Rockets, avec des cadres du même âge, concluent leurs saisons de la même manière depuis quelques années :la 9eme place de conférence ou l’élimination facile face à une grosse écurie.
En l’état, impossible de gagner le titre ni aujourd’hui, ni demain.
Parti à la chasse au Dwight, Houston est finalement revenu bredouille. Cependant, il se pourrait bien que cette intersaison des Rockets soit bonne. Nulle question d’affirmer ici que les décisions prises correspondaient à un plan méticuleusement réfléchi à long terme. En revanche, en considérant cet été comme la première phase d’un processus de rebuilding, on peut légitimement penser que la direction s’en est bien sortie.
Avant toute chose, soyons honnêtes, il nous est impossible d’expliquer raisonnablement certains choix de l’été tels que le départ de Dragic et Scola ou le trade de Courtney Lee contre un second choix et un énième poste 4. Jeunes et talentueux, ces derniers auraient tout à fait pu s’intégrer dans le projet d’une équipe qui luttera pour le titre dans 3 ans.
Ces 3 ans sont un minimum quand on amorce un rebuilding, le Thunder ayant réussi en 5 ans (2007-2012).
La Free Agency
En gardant en tête cette échéance, le montant des contrats controversés de Lin et Asik ne pose pas un si grand problème. Si OKC a bâti son succès quasi-exclusivement sur la draft, Houston a décidé de se servir de l’enveloppe importante dont dispose toute équipe en construction pour faire venir des agents libres.
Problème, les Rockets, et surtout le long terme de leur projet, n’attirent pas grand monde. Il faut donc signer à prix fort, des joueurs qui ne sont pas des stars, sur le plan sportif en tout cas, autrement dit des paris.
Aussi sceptiques que nous puissions être quant au niveau de Lin et surtout Asik, ces gros contrats arrivent à échéance dans 3 ans, année de la resignature des rookies 2012.
Autrement dit, au lieu de garder une enveloppe qui aurait été inutile, car incapable de ramener un joueur d’impact établi, Houston a préféré le miser sur des joueurs qui ont des choses à prouver.
Mais s’ils déçoivent, ce qui reste (très) probable, ces « boulets » ne plomberont les finances du club que pendant des années d’apprentissage durant lesquels l’effectif ne comporte que des petits contrats. On imagine, en revanche, les bénéfices que les maillots floqués Lin rapporteront sur le plan financier.
Un pari raté est toujours encombrant mais sur un projet long terme, l’échéance de 3 ans de ces contrats ne les rend pas trop handicapants.
Ces signatures seront au mieux un coup de boost dans les ambitions de la franchise mais ne porteront en tout cas pas à conséquence dans la construction de l’équipe.
Au risque d’en faire rire certains, la signature d’un Greg Oden serait également une bonne idée. Affamé, peu cher (vu sa carrière…), le pivot pourrait devenir un starter s’il met enfin sa carrière sur les rails. Le risque important que ce scénario ne se produise pas serait compensé par un contrat d’un an, ou de plusieurs années dont une seule garantie.
Les Trades
– En tradant Budinger contre un 18ème pick, il serait légitime de penser que les Rockets sont les dindons de la farce. C’est faire abstraction de l’exceptionnelle profondeur de la draft 2012. Si Terrence Jones est peut-être moins fort à l’heure actuelle que l’ailier roux, encore que…, le premier cité a un talent et un potentiel certainement plus important. Ayant un profil 4/3 similaire à Odom, T.Young ou J.Green, il est très probable que le rookie sera en mesure de s’imposer dans ce rôle de 6ème homme bien avant les 3 ans sus-cités.
– Dalembert, compte tenu de son âge, n’aurait pas pu faire partie de cette équipe de calibre champion dans 3 ans. Il aurait été, en revanche, un très bon vétéran pour encadrer les jeunes et les aider à progresser. Seulement, Lamb, qui a le potentiel d’un lieutenant, n’aurait pas été disponible au pick 14. Là encore, ces choix ne relevaient à la base d’un plan intelligent sur le long terme puisqu’ils chassaient le Dwight mais ce n’est pas nécessairement un mauvais choix in fine.
– Sur le plan du jeu, le départ de Lowry, qui sort d’une très grosse saison est regrettable. Dans un effectif jeune, rebuildée, l’accent doit être mis sur le développement des joueurs. L’ambiance doit être bonne et le coach respectée. Lowry a critiqué publiquement le coach. Il fait ses valises et McHale voit sa position renforcée. L’environnement de travail, l’organisation, la mentalité ne sont pas des points de détail dans la réussite. De la même manière que l’on se remet mieux d’une blessure à Phoenix qu’à Portland, les joueurs réalisent souvent leur potentiel à San Antonio à l’inverse d’Atlanta. Le succès d’un pari sur un joueur ne résulte donc pas que du hasard. A ce titre, le bon mot de McHale en Summer League est rassurant: « Il y a des joueurs que j’entends parfois dire: « Je prends 1000 shoots par jour ». Who cares? L’important c’est d’en mettre un certain nombre. » En outre, un pick de Toronto a (presque) toujours de la valeur.
Les rookies :
Chaque draft apporte son lot de « question marks » (littéralement point d’interrogation). Doutes entourant un joueur, ils peuvent faire grimper ou chuter la cote d’un joueur. La première analyse de la draft pose le constat de choix de joueurs à risques de la part du front office de Houston. Il y a pourtant deux raisons de tempérer cette inquiétude.
La première, c’est que tous les joueurs, à l’exception des first picks, ont des question marks.
L’intox et les exagérations sont monnaies courantes de la part d’équipes mal placées qui cherchent à tirer les marrons du feu. Les cas de Blair, Batum ou de Arthur illustrent bien cette réalité.
Prendre des risques à la draft pour des équipes en processus de rebuilding est incontournable.
Si on prend le cas d’école d’OKC, Durant (pick 2), pourtant annoncé futur star, était trop faible physiquement pour dominer en NBA , Westbrook n’avait pas de shoot et était un 2 dans un corps de meneur incapable de s’adapter. Quant à Harden, pas assez grand, il n’avait ni la vitesse, ni les qualités athlétiques pour avoir un réel impact…
La situation texane de cet été est différente puisque les joueurs précédents ont été choisis avec des top 4 picks alors que White, Jones et Lamb furent sélectionnés plus bas.
Les Rockets n’ont pas « assez » perdus. En conséquence, ils ne font pas l’acquisition d’un quasi first pick, un franchise player (Durant), la pièce maitresse, la star autour de laquelle on construit.
Cependant, par le jeu des « question marks », les Rockets ont récupéré trois joueurs qui ont un talent de niveau du top 10.
La deuxième raison de tempérer l’inquiétude sur les rookies est l’ensemble des premiers signes qu’ils envoient.
Inexpressifs au possible, Jones et Lamb inquiétaient quant à leur motivation. Cette question se posait, dans une moindre mesure, pour White en raison de ses nombreuses passions (cinéma, musique, écriture), soit autant d’activités chronophages.
Interrogé sur son sentiment à l’approche des trainings camps, McHale a salué l’envie de travail manifesté par ses jeunes recrues lors des Summer Leagues. Les pessimistes l’attribueront uniquement à la langue de bois. Même s’il y en a forcément une partie, sa déception affichée de ne pas avoir plus de vétérans lors de la même interview ou son accrochage public avec Lowry la saison écoulée ne vont pas dans ce sens.
Autre motif de satisfaction, l’ancienne légende des Celtics a exprimé le désir que Royce White, qu’il a choisi lui-même lors de la draft envers et contre tous, travaille son jeu au poste bas, spécialité de l’entraineur.
Lamb, pour sa part, a suscité l’étonnement d’un interviewer du site internet de Houston, venu dans le vestiaire pour demander le sentiment de l’arrière scoreur de 20 ans. Auteur d’une performance d’une vingtaine de points à haut pourcentage, celui-ci a répondu immédiatement qu’il était déçu…de sa défense !
Enfin, le problème d’anxiété du protégé de McHale se fait moins sentir quand celui-ci ne voyage pas seul (ce qu’il a tout de même fait cet été), comme par exemple dans un voyage en jet privé entouré de tous ses coéquipiers et entraineurs.
A ces trois joueurs qui pourraient devenir des joueurs clés d’une équipe de « championship caliber », il faut aussi citer le grand espoir européen Motiejunas et le non-drafté Machado, meilleur passeur NCAA dans une équipe qui n’avait aucun autre joueur de niveau NBA, ainsi que les espoirs tels que Chandler Parsons et Patrick Patterson, venus, dans un bon esprit, encourager les jeunes en ligue d’été.
En attendant les hauts choix de draft des années à venir pour trouver la pièce maitresse de cette nouvelle équipe…
Tous ne s’imposeront pas et ce ne sont que des premiers signes encourageants à ce stade, mais la nouvelle dynamique est positive.
Si tous les paris, y compris les futurs paris, réussissent définitivement, nous serons dans le cas Oklahoma.
S’ils réussissent pendant seulement 3 ans, nous serons dans le cas Portland.
Sinon, nous serons dans le cas Sacramento.
Il y a des erreurs dans cette intersaison (Dragic, Courtney Lee, la surcharge de 4,Scola) mais le rebuilding s’imposait, et, il est peut-être plus excitant de regarder la genèse de cette équipe, sa progression, de voir qui déçoit et qui s’affirme, que de regarder une nouvelle bataille pour les playoffs d’une team qui court à un sweep face aux Lakers ou Oklahoma au premier tour.
Les Rockets vont perdre dans les grandes largeurs cette année mais ils n’ont pas forcément fait une mauvaise intersaison parce qu’ils ont perdu en compétitivité depuis l’an passé (exemple de l’intersaison de 2007 de Seattle avec le transfert d’Allen)
Les Rockets n’ont pas atteint les hauteurs les saisons passées et repartent avec un nouveau groupe. Ils ne vont donc pas exploser en vol mais plutôt prendre leur envol.