Depuis leur arrivée en Formule 1 les pneus Pirelli cristallisent les mécontentements. Les gommes du manufacturier italien se dégradent plus rapidement que la notation de la dette publique grecque sous l’effet des spéculateurs de tout bord. De telle sorte qu’il n’est pas rare de voir des pilotes du milieu de grille préférer économiser un train de pneus plutôt que de défendre leurs chances sur l’exercice du tour lancé.
Eu égard à la rapide détérioration et au différentiel abyssal de performances entre des gommes neuves et des pneumatiques usées, les pilotes préfèrent sacrifier quelques positions sur la grille. C’est ainsi que certaines monoplaces ne daignent même pas sortir des stands lors de la Q3. Pour remédier à cette situation le manufacturier a envisagé la mise à disposition des écuries de gommes spécifiquement dédiées aux qualifications. Une proposition qui a été éconduite par les écuries.
Les qualifications auraient ainsi perdu de leur valeur intrinsèque. Les pneus Pirelli auraient annihilé une part considérable de l’intérêt stratégique des qualifications. Ainsi, lorsqu’il est interrogé sur la série en cours qui a vu Felipe Massa le devancer lors des quatre dernières séances de qualification, Fernando Alonso ne manque pas de mobiliser cet argument.
[colored_box color= »red »]Il fut une époque où il était vital de démarrer de la première ligne ou de la pole position, mais depuis que Pirelli est arrivé, les qualifications sont de moins en moins importantes.[/colored_box]
A première vue, l’indécision de la précédente saison et le nombre considérable de vainqueurs différents plaident en faveur de l’analyse formulée par le double champion du monde espagnol. Toutefois, et si on se focalise sur l’importance de s’élancer depuis la première ligne l’argument avancé par Fernando Alonso n’est pas aussi pertinent qu’il n’y paraît.
Ainsi, si l’an dernier des pilotes comme Nico Rosberg ou Pastor Maldonado ont remporté leur premier Grand Prix sans confirmer par la suite, ils l’ont fait en s’élançant depuis la pole position.
Sur l’ensemble de la saison, à 10 reprises le vainqueur de la course s’était élancé depuis la première position.
A 16 reprises il s’était élancé depuis la première ligne. Dans 80% des cas, le vainqueur s’était donc qualifié en première ligne. Il est ainsi toujours vital de se qualifier en première ligne avec les gommes Pirelli.
Toujours en 2012, sur les quatre Grand Prix qui n’ont pas été remportés par un pilote qualifié en première ligne deux l’ont été par des pilotes qualifiés sur la seconde ligne (Singapour et Abou Dhabi). Les deux autres, tous deux remportés par Fernando Alonso ont donné lieu à des scénarii rocambolesques (Malaisie et Europe).
Qu’en était-il donc avant l’arrivée de Pirelli ?
Comme points de comparaison nous avons retenu la saison 2010 soit celle précédant l’arrivée de Pirelli comme équipementier unique en F1 et la saison 2006, dernière année où deux manufacturiers ont coexisté (Michelin et Bridgestone). Il s’agit par ailleurs de deux années, où Fernando Alonso a excellé.
Ainsi en 2010, 9 victoires ont été le fait de pilotes s’étant élancé depuis la première place sur la grille, 6 d’un pilote s’étant élancé depuis la seconde. Soit 79% des GP remportés par un pilote s’étant élancé depuis la première ligne. Des proportions en tout point similaire avec celles de la saison dernière.
En 2006, seuls 72% des GP avaient été remportés par un pilote présent sur la première ligne au départ (10 victoires pour le poleman, 3 pour son premier poursuivant).
En dépit de leur fonctionnement spécifique, les gommes Pirelli n’ont pas eu pour effet d’altérer le privilège exorbitant que confère la première ligne à ses locataires. Tout juste ont-elles contribué à y placer de manière totalement conjoncturelle certains outsiders (Maldonado, Rosberg, Hulkenberg).
Le contrat liant le manufacturier italien à la Formule 1 se termine à l’issue de cette saison. Et malgré la multiplication des déclarations hostiles venues des pilotes (Vettel, Hamilton, Button, etc…) il convient de rappeler que le manufacturier ne fait que répondre aux cahiers des charges que lui soumettent les instances dirigeantes. En soumettant aux écuries des gommes à la dégradation excessivement rapide, la FIA propose aux téléspectateurs des Grands Prix toujours plus indécis où les possibilités de dépassements sont d’autant plus fréquentes que le différentiel de performance entre les gomme est élevé.
Lors du Grand Prix de Chine, la gestion des gommes sera de nouveau le facteur clé de la performance des monoplaces. Elles devront notamment gérer un fort grainning sur l’avant gauche constaté tout au long des deux séances d’essais libres de ce vendredi. L’an passé, les Mercedes avaient survolé les séances de qualifications et Nico Rosberg s’était aisément imposé. Là où toute l’année les Mercedes avaient souffert d’une dégradation précoce de leurs gommes, les conditions météorologiques favorables les avaient autorisés à maintenir leurs pneumatiques à température quand leurs concurrents peinaient dans cet exercice. A ce jour le succès de Rosberg constitue l’unique succès des flèches d’argent. Le jeune pilote allemand s’était élancé depuis la pole…