Le mauvais tour de Bradley Wiggins

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Lors de la présentation du parcours de la centième édition du Tour de France, Bradley Wiggins vainqueur de la grande boucle 2012 semblait avoir renoncé à ses espoirs de défendre son titre. Le champion britannique semble être revenu sur sa position. Dans un entretien accordé à la BBC Radio Five, il a clairement affirmé ses ambitions. Et elles ne concernent pas le Giro. « Le Tour d’Italie, ce n’est pas encore décidé. Les choix de courses se préciseront dans les mois à venir ».



Le britannique s’est montré décidé à tenter sa chance en juillet. « Je ne sais pas qu’elle sera la situation en matière de leadership, pour l’instant je vais probablement tenter de remporter un second Tour de France. Peut-être allons-nous courir avec deux leaders. Comment cela va t-il se passer au sein de l’équipe ? Je n’en sais rien, c’est surtout le problème de Dave Brailsford ».

L’annonce du champion olympique du contre la montre aux Jeux Olympiques de Londres ne va pas seulement manquer de créer des crispations avec son coéquipier Chris Froome qui avait accepté de sacrifier ses ambitions personnelles en juillet dernier, mais aussi chambouler l’ensemble des objectifs annuels de la formation britannique.

La répartition des tâches entre les deux leaders du Team Sky laissait envisager la possibilité pour les hommes de Brailsford de briller sur les trois grands tours. Wiggins disposait avec le Giro d’un parcours à sa main. Chris Froome présentant les qualités intrinsèques les plus adéquates aux passes d’armes avec Alberto Contador et Andy Schleck sur les routes de juillet. En prétendant jouer la gagne sur les routes du Tour, Bradley Wiggins sème la zizanie dans ses plans et ceux de l’équipe, sans que sa capacité à défendre ses chances sur un parcours nettement plus montagneux ne soit établie.

En effet, le parcours de la 100ème édition du Tour de France ne semble pas correspondre aux qualités du britannique qui avait déjà montré certaines limites voire des limites certaines en haute montagne l’été dernier. Par ailleurs, s’il aspire à jouer pleinement sa carte personnelle en juillet prochain, Bradley Wiggins devra faire l’impasse sur un Giro qui lui semblait pourtant destiné. L’équipe Sky se trouvera alors démunie d’un leader capable de jouer la gagne sur les routes transalpines. C’est tout le programme de course des coureurs de la Sky qui sont suspendus à celui des deux leaders. Des programmes réglés comme du papier à musique l’an dernier où Bradley Wiggins a toujours été royalement entouré sur chacun de ses objectifs.

En 2012, la Team Sky a remporté toutes les courses par étapes sur lesquelles elle ambitionnait de jouer la gagne. Ainsi, les britanniques ont remporté le Tour de l’Algrave avec Richie Porte, Paris-Nice avec Bradley Wiggins qui s’est également adjugé le Tour de Romandie, le Critérium du Dauphiné et le Tour de France. Michael Rogers s’est illustré en remportant le Tour de Bavière lorsqu’on lui confia le leadership de l’équipe. Edvald Boassen Hagen qui n’a pu jouer sa carte personnelle qu’à de trop rares occasions eu égard à son talent a remporté son Tour de Norvège. Si Dave Brailsford aspire, comme il le laissait entendre il y a quelques semaines, à remporter davantage de courses l’an prochain, il va devoir la jouer fine.

Là où l’équipe Sky avait abordé la saison 2012 avec une rigueur quasi scientifique qui supposait une discipline de fer de la part de chacun des membres de l’équipe tout au long de l’année, l’année 2013 se prépare sous des auspices nettement moins reluisantes. La sortie de Bradley Wiggins n’y est pas étrangère.

Dave Brailsford n’a pas hésité à se séparer de Mark Cavendish dont les objectifs personnels peinaient à se conformer aux exigences collectives. L’encadrement de la Sky a œuvré depuis la fin de l’été pour renforcer un peu plus l’équipe pour les courses par étapes en signant de précieux coéquipiers. Les qualités de Vasil Kirylenka, Dario Cataldo ou de David Lopez Garcia ne sont plus à présenter au contraire du potentiel de la nouvelle pépite cyclisme du royaume, Jonathan Tiernan-Locke.

ArrivéesDéparts
CoureursEquipeCoureursEquipe
Vasil KirylenkaMovistarMichael BarryRetraite
Dario CataldoOmega Pharma QuickstepJeremy HuntRetraite
Ian BoswellBontrager Livestrong TeamMark CavendishOmega Pharma QuickStep
Joseph DombrowskiBontrager Livestrong TeamAlex DowsettMovistar
Gabriel RaschFDJ-Big MatLars Petter NordhaugRabokank Cycling Team
Jonathan Tiernan-LockeEndura RacingThomas LövkistIAM Cycling
Juan Antonio FlechaVacansoleil
Michael RogersSaxo-Tinkoff

L’effectif de la structure britannique est clairement construit pour les Grands Tours. Richie Porte, Rigoberto Urán ou Sergio Henao seraient des leaders dans des équipes moins fortunées. Les tergiversations de Bradley Wiggins et d’éventuelles tensions internes pourraient bien rejaillir sur les programmes de ces derniers. Comment faire admettre à des coureurs aussi talentueux que les membres de la Sky de sacrifier leurs ambitions personnelles au profit des objectifs collectifs, quand bien même on hésite à s’appliquer les mêmes principes ?

Les moyens mis à disposition de Dave Brailsford ne lui autorisent aucun échec. Il lui appartient de ramener Bradley Wiggins à la raison.

Le doublé Giro – Tour de France n’a plus été réalisé depuis 1998 et les sacres de feu Marco Pantani. A l’heure de l’hyper spécialisation, rien n’autorise à penser que Bradley Wiggins soit en mesure de réaliser pareil exploit.

L’avenir des objectifs du Team Sky réside dans la capacité de Dave Brailsford à convaincre son leader de s’engager sur le Giro avec la ferme intention de le remporter et de devenir le premier britannique à remporter le Tour d’Italie. Il ne sera alors plus en mesure de défendre la légitimité de ses ambitions personnelles sur le Tour de France, où il devra se comporter comme Bernard Hinault en 1986. Le quintuple vainqueur du Tour de France s’était alors mis au service de Greg Lemond.

Avec le retour sur les routes du Tour de France d’Alberto Contador et d’Andy Schleck, Christopher Froome aura bien besoin de l’aide Bradley Wiggins mais surtout d’une équipe toute à son service.

En fin d’entretien le premier vainqueur britannique du Tour de France s’est engagé à « respecter la stratégie d’équipe, parce que sinon cela ne vaut pas le coup de prendre le départ ». Et si la sortie de Bradley Wiggins visait surtout à préparer le terrain à sa future absence des routes du Tour de France 2013. Il pourrait alors viser un doublé Giro-Vuelta, qu’un Alberto Contador avait réalisé en 2008 et laisser Christopher Froome en découdre avec l’espagnol lors de la Grande Boucle ?