Et si c’était l’année des Verts ?

debats sports image par defaut
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Au bénéfice d’une solide victoire face à des rennais qui restaient sur une belle dynamique, les stéphanois ont repris des couleurs et réaffirmer leurs ambitions, dans le jeu et au classement.



Après deux années passées à lutter pour éviter la relégation, l’AS Saint-Etienne s’est engagée dans un nouveau cycle. Les déceptions sportives et leurs répercussions économiques ont contraint les Verts à revoir leur projet de développement. Fini les politiques de recrutement clinquantes et les gestions salariales dispendieuses. Exit les recrues de la paire Comolli Tuong Cong débauchées à prix d’or pour des performances désastreuses. En l’espace de deux intersaisons, les verts se sont séparés de pas moins de  17 joueurs. Fidèle à l’adage de la bonne conduite économique du sport « buy low, sell high », le club s’est séparé de trois de ses meilleurs joueurs, Dimitri Payet (Lille), Blaise Matuidi (PSG) Emmanuel Rivière (Toulouse). En ensuite est venu le tour des joueurs dont les conditions salariales n’étaient pas en adéquation avec leurs prestations. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’à l’issue de la gestion d’un Damien Comolli qui par la suite est allé appliquer son professionnalisme à Liverpool, ils étaient légion. Vincent Planté, Kevin Mirallas, Gonzalo Bergessio, Gelson Fernandes, Guirane N’Daw, Paulao, Boubacar Sanogo, Syvain Monsoreau, Sinama-Pongolle ont été prié de quitter le club afin d’en assainir les comptes. Cet été, Laurent Battles a pris sa retraite, Albin Elbondo n’a pas été prolongé et reste à la recherche d’un club, Sylvain Marchal que le club ne souhaitait pas prolonger a été libéré pour services rendus, Bakary Sako a été envoyé à Wolverhampton, Loris Néry est quant à lui parti à Valenciennes et Jérémie Janot s’en est allé relever un dernier défi sportif avant d’intégrer l’encadrement stéphanois.

Place est faîte à une politique de rémunération à la performance, dont le point nodal est la liaison entre le niveau de performance sportive du joueur et ses conditions salariales. Un joueur qui joue régulièrement en équipe première sera mieux payé d’un joueur ne jouant pas. Un titulaire est plus payé que son remplaçant. Les joueurs les plus performants sur les plans individuel et collectif seront mieux rémunérés que ceux qui ne donnent pas tout pour le club.

Concrètement, cette nouvelle politique salariale s’organise autour du plafonnement du salaire fixe à 90 000 euros mensuels et de l’attribution de primes à la performance (individuelle et collective). Aucun joueur de l’AS Saint-Etienne ne peut prétendre à recevoir plus de 90 000 euros mensuels au seul titre de l’application des engagements contractuels. En revanche, ceux qui donneront satisfaction sur le terrain pourront envisager de gagner davantage. Bernard Caïazzo présente mieux que quiconque le fonctionnement du système de prime établi par la direction du club.

« Si le joueur fait 25 matches, il va avoir une prime très importante, si il en fait 35 encore une prime très importante, si on termine 8ème il aura une autre prime. Donc si un joueur fait 35 matchs dans la saison et qu’on termine 8ème, il va passer de 90 000 à 120 000 euros par mois recalculés avec les primes ». Loin de se contenter d’assainir les finances du club, cette nouvelle politique salariale agit comme un fort incitatif à la performance. De là à y trouver les sources du renouveau sportif du club… 

Le moins que l’on puisse dire, c’est que pour le moment le plan fonctionne sur le plan comptable sans grever les ambitions sportives.

Un recrutement efficace

En annonçant que le club plafonnait les salaires, certains se sont inquiétés de la future baisse d’attractivité du club stéphanois. Comme si le forez était la destination idoine pour les footballeurs talentueux en recherche de reconnaissance pécuniaire. Les seuls joueurs que la perspective de rémunérations élevées a convaincu de rejoindre le club ce sont précisément ceux dont il a fallu la création d’un loft pour les convaincre de partir. A l’inverse, l’identité des recrues stéphanoises depuis l’instauration du plafonnement salarial ne semble pas révéler le moindre déficit d’attractivité. Le cas de Stéphane Ruffier, un des meilleurs portiers de l’hexagone en est la démonstration la plus limpide. Cette intersaison, les verts ont convaincu Renaud Cohade et Romain Hamouma de s’entraîner à l’Etat et non à la commanderie. Le brésilien Brandao a consenti à de réels sacrifices financiers pour participer au projet stéphanois. Depuis l’instauration de cette politique de rémunération plus conforme à l’identité stéphanoise où l’on préfère la valeur du travail à celle de la rente, seuls Alessandrini, Hadji et Frau ont dénié rejoindre le Forez pour des questions salariales. Les fidèles de Geoffroy-Guichard ne les regrettent pas.

Si la priorité du club était de trouver des portes de sorties aux indésirables, la direction sportive a pu procéder lors du mercato aux ajustements d’effectifs souhaités. Depuis son arrivée dans le forez Christophe Galtier était à la recherche d’un attaquant de fixation. Avec l’arrivée de Brandao, il a obtenu satisfaction. Avec la décision de Laurent Battles de raccrocher les crampons, il devenait indispensable de mettre la main sur un joueur de ballon capable d’orienter le jeu, de trouver la passe que les autres ne voient pas, mais aussi de savoir changer de rythme lorsque l’équipe mène au score. L’ancien toulousain, reconverti dans la cellule de recrutement du club le plus titré de France, a lui même identifié son successeur en la personne de Renaud Cohade. Libre à l’expiration de son contrat à Valenciennes où il était le dépositaire du jeu des hommes de Daniel Sanchez, il a choisi de rejoindre Saint-Etienne en dépit de nombreuses autres sollicitations. Un autre joueur était l’objet de sollicitations nombreuses a rejoint le forez. Romain Hamouma est la seule recrue payante du mercato des Verts (Florentin Pogba acheté à Sedan a été laissé dans les ardennes jusqu’à la fin de la saison), ses débuts fracassants avec son nouveau club justifient l’effort financier consenti par les verts sur le dossier. L’ancien niçois, François Clerc est venu remplacer poste pour poste Alvin Ebondo.

En ajoutant à l’effectif des profils qui faisaient défaut (attaquant de fixation) tout en compensant les départs avec des joueurs aussi bons si ce n’est meilleurs (Romain Hamouma, François Clerc, Renaud Cohade), le recrutement des stéphanois fut astucieux et rondement mené. L’entraîneur stéphanois dispose dès lors d’un effectif complet (si ce n’est un manque en défense centrale), et particulièrement prometteur. Par ailleurs, Christophe Galtier possède un diversité de profils ajoutent des options supplémentaires à sa palette tactique. En fonction de l’adversaire et du déroulement du match, les stéphanois peuvent évoluer en 4-4-2, en 4-2-3-1 ou dans un 4-3-3 avec un Pierre-Emerick Aubameyang décalé sur le côté.

Les performances de cette saison.

Après une victoire 2-0 face à Rennes, les Verts se positionnent à la 5ème place au classement en attendant les matchs du jour. Troisième meilleure attaque du championnat et seconde meilleure défense, les stéphanois ne sont devancé que par les parisiens à la différence de buts. Ces statistiques ne se reflètent pas au classement,  la faute à deux résultats négatifs à Geoffroy-Guichard face à Sochaux et face à un autre illustre ancien, le Stade de Reims. Ce sont 5 points qui se sont envolés lors de ces deux rencontres. Si les points abandonnés en route ne se rattrapent jamais, les verts ont des circonstances atténuantes. Face à Sochaux, ils ont été contraints de jouer à 10 pendant 80 minutes et leur domination n’a pu être concrétisée sur le plan comptable en raison de la prestation exceptionnelle de Simon Pouplin, le portier sochalien de retour à la compétition après plus d’un an passé sans jouer, et d’un retourné acrobatique venu d’ailleurs de Doubaï (le joueur, pas la ville !). Face au Stade de Reims, l’inévitable Pierre-Emerick Aubameyang avait marqué un but tout ce qu’il y a de plus valable mais refusé par le corps arbitral. Hormis ces deux accros, les stéphanois ont connu deux défaites lors des deux premières journées. Trop pour se hisser sur le podium. Malgré ces accrocs les verts sont placés dans le bon wagon. Ils le doivent à certaines performances de haute volée et au potentiel offensif de cette équipe. Victoire 4-0 face à Brest, 3-0 face à Bastia à Furiani, 4-0 face à Nancy. Saint-Etienne n’a plus perdu depuis son revers face à Sochaux.

C’est surtout dans le jeu que les stéphanois ont impressionné et laissent espérer le meilleur au peuple vert. L’animation offensive avec le décalage d’Aubameyang sur le côté gauche, Max-Alain Gradel à droite (ou inversement) et le brésilien Brandao dans l’axe a donné pleine satisfaction. L’ancien marseillais de part sa présence physique sert de point de fixation, et crée des espaces autour de lui que les qualités de vitesse de Gradel et d’Aubame permettent d’exploiter à merveille. L’association de Brandao et d’Aubameyang n’allait pas de soi. Le gabonais ayant excellé dans l’axe en ce début de saison. Christophe Galtier a donc joué une part de sa crédibilité en affirmant à l’ancien milanais qu’il aspirait à reproduire le schéma marseillais où avec un Brandao dans l’axe, avait permis à un Niang replacé sur le côté de bénéficier d’espaces et d’être remarquablement efficace devant le but. Le sénégalais avait alors terminé meilleur buteur du championnat, l’OM avait été sacré champion de France.

Sur les ailes et dans l’entrejeu, les stéphanois ont doublé les postes. Renaud Cohade, buteur face à Rennes peut aussi bien évoluer en soutien d’un attaquant dans une 4-2-3-1, que dans le trident du milieu de terrain dans un 4-3-3. L’ancien valenciennois apporte sa vista ainsi que sa qualité de passes. Entouré par deux récupérateurs (Clément, Lemoine, Guilavogui, voire Perrin), les créateurs stéphanois peuvent se projeter rapidement vers l’avant sur les phases offensives grâce à la qualité de relance des relayeurs stéphanois.

L’efficacité du brésilien pourrait également permettre aux stéphanois d’être moins dépendants des réalisations d’Aubame. En effet, cette saison, lors des 4 victoires des verts, à chaque fois le gabonais a marqué. Celui qui a terminé 4ème meilleur buteur du championnat l’an dernier, a aussi scoré un but décisif à Montpellier. L’attaquant brésilien n’est pas en reste depuis son arrivée dans le forez. Brandao a marqué à 4 reprises (2 fois dans la victoire face à Nancy, un but à Lorient en Coupe de la Ligue et un à Nice). Avec un potentiel offensif aussi impressionnant, les stéphanois peuvent porter le danger à tout moment. S’ils pouvaient bénéficier d’une assise défensive stable, les verts ressembleraient davantage à un candidat sérieux à l’Europe. Depuis le début de saison, les stéphanoises multiplient les avaries en défense (suspensions, blessures). De telle sorte que Christophe Galtier n’a jamais été en mesure d’aligner trois fois consécutives la même ligne de 4.

 

Malgré tout, Saint-Etienne présente la seconde meilleure défense de la Ligue 1 et n’a plus encaissé plus d’un but depuis la seconde journée. Avec une défense stable où chaque joueur est disponible, les stéphanois pourraient bien mettre en place un verrou difficile à faire sauter.

Avec un potentiel offensif certain, une assise défensive parmi les plus solides du championnat, les stéphanois peuvent-ils prétendre à une place européenne, voire à une qualification pour la coupe aux grandes oreilles ?

Dans un championnat appelé à être dominé par le Paris Saint-Germain les sésames pour la prochaine Ligue des Champions seront âprement disputés. Enjeu économique vital pour les clubs de Marseille, Lyon et Lille, la qualification pour la plus prestigieuse des compétitions, n’est pas un objectif des stéphanois, pas même un rêve de supporter. Pourtant les raisons d’y croire existent. Malgré un début de saison plus que poussif avec deux défaites consécutives, une avalanche de blessés, et des décisions arbitrales guère favorables (il paraît que ça s’équilibre sur une saison), les Stéphanois sont 5èmes du championnat et n’accuseront au pire des cas que 4 points de retard sur le troisième à l’issue des matchs de ce dimanche.

Un calendrier allégé et un effectif ménagé

A l’inverse du PSG, de Lyon, Lille, Marseille, Montpellier et Bordeaux, les stéphanois ne disputent pas de compétition européenne. Ils pourront donc bénéficier d’une baisse de rythme des effectifs rudement mis à contribution. On pense notamment aux bordelais et aux marseillais qui ne disposent pas de suffisamment d’éléments pour disputer plusieurs compétitions de front mais qui y sont pleinement engagés.

Les Stéphanois ne seront pas handicapés par la CAN. Alors qu’ils auraient pu perdre leur attaquant vedette. Celui qui a conduit le Gabon en quarts de finale de la dernière CAN et mené les espoirs gabonais aux Jeux Olympiques de Londres, n’est pas parvenu à qualifier son équipe pour la prochaine édition de compétition continentale. Seul le feu follet Max-Alain Gradel se rendra en Afrique du Sud. Et sur l’aile, les verts disposent d’un certain Romain Hamouma pour pallier à son absence.

Enfin, les verts semblent avoir déjà connu leur lot de blessures. Lors du premier tour de la Ligue qu’ils ont disputé à Lorient, les stéphanois étaient privés de trois de leurs défenseurs (Brison suspendu, Clerc et Zouma blessés) et Christophe Galtier a du aligner le jeune Polomat à un poste qui n’était pas le sien.

La bonne santé économique du club 

Par ailleurs, les stéphanois tirent les bénéficies de leur nouvelle politique salariale en terme de santé économique. Alors, que le voisin lyonnais a annoncé des comptes une nouvelle fois en déficit, grevés par une masse salariale non maîtrisée, l’AS Saint-Etienne a réduit sa masse salariale de moitié depuis deux ans. La masse salariale du club s’élevait à 32 millions d’euros en 2010. Elle est désormais plus que de 17 millions d’euros (légèrement au dessus du seul salaire de Zlatan Ibrahimovicth). Contrairement à de nombreux clubs français, le club forézien n’est plus contraint de vendre ses meilleurs éléments pour survivre. Face à des situations économiques difficiles, certains adversaires pourraient bien être amenés à se séparer de quelques éléments lors du mercato hivernal (Lyon, Marseille) et s’affaiblir…au bénéfice des stéphanois.

Un triomphe qui passe par les coupes ?

Les seules chances du club forézien d’arracher un titre résident dans les coupes nationales. Ainsi, les verts se sont fixés comme objectif de faire envahir la région parisienne par le peuple stéphanois à l’occasion d’une finale de Coupe. La coupe de la ligue et son format resserré est prise avec le plus grand sérieux par les stéphanois. Après une victoire arrachée à Lorient à l’issue d’une séance de tirs aux buts où Stéphane Ruffier n’a pas laissé le moindre ballon entrer dans sa cage, le tirage au sort a envoyé les stéphanois à Sochaux mardi prochain. On gage qu’ils s’y présenteront avec la meilleure équipe possible. Il est vrai que les stéphanois ont tout d’une équipe de coupe : un potentiel offensif capable de percer n’importe quelle défense et une solidarité à toute épreuve. Sans compter le public de Geoffroy Guichard.

Malgré la fermeture de la tribune Jean Snella en voie d’agrandissement, les stéphanois peuvent toujours compter sur le soutien d’un public sans égal dans l’hexagone. Le soutien de ce douzième homme pourrait bien s’avérer salvateur au cours de la saison. Encore faut-il laisser les supporters accéder à leurs tribunes.

A l’heure où le football français est en pleine recomposition avec l’arrivée des investisseurs qataris au Paris Saint-Germain et celle des grands stades. Les clubs français du milieu de tableau se doivent d’être intelligents et ne pas sacrifier sur l’autel de performances à court terme la solvabilité de clubs qui sont des biens publics.

Les joueurs et les dirigeants passent tandis que les supporters restent, les premiers doivent rester au service de l’institution qu’ils servent et qui les payent grassement. En instaurant une politique salariale liée aux performances individuelles et collectives, l’ASSE s’est dotée d’un outil de gestion conforme aux valeurs et à l’identité du club et de sa région. Elle s’est également donnée les moyens de recruter des joueurs sains, motivés par le projet sportif du club et fidèle à un groupe qui vit bien. Il s’agit certainement de la meilleure voie pour se mettre à rêver d’un retour sur la scène européenne. Pas certain que ce groupe y parvienne dès cette saison.

Mais si les stéphanois réalisaient l’exploit de se qualifier pour la prochaine Ligue des Champions, le retour des verts sur la scène européenne coïnciderait avec la réouverture de la Tribune Jean Snella. Peut-être l’occasion de rappeler à certains, que le club appartient avant tout à ceux qui l’aiment.