Dès la saison précédente, l’annonce de l’arrivée en 2014 d’une cuvée de draft exceptionnelle, avec de nombreux forts talents capables de changer le visage d’une franchise a mis sur toute les lèvres le terme de »Tanking ». Les mouvements de l’été ont confirmé l’idée déjà bien développée que certaines équipes pourraient balancer leur saison et se concentrer sur leur « reconstruction ».
La Wiggins Race est lancée et les futurs prospects, bourrés de talents et de potentiels font baver les propriétaires et les GM. Pour pouvoir accéder au Saint Graal Wiggins, il faut disposer de choix de drafts élevés, et finir dans les bas-fonds de la ligue permet de maximiser ses chances. Dès lors, comment ne pas être soupçonneux, en voyant certains General Manager presque saboter leurs effectifs, se débarrassant de leurs meilleurs éléments, draftant en 2013 des joueurs blessés qui ne joueront pas (suivez mon regard, il pointe vers la ville de l’amour fraternel). Les Sixers battront-ils le record du plus faible nombre de victoire ? Les Suns, Kings, Magic et autres Pelicans vont-ils bazarder leur saison, en priant pour que la lottery récompense cet effort suprême ?
Ces considérations sont normales et ces hypothèses se tiennent. Le fait de lâcher plus ou moins discrètement des matchs pour descendre dans la hiérarchie de la ligue et ainsi drafter plus haut est avéré. On a l’occasion de l’observer à chaque fin de saison quand les équipes décrochées dans la course aux playoffs tentent à tout pris d’échapper au ventre-mou, ces 8-10e places qui n’assurent ni playoffs, ni choix de drafts élevés. Mais laisser volontairement filer des matchs en fin de saison, lorsque la course aux playoffs est perdue, est une chose. Axer toute une saison sur cet objectif, fusse-t-il inscrit dans une stratégie de reconstruction à long terme, en est une autre.
Entamer une saison de 82 matchs dans la perspective de terminer le plus bas possible va absolument à l’encontre de l’idéologie de la compétition qui fait l’identité même des sportifs. En effet, qu’est-ce qu’un sportif professionnel sinon un compétiteur acharné ? Du point de vue des dirigeants, il peut paraître pertinent, bien que peu glorieux, de laisser passer une saison pour mieux préparer l’avenir. Mais celui qui foule le parquet, qui sue et se bat un soir sur deux contre des adversaires qui en veulent, ce n’est pas Sam Hinkie. Ce sont les joueurs, des professionnels qui ont pour but de gagner, le plus possible. Il n’est pas étonnant, quand on y réfléchit, de voir les bons débuts de saison des Suns et des Sixers, les deux équipes les plus pointées du doigt pour « tanking » en début de saison. Malgré des effectifs très faibles et peu expérimentés, ces équipes gagnent des matchs et s’illustrent par leur formidable rage de vaincre, à l’exacte opposée des véleités de leurs dirigeants. Piqués dans leur orgueil, on voit des joueurs de devoir se révéler, des rookies surprendre leur monde et les équipes engranger des victoires de prestige.
Qui aurait parié, il y a encore deux semaines, que les Sixers menés par Thad Young et Michael Carter Williams feraient tomber les Bulls et le Heat sur le fil, dans les derniers instants ? Personne n’y croyait, excepté les joueurs eux-mêmes qui refusent de n’être qu’une « transition », une année sacrifiée. Nul n’imaginait Phoenix émarger à un très correct 5-3, menés par Bledsoe mais également les 16pts-6rds de M.Morris ou encore le très bon apport de Gerald Green (si si, je vous jure).
Après avoir mis toutes les chances de leur côté pour s’assurer de drafter haut, les dirigeants se retrouvent donc face à une dernière difficulté, probablement la plus contraignante : les joueurs jouent pour gagner. Que l’on aligne sur le parquet un 5 all star ou des jeunes peu talentueux, ils se battront pour gagner, pour assurer leur statut ou au contraire pour faire mentir l’opinion publique, les critiques et autres prédictions. Dans le cas des sixers, les joueurs se battent aussi pour leur dernière année de contrat, pour s’assurer un deal juteux. Le décalage entre des dirigeants qui veulent perdre pour reconstruire et des joueurs qui veulent gagner, qui jouent chaque soir et ne peuvent donc pas s’inscrire de la même façon dans des projets à long terme est caractéristique de ce début de saison qui voit les Sixers détenir la 3e place de la conférence Est et les Suns apparaître à une très honorable 6e place à l’Ouest. Il nous amène à poser d’une façon différente, éloignée de la simple question « est-il éthique de vouloir perdre un match », le problème du tanking et du décalage entre les volontés des dirigeants et la réalité du terrain, entre la NBA des propriétaires et celle des joueurs. Vision à long terme contre vision au jour le jour, il est intéressant de voir une si grande disparité d’ambitions et de volontés entre les différents acteurs de notre Ligue.
Le début de saison des Sixers et des Suns offre un moment rafraîchissant, qui nous rappelle la part de spontanéité des équipes et nous montre de beaux moments de combattivité. Profitons-en.