Il faudrait être complètement aveugle pour passer à côté de la domination sans pareil de l’Espagne dans le monde du football moderne. Basé sur un jeu de passe rapide, avec des latéraux ultra-offensifs et un milieu de terrain qui touche beaucoup de ballon, le modèle espagnol se calque aujourd’hui entièrement sur ce que le Barça a tenté de montrer sur le terrain depuis quelques années. Et c’est extrêmement efficace, puisque la Furia Roja ne lâche rien sur le plan international, réalisant notamment un triplé historique entre 2008 et 2012 avec deux Euros et une Coupe du Monde dans la besace, et s’avançant vers Rio avec le statut de grand favori à sa propre succession. Mais cette domination ne s’arrête pas là : on peut citer par exemple les victoires des différentes Rojita lors des deux derniers Euros dans les catégories U19 et U21. En cet été 2013, on a un joli exemple de cette abondance de talents issus de la péninsule ibérique, puisque la A est actuellement en demi-finale de la Coupe des Confédérations, les Espoirs viennent de remporter les Championnats d’Europe et les U20 sont favoris pour le mondial actuellement en cours. Rien que ça … Si le FC Barcelone et le Real Madrid fournissent une bonne partie de la première équipe, les autres clubs sont de plus en plus représentés dans les catégories inférieures, suscitant la crainte à travers le monde.
Les secrets de la formation espagnole
D’entrée, il faut signaler qu’il n’y a pas un grand melting-pot culturel en Espagne, ce qui signifie que la grande majorité des jeunes dans les centres de formation sont espagnols, contrairement à ce que l’on voit en France par exemple. Pas de risques donc de former un joueur qui partira dès ses 20 ans défendre les couleurs d’une autre nation. Les clubs tentent de se servir un maximum dans leurs centres de formation pour permettre aux différents éléments de s’adapter plus facilement dans l’équipe première, et évitant ainsi des transferts onéreux. D’ailleurs, le modèle du championnat espagnol est quelque peu spécial : la D3, ou Segunda Division B, est séparée en 4 groupes de 20 équipes, ce qui permet aux tout grands clubs de faire jouer leur réserve face à d’autres clubs professionnels, et d’offrir du temps de jeu aux jeunes face à des adversaires plus qu’honorables. Il faut noter que les deux ogres espagnols ont même la particularité de faire jouer leurs jeunes pousses en D2, c’est totalement inédit en Europe, et on devine vite d’où vient cette maturité technique de la Rojita dès les plus basses catégories d’âge. La Castilla du Real et le Barça B ont des moyennes d’âge qui tournent autour de 20 ans et s’en sortent en deuxième division sans trop de soucis.
De plus, comme on peut facilement le deviner, les experts-techniciens ainsi que la Fédération espagnole mènent une sorte de campagne depuis de nombreuses années pour créer un modèle de recrutement et de formation dans tous les centres ibériques. Ainsi, on sera bien plus accueillant envers des joueurs techniques, rapides, et habiles dans leurs déplacements, laissant de côté le jeu plus physique.
Luis Aragonès prend les risques, l’Espagne l’en remercie
Mais celui qui a vraiment permis au modèle d’exploser et d’enfin faire ses preuves sur le plan international, c’est indéniablement Luis Aragonès. Lui, l’Homme qui a osé pousser les grands et légendaires Raul ou même Morientes vers la sortie, et permis à des joueurs plus jeunes et qui ont bénéficié d’une formation plus moderne, de faire la différence dans un 4-3-3 qu’il a instauré et que Vicente Del Bosque a bien sûr repris. Logiquement, ce système de jeu est désormais devenu la marque de fabrique des différentes Rojita, permettant ainsi à la première équipe de récupérer des joueurs qui ont déjà effectué des milliers de minutes dans ce positionnement de base. Aragonès, sélectionneur de l’Espagne entre 2004 et 2008, a enterré ce mythe qui disait que les joueurs à petit gabarit ne pouvaient pas devenir d’excellents joueurs et aller chercher des titres. Aujourd’hui, grâce à ce triplé que vient de faire la Roja et à surpuissance du trio catalan Xavi-Iniesta-Messi, cela ressort comme une évidence, mais ça n’a pas toujours été le cas …
Et après ?
Sur le papier, tout cela semble prodigieux, et pourtant, comment être sûr que ce modèle fonctionne réellement ? Car en effet, même si il est difficile de nier que la Roja possède actuellement la meilleure équipe de tous les temps, il faut reconnaitre que l’effectif n’a pas beaucoup changé depuis l’Euro 2008 : Casillas – Ramos, Puyol – Xabi, Xavi, Iniesta – Torres, Villa. Que se passera-t-il lorsque ces joueurs auront fait leur temps ? Bien sûr, des garçons ayant fait leurs preuves chez les Espoirs prendront le relais, mais objectivement, une génération de superstars comme le milieu de terrain Xavi – Iniesta n’est-elle pas unique ?
Ce dont on peut être certains, c’est que la formation en Espagne a explosé depuis quelques années maintenant et que le football ibérique sera au plus haut niveau sur la prochaine décennie au moins, mais il ne faut pas sauter les étapes. Pour gagner, il faut des grands leaders, et il y a des générations avec et des générations sans. Bernd Schuster ne manquera pas de le signaler puisque pour lui « Le cycle du football espagnol touche actuellement à sa fin ». Thiago Alcantara assumera-t-il ce rôle ? Rien n’est moins sûr, tant il peine à s’imposer en Catalogne. La Roja a un bel avenir devant elle et restera à un excellent niveau encore longtemps, même si truster les titres comme elle le fait depuis 2008 sera très compliqué après les adieux des piliers de cette équipe. Et surtout si on prend en compte, par exemple, la qualité de formation en Allemagne : la Mannschaft dispose elle aussi d’une génération dorée actuellement, sans pourtant parvenir à créer une harmonie en équipe nationale. A voir donc, même si ce qu’est en train d’accomplir l’Espagne dans le monde du football est tellement incroyable que l’histoire du ballon rond en restera à jamais marquée, surtout si elle ramène à nouveau la Coupe du Monde à maison l’été prochain.
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