L’annonce du tracé du prochain Tour de France a fait des heureux. Les amoureux de la petite reine retrouveront de nombreux lieux mythiques de la Grande Boucle. La dernière semaine montagneuse, avec la double ascension de l’Alpe d’Huez et une arrivée au sommet la veille de l’arrivée sur les Champs-Elysées, devrait offrir un suspens insoutenable. Les grimpeurs qui n’avaient bénéficié que de trois arrivées au sommet entrecoupées de plus de 100 kilomètres de contre la montre, l’an passé retrouvent un terrain plus conforme à leurs ambitions. En revanche, le tenant du titre, Bradley Wiggins a déjà rendu les armes. Face à un tracé très montagneux le britannique a annoncé son intention de se concentrer sur le Giro qui, dans après avoir réservé la part belle à la haute montagne, propose un parcours plus en adéquation avec les qualités du champion olympique du contre la montre. L’ancien coureur Cofidis sera toutefois bien présent en juillet. Dans la peau du coéquipier du leader de la formation Sky, Chris Froome. Ce dernier avait démontré l’an passé qu’il était supérieur à son coéquipier en montagne, mais un cran en dessous en contre la montre. Malgré son aisance dans les cols, et une certaine volonté de montrer qu’il était bien le plus fort, Froome n’a finalement pas attaqué Wiggins et s’est contenté de la seconde place avec l’assurance d’être le leader sur la Vuelta et d’avoir sa chance lors du prochain Tour de France. Dès lors deux questions se posent.
- Chris Froome sera t-il le plus fort ce prochain mois de juillet, alors qu’un certain Alberto Contador sera de retour sur les routes françaises, et qu’Andy Schleck est bien décidé à remporter un Tour de France le soir de l’arrivée à Paris et non 18 mois plus tard ?
- L’équipe Sky sera t-elle en mesure de mettre ses leaders dans les conditions optimales pour réaliser un ambitieux doublé Giro – Tour de France, voir triplé ?
L’an passé ce n’est pas le coureur le plus fort en montagne qui s’est imposé. Malgré sa suprématie dès que la route s’élevait, celui que certains nomment le kenyan blanc comme si la nationalité était liée à une certaine pigmentation de la peau, n’avait pu bénéficier de l’hégémonie de son équipe sur le Tour pour jouer sa carte personnelle. Le plan était de conduire Bradley Wiggins à la victoire, les Sky s’y sont appliqués, Christopher Froome s’y est résolu. La vérité d’une année n’étant pas nécessairement celle de la suivante comme pourrait en attester Cadel Evans, rien ne garantit que le britannique retrouvera l’opportunité de gagner le Tour de France. Nous en faisons toutefois notre favori.
Plus encore que l’an passé, le tracé du Tour de France 2013 semble avoir été conçu pour Chris Froome. Si les purs grimpeurs que sont Alberto Contador, Andy Schleck, Vicenzo Nibali ou Joaquim Rodriguez ont pu se délecter de la présentation du parcours par Christian Prudhomme, l’ancien de Barloworld a du être rassuré. Les 4 arrivées au somment et l’exigence de la dernière semaine en altitude ont confirmé le retrait de Bradley Wiggins. La présence de trois épreuves chronométrées devrait lui permettre d’aborder les dernières difficultés vêtu de jaune. En effet, après l’escapade corse où les favoris devront rester vigilants dans des étapes courtes et accidentées, propices aux traquenards, le peloton s’engagera dans un contre la montre par équipe de 25 kilomètres à Nice. Le parcours taillé pour les spécialistes sur la promenade des anglais, sera au grand bénéfice des Sky qui pourront aligner trois des meilleurs spécialistes de l’exercice (Rodgers, Froome, Wiggins) sans compter les habitués de la piste. Sans lissage des temps, les premiers écarts pourraient être créés sur des équipes moins efficaces comme la Radioshak de Schleck où Cancellara devra veiller à ne pas distancer son leader, et la Saxo Bank qui ne doit son maintien dans l’élite qu’aux points UCI de la victoire de Contador dans la Vuelta. Les BMC de Cadels Evans et Tejay Van Garderen pourraient aussi en profiter pour placer idéalement ses leaders avant les Pyrénées.
Or cette année le massif pyrénéen est escamoté par les organisateurs du Tour de France. Seule l’étape d’Ax-3 domaines offre une arrivée au somment susceptible de créer des écarts. Un nouveau contre la montre pour spécialiste, cette fois en individuel sur 33 kilomètres fournira aux Sky une autre occasion de faire la démonstration de leur suprématie dans l’exercice. Les deux premières semaines de la course sont indéniablement favorables aux Sky. Avec deux épreuves chronométrées et une seule arrivée au sommet, il est fort à parier que Chris Froome soit vêtu de jaune avant le départ de l’étape du Ventoux. A moins que Bradley Wiggins ne soit capable de dominer une nouvelle fois son coéquipier dans l’exercice…
Or il faudra à Alberto Contador, Andy Schleck, et les autres candidats à la victoire parvenir à faire exploser Chris Froome et le train de la Sky en l’espace de trois arrivées au sommet, entrecoupées d’un contre la montre, certes pour hommes forts et non pour spécialistes. Mais il ne fait aucun doute que Froome n’y concédera pas de temps sur un Andy Schleck ou un Vincenzo Nibali.
Seul Alberto Contador semble être en mesure de réaliser de substantiels écarts avec Chris Froome en montagne. L’espagnol y est parvenu au mois d’août en Espagne sur les routes de la Vuelta. Mais lui n’avait pas roulé de la saison, tandis que le britannique avait servi de dernier échelon du train bleu et noir qui a porté Bradley Wiggins à la victoire sur Paris Nice, au Tour de Romandie, lors du Critérium du Dauphiné Libéré et bien sur au Tour de France. Qu’en sera t-il, quand du rôle d’équipier de luxe, Froome endossera le statut de leader avec une équipe hégémonique à son service ? Esseulé au sein d’une équipe Saxo Bank globalement faible, l’espagnol parviendra t-il à rivaliser avec Froome et les Sky ou bien l’aicar sera t-il trop grand ?
Cette saison, le principal ennemi de Christopher Froome sur le Tour de France pourrait bien être une nouvelle fois sa propre équipe. En se fixant comme objectif de remporter les trois grands tours, les hommes de David Brailsford voient peut-être trop grand. Alors que la même équipe avait accompagné Bradley Wiggins sur les 4 courses par étapes remportées par le quadruple champion olympique, quels seront les coéquipiers choisis pour entourer Wiggin sur le Giro et Froome sur le Tour? L’échec retentissant d’Alberto Contador lors du Tour de France 2011 laisse penser qu’il n’est pas possible d’enchaîner les deux Grands Tours tout en étant performant en juillet. Le départ de Mark Cavendish s’inscrit dans cette logique de jouer la gagne sur tous les fronts lors des courses par étapes. Les arrivées de Dario Cataldo, Vasil Kiryenka et de Tierman-Locke fournissent des armes supplémentaires qui ne seront pas superflues face à l’ampleur de la tâche.
Si tant est que l’équipe Sky soit capable de réaliser l’exploit de porter ses hommes à la victoire sur les trois grands tours. Aurait-elle pour autant gagné ? Les soupçons seraient alors trop grands. Même pour des inconditionnels de la petite reine, qui malgré les cas de tricheries à répétition croient définitivement à un cyclisme propre. A un cyclisme populaire. A un cyclisme crédible.