En l’espace d’un Grand Prix, la stratégie de la FIA pour redorer l’image de la Formule a subitement volé en éclat, telle une vulgaire gomme Pirelli. Déjà sur le grill de la polémique, les pneumatiques du manufacturier italien ont fini de soulever la révolte des pilotes. La dégradation excessive des gommes rendait les Grand Prix indécis et le pilotage hasardeux. L’objectif de telles gommes était clair. En accentuant les différences de rythme entre les monoplaces en fonction de leur gestion des pneumatiques au cours d’un même Grand Prix, les spectateurs et particulièrement les téléspectateurs assistaient à des dépassements toujours plus nombreux.
A l’issue d’un Grand Prix de Silverstone où 5 pilotes ont vu leurs pneumatiques tout simplement exploser, la FIA a finalement cédé et imposé une restructuration des gommes Pirelli. La conviction sous jacente que le spectacle est conditionné au nombre de dépassements est cependant toujours aussi vive dans les hautes sphères de la Fédération Internationale du sport Automobile. Or elle est la cause de tous les maux.
L’expérience de l’hégémonie de Ferrari et de Michael Schumacher sur la discipline a nourri la volonté de renforcer les différences de rythme des monoplaces au fil d’une même course. Toutefois, la décision de supprimer les ravitaillements en carburant[1] a sensiblement réduit la marge de manœuvre pour parvenir à un tel résultat. Au volant de monoplaces lestées de la même quantité de carburant, la fluctuation du rythme des pilotes reste alors largement déterminée par la gestion des gommes et accessoirement par leur propre qualité de conduite.
Dès lors, la FIA a agit sur deux registres afin d’accroître artificiellement le nombre de dépassements en course et soit disant le spectacle. D’abord avec l’introduction d’un nouveau manufacturier pneumatique avec Pirelli et l’introduction du Drag Reduction System (DRS). Réformes qui viennent s’ajouter à l’instauration du KERS.
L’influence des gommes Pirelli dont les degrés de dégradation sont extrêmement variables selon la structure choisie n’est plus à démontrer.
Couplé à ces dernières dont le manufacturier n’est que partiellement responsable tant il répond aux injonctions du donneur d’ordre, le DRS renforce l’absurdité de la stratégie de la FIA. Le système est simple. Une partie de l’aileron arrière s’ouvre et se referme par le biais de l’activation d’une commande installée sur le volant. L’ouverture de la partie mobile de l’aileron réduit la traînée et produit une accélération supplémentaire. Selon les estimations de Mercedes, le DRS a produit 363 dépassements pour la seule saison 2011. Et pour cause.
Les pilotes soumis à la pression d’un concurrent situé dans la même seconde qu’eux, en arrivent à renoncer à défendre leur position puisqu’ils pourront à leur tour bénéficier de ce supplément de pointe de vitesse au tour suivant. Opération réussie pour les partisans de la corrélation entre dépassement et attractivité de la discipline, puisque les nouvelles dispositions réglementaires autorisent deux dépassements ou sans elles, les deux pilotes auraient certainement conservé leur position respective à l’issue d’une passe d’arme inaboutie.
Les téléspectateurs qui se risquent à suivre la discipline sur Canal + sont largement alertés sur ce phénomène par un Jacques Villeneuve toujours aussi volubile quand il s’agit de dénoncer des comportements en piste dont il était pourtant lui même coutumier. Les pilotes qui s’entêtent à résister aux assauts de leurs concurrents sont alors critiqués pour leur mauvaise gestion…des gommes. Souvent à raison puisqu’en freinant de manière tardive, ils sollicitent davantage leurs pneumatiques dont l’économie est la mère de toutes les vertus.
Loin de renforcer le spectacle, ces innombrables dépassements inhibent ce qui fait le cœur de la discipline, les bagarres à couteaux tirés à pleine puissance entre des pilotes dont le coup de volant reste le facteur déterminant du dépassement.
Le DRS offre ainsi un privilège exorbitant aux poursuivants et le dépassement se réalise par une courte pression sur un bouton davantage qu’aux forceps. La gestion des commandes de bord est d’autant plus cruciale que depuis 2009, les monoplaces sont pour celles qui en ont les moyens équipées d’un système de récupération de l’énergie cinétique, plus connu sous l’acronyme de KERS.
Cette innovation technologique est de toutes les récentes modifications réglementaires la plus pertinente puisqu’elle place la Formule 1 dans son rôle de laboratoire du développement des technologies destinées à se décliner dans les monoplaces de série. Pour rappel, le KERS est un système de freinage qui permet de récupérer l’énergie cinétique générée par le freinage jusqu’alors dispersée sous la forme de chaleur. Son application en Formule 1 permet d’emmagasiner l’énergie cinétique que les pilotes peuvent utiliser par simple pression sur une autre commande installée sur leur volant afin de libérer 80 chevaux supplémentaires pendant 6,67 secondes.
Associé au DRS, cet afflux supplémentaire de puissance, rapproche la conduite automobile de celle des jeux vidéos où les différents boosts rendaient la vie plus facile à de nombreux gamers.
Entre des monoplaces qui se suivent à la manière d’un carrousel et des simulations de conduite autoroutière, il existe un espace pour une Formule 1 organisée autour des principes d’innovations technologiques et de prépondérance du coup de volant. Reste à la FIA, d’en trouver la volonté sous peine de proposer un divertissement toujours plus éloigné du sport automobile.
[1] Depuis 2010, les ravitaillements en essence sont interdits pour « réduire les couts de transport de carburant et pour inciter les constructeurs à travailler sur l’économie d’essence ».