Depuis sa nomination comme pilote titulaire au sein de la mythique écurie Williams F1, Pastor Maldonado personnifie le sport automobile vénézuélien. Sa hargne en piste, sa vitesse de pointe et surtout sa victoire obtenue lors du Grand Prix d’Espagne l’an passé en ont peu à peu fait un personnage incontournable du plateau. Malgré une monoplace loin de l’efficacité de ses prestigieuses devancières, le pilote de 28 ans est parvenu à s’imposer comme un pilote légitime dans les paddocks bien qu’encore excessivement agressif en piste.
La proximité du pilote vénézuélien avec l’ancien président Hugo Chávez[1], les polémiques et controverses politiques sur la nature du contrat de partenariat qui lie l’écurie de Grove à l’entreprise pétrolière nationale PDVSA ainsi que la focalisation médiatique sur la Formule 1 (au détriment des autres disciplines) ont contribué à éclipser le fait que la présence de Pastor Maldonado dans l’élite du sport automobile mondial relevait d’un large plan de soutien au sport automobile par les institutions vénézuéliennes.
Ainsi, la présence de Pastor Maldonado au sein de l’écurie Williams F1 garantit à l’écurie britannique près de 35 millions de dollars annuels répartis entre les contrats de sponsoring de PDVSA et de l’Agence Nationale du Tourisme Vénézuélien dont les logos apparaissent sur les FW35 de Maldonado et de Bottas. Toutefois, l’engagement de l’entreprise pétrolière avec Maldonado remonte bien au delà de l’arrivée de Pastor en F1. La carrière du pilote criollo est ainsi soutenue par PDVSA depuis 2004, année où il remporta le championnat Formule Renault (Italie) avant d’être sacré champion en GP2 en 2010.
Pastor Maladonado n’est surtout pas le seul pilote automobile vénézuélien à bénéficier du soutien de PDVSA, pas plus que Williams F1 n’est la seule structure à bénéficier de ses capitaux.
La présence vénézuélienne en GP2 : Venezuela GP Lazarus et Johnny Cecotto Jr.
L’arrivée d’un consortium d’investisseurs vénézuéliens a permis à l’écurie italienne Team Lazarus, renommée Venezuela GP Lazarus, de garantir sa présence dans le championnat GP2 pour les saisons 2012 et 2013.
L’écurie n’aligne toutefois pas de pilotes vénézuéliens pour cette saison 2013 après avoir engagé sur 18 manches, Giancarlo Serenelli, lors de la saison précédente. Le tandem de pilotes de Venezuela GP Lazarus est constitué par un autrichien, René Binder et un italien Kevin Giovesi. Pour autant, cela ne signifie pas que les couleurs de la République Bolivarienne du Venezuela ne sont pas représentées en GP2. Elles le sont par Johnny Cecotto Jr, fils de l’illustre pilote auto et moto, Johnny Cecotto qui a disputé 18 GP au cours des saisons 1983 et 1984.
A l’aube de l’arrivée de Pastor Maldonado en Formule 1, Johnny Cecotto Jr se considérait comme le parent pauvre du sport automobile vénézuélien. Alors que ses compatriotes (Maldonado, González et Duno) pouvaient compter sur les subsides de PDVSA, CANTV, ou des Ministères populaires pour le Sport et/ou le Tourisme, le fils du dernier pilote vénézuélien à avoir disputé des GP en F1 ne comptait que Venoco aux rangs de ses sponsors. Des résultats sportifs probants lui permirent toutefois d’intégrer l’école des talents sportifs de la CANTV, l’entreprise de télécommunication nationalisée, et de recevoir le soutien du Ministère populaire pour le Sport. Agé de 23 ans, Johnny Cecotto présente un profil prometteur.
Au sein de la Barwa Addax Team, il signe deux victoires de prestige en GP2 lors des GP de Monaco et de Hockenheim en 2012, terminant le championnat à la 9ème position. A l’issue de la saison, il a participé pour la seconde année consécutive aux essais réservés aux jeunes pilotes à Abu Dhabi. Au volant d’un Toro Rosso il a roulé légèrement plus vite que Luiz Razia. En 2011, il avait été convié à ces mêmes essais par Force India. Sur de son potentiel, le pilote vénézuélien a signé chez Arden International à l’intersaison afin de disputer le titre en GP2.
[colored_box color= »yellow »]« C’est l’une des meilleures équipes en sport automobile. Nous avons eu l’occasion de nous découvrir lors des derniers essais et je me suis bien entendu avec les ingénieurs et les mécaniciens. Je pense que c’est le bon moment de signer afin de bien préparer le championnat 2013 de GP2. L’objectif est de remporter le championnat et je suis sûr que l’équipe et moi en avons le potentiel. »[/colored_box]
Après deux manches, il n’est toutefois que 12ème au championnat du monde.
Enfin, les pilotes vénézuéliens sont également présents dans les séries nord-américaines.
Citgo, la filiale de PDVSA présente sur le territoire étasunien est le principal sponsor de Milka Duno, la première femme à avoir remporté une course majeure en Amérique du Nord en 2004 avec son triomphe en Grand Am à Miami. Engagée en IndyCar, tout comme Ernesto Viso, elle n’obtient pas des résultats probants. A 40 ans, elle reste un des trop rares exemples de réussite féminine au plus haut niveau du sport automobile. Malgré des résultats sportifs déclinants, elle peut à ce titre compter sur le soutien indéfectible de Citgo. Milka Duno étant présentée comme la Danica Patrick vénézuélienne.
Ernesto Viso est l’autre pilote vénézuélien largement soutenu par PDVSA (et Citgo) à évoluer en IndyCar. Il est actuellement le seul latino-américain à disputer l’intégralité du championnat. En cinq saisons dans la discipline, son meilleur classement au championnat reste une modeste 17ème place en 2010. La même année, il a obtenu son seul podium sur le Iowa Speedway. Son palmarès compte toutefois deux victoires en GP2.
Il dispute la saison actuelle sous les couleurs de PDVSA Team Venezuela Andretti Autosport. A côté de ses activités de pilotes, Ernesto Viso dirige la « Team Viso Venezuela » une initiative destinée à encourager les jeunes pilotes vénézuéliens qui souhaiteraient intégrer cette discipline.
Rodolfo González et PDVSA chez Marussia.
Loin de se limiter au seul Pastor Maldonado le soutien du gouvernement et des entreprises vénézuéliennes au sport automobile national, franchit une nouvelle étape avec la nomination de Rodolfo González comme troisième pilote chez Marussia. En effet, au delà, de l’arrivée d’un second pilote vénézuélien dans les paddocks, le dernier GP de Bahreïn fut l’occasion pour PDVSA d’afficher son logo sur les flancs de la MR02[2]. Cela pourrait bien s’avérer être l’information la plus importante dans la perspective de la nomination d’un second pilote titulaire vénézuélien. Les garanties de la réussite de Rodofo González en Formule 1 étant ténues.
Quel programme ?
Lors du GP de Bahreïn, González a disputé sa première séance d’essais libres au volant d’une MR02. Il ne s’est pas particulièrement distingué en signant le plus mauvais temps, assez loin derrière Max Chilton. Toutefois, eu égard aux performances de la monoplace et à son inexpérience, il était difficile d’envisager un autre résultat. James Booth qui se félicite de la signature du pilote vénézuélien, lui accordera de nouvelles séances d’essais libres le vendredi afin d’évaluer son potentiel. A contrario du scenario bahreïni, ce ne sera pas nécessairement Jules Bianchi qui devra laisser son baquet au vénézuélien. Pour le moment, son programme précis n’a pas été confirmé. Troisième pilote de l’écurie, il pourrait être amener à remplacer un des deux pilotes titulaires si pour une raison ou une autre, ces derniers ne pouvaient disputer un Grand Prix.
Quel palmarès ?
La nomination de Rodolfo González comme pilote réserve chez Marussia s’inscrit dans l’interminable liste des pilotes payants. Plus que le palmarès peu reluisant du pilote vénézuélien, le contrat de partenariat conclu entre PDVSA et l’écurie anglo-russe est le déterminant principal de la présence d’un second pilote vénézuélien dans les paddocks. Son palmarès est pour ainsi dire quasi vierge. Il n’a plus remporté la moindre course depuis 2009. En GP2, il a pris 64 départs pour aucune victoire, pas plus de pole position ou de meilleur tour en course. Son seul fait d’arme demeure le titre obtenu en British F3 National Class en 2006. Ses différents essais au volant d’une Caterham ne se sont pas plus avérés remarquables.
Bien que les raisons de croire à l’épanouissement de González au plus haut niveau sont rares, certains précédents laissent envisager davantage d’optimisme. Ainsi, Rodolfo González pourrait se révéler en F1 à la manière d’un Kobayashi arrivé lui aussi en F1 sans de grandes références et qui s’est montré à son aise sur les circuits. Le japonais n’avait à son palmarès qu’un titre des GP2 Asia Series GP2 acquis en…2006.
Quelle chance de réussite et de promotion ?
Au sein d’une écurie amenée à jouer les derniers rôles, Rodolfo González va devoir profiter des rares opportunités qui lui seront offertes de démontrer sa vitesse de pointe. Alors que Jules Bianchi est promis à un autre avenir, le vénézuélien pourrait profiter du départ du niçois à l’issue de la saison ou d’une éventuelle défaillance de Max Chilton pour tenir le rôle du pilote payant au sein de l’écurie anglo-russe. Alors que la cession des parts de LDC semblait ouvrir la voie à une entrée au capital de l’écurie du père de Max Chilton, comme il en a pris l’habitude depuis le début de la carrière de son rejeton, Grahame Chilton n’a pas investi dans la structure anglo-russe. A apport financier équivalent, Max Chilton ne serait donc pas tout à fait intouchable. Le potentiel du jeune britannique semble toutefois au moins aussi important que celui du vénézuélien et rend un remplacement du premier par le second somme toute assez peu probable. En revanche, l’arrivée de PDVSA comme partenaire de l’écurie pourrait bien ouvrir la voie à un autre jeune talent vénézuélien.
Si tant est que Rodolfo González ne parvienne pas à se sublimer au sein de l’écurie Marussia et que sa carrière en Formule 1 tourne court, le sport automobile vénézuélien peut espérer voir Johnny Cecotto prendre la relève ou escompter sur l’efficacité du programme de détection mis en place par la Fondation Pastor Maldonado, PDVSA et Williams au Venezuela.
Loin de se contenter de garantir la présence d’un représentant national en Formule 1, le soutien au sport automobile vénézuélien comprend également un volet de promotion de ces disciplines au plus caribéens des Etats sud-américains. Alors que les controverses autour de la nature du contrat signé entre PDVSA et Williams F1 étaient portées devant l’Assemblée Nationale par l’opposition politique vénézuélienne, l’écurie de Grove, PDVSA et la Fondation Pastor Maldonado lançait officiellement son programme qui s’organise autour de deux axes forts.
Un programme de détection des jeunes talents.
Le programme de détection prendra la forme de compétitions comptant 24 machines et 10 épreuves sur un circuit de karting itinérant afin de faire face à l’insuffisance des infrastructures vénézuéliennes en la matière. Les meilleurs pourraient se voir offrir la possibilité de travailler au siège de l’écurie afin de bénéficier des installations de Grove et notamment du simulateur.
Un réseau de bourses d’études destinées aux jeunes ingénieurs, mécaniciens et autres spécialistes du marketing a été mis en place afin de promouvoir les plus brillants et les plus passionnés d’entre eux par les sports mécaniques.
Dépendant des recettes d’exportations de la compagnie pétrolière nationale, PDVSA, les programmes de soutien au sport automobile vénézuélien restent fragiles et dépendants de la volonté politique de les maintenir. Une tendance haussière des prix du baril, pourrait toutefois venir garantir un bel avenir aux jeunes pilotes vénézuéliens.
Une réussite qui s’inscrit pleinement dans la politique de promotion du sport mise en place par le gouvernement bolivarien. Une politique sportive ambitieuse qui porte ses fruits au delà des tracés automobiles. La Vinotinto a obtenu le meilleur résultat de son histoire lors de la dernière Copa America, la sélection vénézuélienne a ramené des JO de Londres la seconde médaille d’or de son histoire. Greivis Vasquez n’est que le second vénézuélien à jouer en NBA et les joueurs vénézuéliens de baseball trustent les distinctions individuelles. Pastor Maldonado n’est pas seul à faire retentir l’hymne national sur les podiums.