Les succès sportifs actuels de l’Olympique Lyonnais sont l’arbre qui cache la forêt. La situation lyonnaise à court et moyen terme est nettement moins glorieuse que les classements du championnat de France de Ligue 1 et du groupe I de la Ligue Europa ne le laissent présager.
Contingente par essence la réussite sportive du club bénéfice par ailleurs de facteurs conjoncturels favorables.
Un calendrier favorable, une concurrence amorphe :
Sur le plan comptable, les lyonnais bénéficient d’une concurrence qui avance moins vite que prévu. Malgré un recrutement prestigieux, le Paris Saint Germain 2012 comptait 7 points de moins que la saison précédente à l’issue de la 13ème journée. C’est précisément à la suite de deux revers infligés au PSG par Saint-Etienne et Rennes, que les lyonnais ont pu s’emparer des commandes de la Ligue 1.
Lyon est en tête, non pas tant parce que le club rhodanien éblouit de sa classe mais avant tout parce que la place est laissée vacante par le PSG englué dans sa traditionnelle crise de novembre. Dans une certaine mesure les hommes de Remy Garde ont également tiré profit d’un calendrier favorable. Au soir de la 13ème journée, les lyonnais n’ont rencontré qu’un seul des 5 premiers. Pour une défaite 2-0 face à Bordeaux à Gerland. Les prochaines semaines s’annoncent nettement plus coriaces pour les septuples champions de France. Cet après-midi les lyonnais se rendent à Toulouse, puis iront défier l’OM au Vélodrome trois jours plus tard. Avant de devoir disputer 4 matchs en 10 jours début décembre avec la réception de l’Hapoel Irono Kirvat Shmona FC, le 6 décembre, le derby à Geoffroy-Guichard le 9, la réception de Nancy le 12 et le déplacement au Parc des Princes le 16. Un enchaînement de tous les dangers pour les lyonnais qui pourraient consolider leur position en tête du championnat ou bien sombrer au classement dans un premier tiers particulièrement serré.
Quoiqu’il advienne au cours de ces prochaines semaines, l’Olympique Lyonnais vivra un mercato hivernal agité. En raison de difficultés financières toujours vivaces, le club sera contraint de se séparer de plusieurs éléments à l’intersaison.
Des difficultés financières et économiques toujours vivaces : nécessité de vendre des joueurs.
A la suite de la publication du bilan financier d’OL Groupe, le président de l’OL Jean Michel Aulas a affirmé être dans l’obligation de se séparer de trois joueurs dont deux dès cet hiver. Les comptes du club de JMA, toujours prompt à donner des leçons de bonne gestion à ses congénères, sont une nouvelle fois déficitaires de 28 millions d’euros pour la saison 2011-2012. C’est la troisième année consécutive qui voit l’OL perdre de l’argent, déjà 28 millions d’euros l’année précédente et 35,3 millions il y a trois ans.
Symbole de la trajectoire récente du club, de l’optimisme triomphant du club qui trustait alors les trophées au réalisme économique contemporain, l’introduction d’OL Groupe en bourse a précédé l’effondrement des résultats sportifs. Fixée à 24 euros lors de son introduction en bourse en 2007, l’action de l’OL ne s’échangeait plus qu’à 2,95 euros vendredi dernier. C’est précisément depuis cette date que l’Olympique Lyonnais ne parvient plus à opérer sur les marchés de joueurs de la manière la plus optimale. Modèle du genre durant près d’une décennie la politique de transferts de l’OL est le fondement de l’hégémonie du club sur le football français au début des années 2000. De telle sorte que les auteurs de Soccernomics lui avaient consacré un sous chapitre dans leur ouvrage intitulé « comment acheter et vendre comme l’Olympique Lyonnais » ? La force de la politique lyonnaise conduite conjointement par JMA et Bernard Lacombe ? Buy low, sell hight. Acheter peu cher et revendre un max, tel est le miracle que le club rhodanien a réussi pendant de longues saisons. Puis l’OL et Jean Michel Aulas se sont pris pour ce qu’ils n’étaient pas encore, un grand club et s’est engagé dans une politique de dépenses fastueuses. En achetant cher, Lyon se privait de la possibilité de réaliser des plus values substantielles à la revente. Dans l’esprit de Jean Michel Aulas, Lyon pourrait compter sur ses recettes propres (droits TV, billetterie, marketing, sponsoring) pour poursuivre sa progression. Avec le report sinedie de la construction du Stade des Lumières, ces espérances ne se traduisirent pas en résultats. La non qualification pour la Ligue des Champions en fin de saison dernière a conduit le club à prioriser une réduction de la masse salariale du club. Exit des anciens cadres du club : Cris, Kim Källström, Aly Cissokho (acheté cher, vendu pour deux fois moins), et tous ceux qui voulaient bien poser leurs valises ailleurs : Belfodil, Mensah, Ederson (laissé libre), Kolodziejczak, Jérémy Pied, Enzo Reale et Hugo Lloris poussé vers la sortie.
La balance des transferts d’été est largement excédentaire (+13,2 millions d’euros) avec un montant de cessions s’élevant à 24,2 millions d’euros et des investissements joueurs représentant un montant de 11 millions d’euros. Malgré tout l’opération dégraissage lancée cet été n’aura pas été suffisante à assainir les comptes d’un club qui pense toujours fonder son avenir économique sur les recettes d’un grand stade qui ne sortira pas de terre avant 2015[1].
L’objectif de l’intersaison est donc clair. L’OL est à la recherche de 30 millions d’euros. Et cela passera nécessairement par la cession de joueurs majeurs. Jean Michel Aulas se montre confiant sur la capacité de Lyon à conclure ces départs. «Cela fera baisser d’autant l’actif joueurs et la masse salariale. Pour certains, les négociations sont bien avancées, mais elles n’ont pu se conclure avant la fin du dernier marché». On restera nettement plus sceptique tant les pistes pour accueillir les candidats au départ ne sont pas légion. Il faudra réussir en trente jours ce que les dirigeants n’ont pas été capables de réaliser durant les trois mois du précédent mercato.
Les rendez-vous manqués du mercato estival
A longueur d’articles de presse, le recrutement estival des lyonnais est loué de manière quasi unanime. « Sans argent », l’OL aurait procédé à un recrutement intelligent, maintenant sa compétitivité sportive tout en assainissant les comptes du club. Pou[2]r le moins on ne partage pas l’unanimisme ambiant et ce pour au moins deux séries de facteurs. D’une part, on l’a vu, l’opération dégraissage de l’été n’a pas été suffisante et Lyon devra de nouveau se séparer de joueurs cadres de l’équipe afin de tendre à l’équilibre financier à l’orée de la saison 2013-2014. D’autre part, sur les quatre nouvelles recrues, seuls Steve Malbranque et Milan Bisevac sont des satisfactions. Arnold Mvuemba et Fabian Monzon n’ont disputé, à eux deux, que 231 minutes en Ligue 1. Et encore, si Steve Malbranque est la surprise du chef du recrutement lyonnais, l’ancien cottager a rejoint Lyon après une saison blanche et il s’est plus proposé à l’OL que le club n’est allé le chercher. La signature du milieu de terrain n’est pas étrangère au bon début de saisons des lyonnais, mais ce type de recrutement n’est pas reproductible.
L’autre réussite du mercato lyonnais l’arrivée de Milan Bisevac qui forme avec Lovren une charnière de très haut niveau n’est pas non plus dénuée de toutes réserves. Non pas que le joueur n’apporte pas plein satisfaction aux gones mais le transfert du serbe devait permettre à l’OL de réduire sa masse salariale en envoyant en contrepartie de l’ancien valenciennois Anthony Reveillère au PSG. La fin de non recevoir adressée par les franciliens au latéral droit lyonnais au mois d’août a certes permis à l’OL de conserver un arrière droit de premier plan mais a aussi plombé les caisses du club. Et Reveillère et son salaire sont toujours un candidat au départ cet hiver.
Le cas de l’ancien rennais ne fut pas le seul cafouillage. Signe de la gravité de la situation financière du club, les dirigeants lyonnais ont sauté sur toutes les opportunités qui se présentaient afin de se délester de quelques contrats. Ainsi, l’OL a été à deux doigts d’envoyer Clément Grenier du côté de la promenade des anglais dans le cadre du transfert de Monzon. Il ne s’en est tenu qu’au refus du joueur et à une énième blessure de Gourcuff pour que le jeune espoir reste au club. Et si Lyon est plus que jamais en course pour une qualification vitale pour la prochaine Ligue des Champions, il le doit quelque part à son jeune milieu, à l’exceptionnel mois d’août de Michel Bastos ainsi qu’à l’efficacité de Bafetimbi Gomis. Dès lors qui vendre, sans altérer la compétitivité sportive du club ?
Quels candidats au départ ?
En annonçant vouloir se séparer de trois joueurs dont 2 dès le mercato hivernal, Jean Michel Aula a ouvert la porte aux départs des gros salaires du club qui ne font pas partie de l’épine dorsale (Vercoutre-Bisevac-Lovren-Gonalons-Grenier-Lisandro) de l’effectif établie par Rémy Garde. A savoir Yohan Gourcuff, Bafetimbi Gomis et Michel Bastos.
En proie à des problèmes personnels à Lyon qui en font un candidat au départ convaincu, Michel Bastos sera de nouveau au centre des rumeurs cet hiver. Mais si Lyon souhaite se séparer de son contrat qui court jusqu’en 2015, son indisponibilité devrait réduire sensiblement sa valeur marchande. Tout autant que la situation du club rhodanien. L’Olympique Lyonnais doit vendre, et les éventuels acheteurs ne l’ignorent pas. Le cas de Gomis est différent. L’ancien stéphanois est au sommet de sa forme. Sa présence physique devant est précieuse dans l’animation offensive mise en place par Rémy Garde. Son départ rapporterait donc de substantiels deniers (Gomis est valorisé à 14 millions d’euros par Transfermark) tout en privant l’OL de leur meilleur buteur cette saison. Cela induirait également un recentrage de Lisandro Lopez et des réajustements tactiques majeurs dans une machine pour le moment bien huilée.
Reste le cas, Yohan Gourcuff qui place les dirigeants lyonnais face à un choix cornélien. Conserver un joueur et son salaire mirobolant pour construire autour de lui et de son image ou tirer définitivement un trait sur le meneur de jeu quitte à solder l’histoire commune sur une déroute financière. « Bien que nous l’ayons amorti à la moitié de sa valeur dans nos comptes, on ne peut pas dire que nous ayons traduit totalement cet investissement en termes économiques ». Les mots de Jean Michel Aulas laisse rêveur. Yohan Gourcuff est un actif dont on attend toujours les retombées économiques. Le fils de l’entraîneur du FC Lorient conserve une solide valeur marchande et à son niveau actuel, son départ n’affecterait pas le niveau footbalistique de l’effectif. Ce qui ne serait pas le cas, du départ de Lisandro Lopez.
Courtisé par la Fiorentina, l’argentin devrait rester dans l’hexagone à moins de l’arrivée sur le bureau du président lyonnais d’une offre qui ne se refuse pas. Le salaire de l’argentin chiffré à 4,1 millions d’euros annuel plombant les caisses du club au moins proportionnellement à l’embellie des ambitions sportives que la présence du joueur sur le pré induit.
En manque de liquidités, l’Olympique Lyonnais n’aura pas la liberté de choisir les candidats au départ s’il veut économiser comme annoncé 30 millions d’euros d’ici la fin de saison. De l’identité des partants dépendent les capacités du club à confirmer son prometteur début de saison. De leur valorisation dépend la santé économique du club à court et moyen termes. La tâche de Jean Michel Aulas et ses comparses ne sera pas aisée. De modèle agité par Kuper et Szymanski, l’action de l’OL sur les marchés de joueurs est l’incarnation la plus limpide du mal français à savoir surpayer des joueurs moyens. Le cas d’Aly Cissokho est à ce titre significatif. Acheté 15 millions au FC Porto, le joueur a été cédé pour 7 millions d’euros à Valence. Pour rejoindre le club espagnol, il a accepté…de baisser son salaire.
Alors que le club n’a pas commencé à payer les traites de son futur stade, il surpaye un effectif de joueurs valorisé à 117 millions d’euros[2]. Malgré l’opération dégraissage de l’été, l’Olympique Lyonnais reste la troisième masse salariale de Ligue avec 77 millions d’euros annuels. A titre de comparaison, le voisin forézien ne débourse que 17 millions pour un effectif valorisé à 67 millions d’euros.
Un constat d’autant plus alarmant pour Jean Michel Aulas et les Gones que sur le plan des infrastructures, le club stéphanois prend de l’avance. Nouveaux propriétaires de son centre de formation, les stéphanois disposent d’un nouveau Geoffroy-Guichard à qui il ne manque plus que la tribune Jean Snella. Dans les dynamiques de développement des deux institutions, le derby du 9 décembre pourrait bien marquer un croisement.
Malgré ses succès automnaux plus nombreux que prévu, l’Olympique Lyonnais pourrait bien connaître un hiver plus rigoureux qu’un soir de janvier en plein forez. Pour avoir vécu au dessus de ses moyens, Jean Michel Aulas et son club sont contraints non seulement de vendre cher (ou beaucoup) tout en gagnant. Pendant près d’une décennie le club est parvenu miraculeusement à multiplier les bons choix avec une effroyable constance. Et à ce prix il s’est constitué un palmarès.
A un tournant de son histoire, le maintien du club au plus au niveau aura besoin de ce genre de bénédictions. Sans quoi, en matière de football, Lyon redeviendra ce qu’il, n’aurait jamais du cesser d’être, la banlieue de Saint-Etienne.
[1] L’Olympique Lyonnais a bien voulu sortir les muscles et lancé les travaux de terrassement sur le site de Decines. Mais contrairement à Jean Michel Aulas, le groupe Vinci refuse d’entamer les travaux avant que tous les recours judiciaires n’aient été épuisés.
[2] Source : transfertmark