La plus belle des défaites

debats sports image par defaut
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A la fin, on distingue les vainqueurs des perdants. Il s’agit de l’essence même du sport de haut niveau, où compte, presque exclusivement, le résultat. Pourtant, certaines défaites sont magnifiques; des défaites qui valent des victoires, souvent représentées par des perdants magnifiques, combattants jusqu’au dernier souffle. Comme le dit l’excellent Al Pacino dans le non moins excellent Any Given Sunday « Aujourd’hui est un dimanche comme un autre, tu vas perdre ou tu vas gagner. Mais sauras-tu perdre ou gagner comme un homme ?« 



Comme beaucoup, j’ai découvert le Foot US au travers d’un Superbowl. L’image qui me revient à l’esprit lors de ce Superbowl 2011, ce n’est pas le triomphe des Packers, mais une interception de Ben Roethlisberger. Je dois avouer que mon incompréhension était totale devant ce sport. Puis, l’année d’après, après avoir suivi un peu plus les Playoffs, j’assistais au triomphe d’Eli Manning au terme d’un match magnifique, et, cette fois-ci, en comprenant les règles. Le déclic venait d’avoir lieu.

Au début de la saison 2012-2013, je me décide de suivre la NFL chaque dimanche soir. J’assiste à une saison magnifique (Luck, RGIII, Wilson, pas mal comme cuvée de rookies pour vous faire aimer ce sport) avec des Ravens triomphant au terme d’un Superbowl totalement fou. Mais, il me manquait quelque chose. Cette neutralité totale me faisait manquer ce qui est, pour moi, la vrai essence du sport : les émotions.

Trembler dans un match tendu, exulter après une grosse victoire, trouver des excuses après une défaite. Mais comment « choisir » une équipe, lorsqu’on regarde découvre un sport Américain ? Soutenir une équipe qui marche pas mal semble être la solution la plus crédible. Mais personnellement, j’ai décidé de m’interesser à la moins bonne équipe de la saison 12-13, les Chiefs de Kansas City. Pour des raisons plus ou moins futiles, je dois l’avouer. Une équipe qui ne pouvait pas faire pire, et l’arrivée de la doublette de mal aimé Andy Reid (limogé de Philadelphie après plus de 10 saisons) et Alex Smith, le Quarterback mis sur le banc en cours de saison qui a vu son remplaçant Colin Kaepernick mener les 49ers au Superbowl.

Je m’attendais à une saison poussive, peu spectaculaire eu égard aux standards des équipes que j’avais particulièrement regardées l’année précédente, en l’occurrence les Vikings, les Redskins et les 49ers. Après 9 semaines, KC est, pourtant, la seule équipe invaincue de la NFL. La grosse défense n’est pas spectaculaire, mais le jeu « sobre et efficace » me séduit.

A 9-0, les Playoffs sont presque assurés, bien que le calendrier de fin de saison soit relevé. Sur les 7 derniers matches, les Chiefs vont n’en gagner que 2, assurant malgré tout une place en Wild Card, avec un visage totalement différent. Une défense totalement perdue mais une attaque parmi les plus tranchantes de la NFL.

La saison se termine donc sur un bilan de 11-5, avec une recette simple en attaque : un des meilleurs Running back NFL en la personne de Jamaal Charles, qui s’occupe plus ou moins de tout (Aaaah ce match à 195 YDS et 4 TD à la réception contre Oakland…), et un Alex Smith gestionnaire qui se contente de passes courtes pour faire avancer son équipe lentement, tout en perdant le moins de ballons possible. La défense, excellente en début de saison est devenue très quelconque au fil des semaines, pas aidée par les blessures de Tamba Hali et Justin Houston.

Nous voilà donc samedi 4 janvier, du côté d’Indianapolis pour affronter des Colts sortis vainqueurs de la confrontation entre les deux équipes en semaine 15 en ayant limité Kansas City à 7 petits points. Avant le match, les motifs d’espérance ne sont pas légion. Malgré le retour de la paire Hali/Houston, le fait qu’Alex Smith doive suivre le rythme d’un QB du calibre d’Andrew Luck n’incite pas à l’optimisme.

Sur le 1er drive, Jamaal Charles tombe au sol, sur le crâne, et sort. Mes espoirs s’effondrent, le meilleur joueur de l’équipe ne reviendra pas du match. Le TD d’entrée est presque anecdotique. Et puis, peu à peu, les Chiefs se mettent en mode rouleau compresseur. Alex Smith devient une superstar, envoyant mêmes des bombes dans la profondeur (Oui, oui, on parle bien d’Alex Smith). La défense cadenasse un Andrew Luck dépassé, pas aidé par un jeu au sol quasi inexistant.

Après le 1er drive des Chiefs dans le 3ème quart temps, le score est de 38-10. 28 points d’avance. Dans l’histoire, seuls les Bills ont remonté en PO, un écart plus important, contre les Oilers en 93. La mauvaise 1ère mi temps des Colts et la perfection de celle des Chiefs me fait dire que l’écart va se réduire, mais la domination est tellement importante qu’on se laisse aller à penser à voix haute : les Chiefs sont qualifiés.

Et puis, advint ce que seul le sport peut produire. Une 2ème mi temps dépassant l’entendement, au-delà de toute logique. Tout commence par un catch fabuleux de Da’Rick Rogers, sur une sorte d’Ave Maria avant l’heure d’Andrew Luck. Brown file au TD à la course, Smith commet un Fumble sur un énorme sack de Robert Mathis, et Brown rajoute un nouveau TD. Le match vient de tourner, et seul, devant mon streaming, je décide décapsuler ma 1ère bière.

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Le come back se profile. Luck se fait intercepter deux fois mais Kansas City semble crispé. Les blessures se succèdent coté Chiefs, et Alex Smith marque le pas. Le retour semble tellement inéductable que j’enrage, me disant qu’avec Jamaal Charles ça ne serait jamais arrivé (Vous savez, ces fameuses excuses…). Andrew Luck inscrit un TD à la course après un Fumble, un ballon qui rebondit sur le dos d’un de ses coéquipiers.

La première canette vide ne connaîtra pas la solitude bien longtemps. Deuxième bière. Les Chiefs marquent 2 FG durant ce laps de temps, mais c’est plus pour repousser l’inévitable et rester en vie. Après avoir parfaitement négocié quelques 3èmes tentatives dans son camps, Luck trouve Hilton pour un TD de 64 YDS. Je suis dépité, et, pourtant, j’ai ce sentiment de l’avoir su dès cette réception déclic de Da’Rick Rogers. Derrière, sur une 4ème tentative, Smith trouve Bowe qui ne pose qu’un pied sur le terrain. Game Over. (Et merci Andy Reid pour les Time Out)

La déception est immense. Bien plus que je l’aurais pensé trois heures auparavant. Le scénario est si cruel, les blessures, ce sentiment d’impuissance devant une attaque et une défense totalement annihilés en 2ème mi temps après avoir marché sur l’eau lors de la première. Pourtant, cette défaite, bien plus qu’une hypotétique victoire, vient de me faire tomber amoureux des Chiefs.

Ce combat, cette détermination d’un phénoménal Alex Smith et d’une équipe cherchant jusqu’au bout la possibilité de sortir vivante du stade, vaut toutes les victoires du monde. Lorsqu’on parle à un fan de telles ou telles équipes, ses souvenirs douloureux sont souvent abordés avant les plus beaux triomphes. On aime, malgré nous, ce sentiment après une défaite, et c’est elle qui nous lie viscéralement à une équipe.

Les malheurs d’une défaite sont inhérents à la vie de supporter. C’est grace à elle que, par la suite, nous apprécions à sa juste valeur les plus belles victoires. Et, pour citer Alex Smith « Je pense que des fondations ont été posées pour le futur« . C’est vrai. Autant pour lui que pour moi.