Comment le Mexique se prépare au Mondial…russe

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Coupe des Confédérations : L’évocation du football mexicain renvoie irrémédiablement à deux souvenirs qui en disent long sur la place du football aztèque dans les représentations collectives. Depuis l’hexagone, a minima, le football mexicain c’est avant tout l’organisation de la Coupe du Monde 1986 et le dribble du crapaud, la génération d’Hugo Sanchez et celle du fantasque Cuauhtémoc Blanco.



Systématiquement éliminée au stade des huitièmes de finale en Coupe du Monde[1], la sélection mexicaine souffre de la distribution géographique des zones de qualifications de la FIFA. Coincée dans la zone CONCACAF qu’elle rejoint en 1961, la Fédération Mexicaine se voit proposer des confrontations face à des adversaires si ce n’est faibles, peu reluisants sur la scène internationale. La faiblesse de sa zone de rattachement lui garantit une présence régulière en Coupe du Monde mais la contraint à disputer des compétitions (Gold Cup) dont l’intérêt peine à s’exporter hors de son environnement direct.

Bien que le Mexique domine ses voisins avec une constance que seuls les Etats-Unis contestent, el Tri reste aux yeux des observateurs un acteur marginal du ballon rond. Ce constat est d’autant plus biaisé que la sélection mexicaine n’a offert que peu de stars internationales au football. Pis encore, les compatriotes d’Hugo Sanchez ne s’exportent peu en Europe et moins encore en France.

Cette saison, seul Guillermo Ochoa arrivé à Ajaccio dans un contexte peu enviable[2] évoluait dans le championnat de France. Les passages remarqués de César Delgado à l’Olympique Lyonnais et de Rafael Marquez en principauté n’ont pas pour autant mis en exergue le football mexicain de manière durable.

Pourtant, le Mexique a fait du Mondial 2018, un objectif. Si, cela peut surprendre, il convient de traiter cette affirmation avec le plus grand sérieux et non comme une fantaisie. Si le mondial brésilien arrive un peu tôt, la Fédération Mexicaine forme au fil des ans, des générations de footballeurs qui trustent les trophées dans les compétitions de jeunes. L’éclosion des champions olympiques 2012, champions du monde des U17 2011 et les vainqueurs du tournoi de Toulon 2012 qui arriveront à maturité à compter de la seconde moitié des années 2010 est tout sauf le fruit du hasard. Elle est au contraire le produit d’une planification née dans l’esprit de Nestor de la Torre, nommé directeur des sélections en 2009 et qui est désormais appliquée au quotidien par son frère, José Manuel, aux commandes de la sélection nationale.

Ce plan repose sur trois grands axes :

  • La professionnalisation de l’encadrement et des méthodes d’entraînements dès les sélections de jeunes (1)
  • Le développement d’une identité de jeu commune aux diverses sélections nationales (2)
  • La mise au service de la sélection du championnat national (3)

(1) – Le tournant de la rigueur

Le premier volet du plan conçu par Nestor de la Torre réside dans l’accroissement des exigences sportives et l’intransigeance nouvelle quant aux transgressions des règlements collectifs. En effet les mandats de Hugo Sanchez et de Sven Goran Erikson à la tête de la sélection nationale avaient pâti des écarts de conduite de certains cadres.

Ces déclarations ne sont pas restées longtemps sans effet. Invité à disputer la Copa América 2011 en Argentine, la Fédération mexicaine s’était vue imposer par la CONCACAF d’aligner une sélection de joueurs de moins de 23 ans. Une opportunité pour les jeunes espoirs aztèques de se jauger aux formations du Chili, de l’Uruguay et du Pérou placées dans le groupe C en compagnie du Mexique. Certains n’ont toutefois pas eu le loisir de découvrir le Estadio del Bicentenario de San Juan puisqu’ils avaient été exclus de la sélection pour « indiscipline ». Il leur était notamment reproché d’avoir fait appel aux services de prostituées équatoriennes à l’issue d’une soirée plus proche du synopsis d’un Very Bad Trip que du programme de préparation à une compétition internationale. Les 8 contrevenants : Jonathan Dos Santos, Israel Jimenez, Nestor Vidrio, Javier Cortes, Marco Fabian, Jorge Hernandez, David Cabrera et Nestor Calderon furent suspendus 6 mois de toute sélection nationale et contraints de s’acquitter d’une amende de 3 000$. Parmi eux, 3 furent sacrés champions olympiques à Londres et se sont depuis rachetés une conduite.

Le renforcement des exigences et la professionnalisation des filières jeunes placent ces dernières dans un cercle vertueux où les nouvelles exigences débouchent sur des succès sportifs, qui eux même alimentent des ambitions nouvelles et des exigences supplémentaires. Pays de foot par excellence, le Mexique a pu compter sur des générations dorées, notamment celle emmenée par un Giovanni Dos Santos, champion du monde des U17 en 2005, mais faute de cadrage et de continuité ces succès restaient sans lendemain.

Si cette intransigeance nouvelle a produit des effets notables en ce qui concerne les jeunes joueurs, elle a très tôt éveillé les résistances des joueurs les plus chevronnés. Là où les 8 jeunes espoirs se sont pliés à la sanction de leur fédération, les cadres de la sélection A s’étaient vivement opposés à celle prononcée à l’égard des joueurs impliqués dans l’organisation d’une soirée trop festive, aux goûts de Nestor de la Torre, lors d’un regroupement de la sélection avant la tenue d’un match amical. Carlos Vela et Efrain Juarez avaient écopé de 6 mois de suspension, quand 11 autres joueurs s’en étaient sortis avec une amende. Un conflit éclata alors de manière publique entre les joueurs, menés par l’ancien barcelonais et alors newyorkais, Rafael Marquez et la Fédération. 13 d’entre eux menaçaient de boycotter la sélection nationale si la sanction n’était pas levée. Les joueurs l’ont emporté. Nestor de la Torre fut éconduit mais, nous l’avons vu, ces exigences restent en vigueur et elles ne sont pas étrangères aux succès répétés des sélections de jeunes mexicaines.

S’habituer aux succès dès les filières jeunes fait d’autant plus sens, qu’il est désormais acté que les joueurs évoluant dans les catégories jeunes soient amenés à porter le maillot mexicain au plus haut niveau.

(2) – Une identité de jeu transgénérationnelle

Clairement, le modèle mexicain n’est pas d’inspiration catalane. Les différentes sélections n’évoluent pas dans des schémas tactiques immuables. Au contraire, les schémas de jeu s’adaptent aux qualités des jeunes joueurs, puisque l’objectif recherché est de mettre ces derniers dans les meilleures dispositions afin d’exprimer leur plein potentiel. Toutefois, il est exigé d’eux, une grande rigueur tactique.

L’idée directrice du plan de Nestor de la Torre est de mobiliser les sélections de jeunes comme le terreau d’acculturation des jeunes joueurs mexicains aux exigences du plus haut niveau. Il s’agit d’amener le maximum des U17, en U20, puis des U23 à la sélection nationale. A chacune des catégories, les jeunes joueurs auront acquis une expérience salvatrice au moment de rejoindre les rangs de la sélection A.

Les générations triomphantes se succédant, les liens entre les catégories se multiplient. Les champions du monde des moins de 17 ans, Carlos Fierro, bien connu des aficionados de Football Manager, Marco Bueno, Antonio Briceño, Jonathan Espericueta et autre Julio Gómez sont destinés à franchir les étapes à la manière d’un Marco Fabian, jusqu’à porter le maillot d’El Tri en compétition officielle.

Afin d’assurer la transition, les staffs sont poreux d’une catégorie à l’autre. Ainsi, lors des Jeux Olympiques de Londres, le sélectionneur, Fernando Tena n’était autre que l’adjoint de José Manuel de la Torre. Et ce dernier ne s’est pas tenu à l’écart du parcours olympique puisqu’il accompagnait la sélection à Londres en tant qu’adjoint de Fernando Tena.

L’ensemble des structures et modes d’organisation des sélections mexicaines sont mis au service du développement des jeunes joueurs. Une telle promotion des jeunes talents ne relève pas du jeunisme, ces derniers étant intégrés de manière progressive à la sélection A, elle peut toutefois se reposer sur les réglementations du championnat national particulièrement favorables aux jeunes joueurs.

(3) – Un championnat au service de la sélection ?

 

Alors que les argentins et les brésiliens émigrent en masse en Europe, les Mexicains s’exportent peu en direction du vieux continent. Plusieurs facteurs viennent expliquer cette relative sédentarité des jeunes champions mexicains.

Tout d’abord, la surface financière des clubs mexicains les rend moins dépendants de la vente de leurs actifs, et leur permet d’offrir des salaires confortables à leurs salariés. Par ailleurs, à l’inverse des argentins ou des brésiliens qui disposent fréquemment d’un passeport italien ou portugais, les joueurs mexicains restent pour l’essentiel des extracommunautaires.

Dès lors, El Tri se repose pour l’essentiel sur des joueurs évoluant dans le championnat national. Ainsi, la liste de De la Torre pour la prochaine Coupe des Confédérations ne compte que 6 joueurs évoluant en dehors du territoire national.

Enfin, une disposition du championnat national, par ailleurs illisible est toute indiquée pour favoriser l’éclosion des jeunes talents. La règle du 20/11 adoptée en 2005 impose aux clubs mexicains d’accorder a minima 1000 minutes de jeu à des joueurs âgés de moins de 20 ans et 11 mois. En cas de non respect de cette disposition, le club incriminé se verrait retirer 3 points. Destinée à favoriser le temps de jeu des jeunes joueurs mexicains, cette règle du 20/11 tient toutes ces promesses.

Le Mexique sur tous les fronts

Au cours de ce mois de juin, les sélections mexicaines seront sur tous les fronts.

Vainqueur de la Gold Cup en 2011, le Mexique participera à la Coupe des Confédérations 2013 qui se tiendra au Brésil du 15 au 30 juin prochain. Véritable répétition pour la Coupe du Monde 2014, cette compétition permettra à la sélection mexicaine de se confronter à une opposition solide pour la première fois depuis la Coupe du Monde sud-africaine.

Placé dans le Groupe A, le Mexique affrontera l’Italie le 16 juin au Maracana, le Brésil, le 19 juin et le Japon le 22, avec la ferme intention de renouveler la performance de 1999 où les Aztèques avaient remporté l’épreuve organisée à domicile. S’ils peuvent espérer que la Squadra Azzura ne sera pas à son meilleur niveau à l’issue d’une saison particulièrement longue, l’opposition face aux nippons s’annonce d’ors et déjà décisive tant tout autre résultat qu’une victoire finale sera considéré comme un affront pour les brésiliens.

Toutefois, le programme des Mexicains ne se limitera pas à la répétition générale du mondial de l’été prochain puisque les hommes de José Manuel de la Torre disputeront auparavant trois rencontres comptant pour les éliminatoires pour la Coupe du Monde 2014. Après avoir copieusement dominé ses modestes adversaires du groupe D (Costa Rica, El Salvador, Guyane) lors du troisième tour des qualifications avec 6 victoires en autant de parties disputées pour un bilan de 15 buts inscrits et seulement 2 encaissés, les mexicains ont concédé trois nuls consécutifs dans le tournoi final. De telle sorte qu’après les trois premières journées, la 16ème nation au classement FIFA n’émerge qu’à la cinquième place derrière le Panama, le Costa Rica, les Etats-Unis et le Honduras. Plus que d’une performance de choix à la Coupe des Confédérations, le Mexique a besoin de points pour assurer sa participation à sa 6ème phase finale de Coupe du Monde consécutive.

Le Mexique affrontera donc la Jamaïque le 4 juin, le Panama le 7 juin et le Costa Rica, le 11. Viendra ensuite le temps de la Coupe des Confédérations. La préparation de ses échéances a déjà débuté. Les mexicains ont disputé un match amical face au Nigéria à Houston le 1er juin. A l’issue d’une rencontre où ils ont disputé plus de 60 minutes en infériorité numérique suite à l’expulsion de Pablo Barrera, les coéquipiers de Javier Hernandez, auteur d’un doublé, les mexicains ont cédé le nul (2-2).

Pour disputer ces compétitions à enjeux, José Manuel de la Torre n’a pas retenu certains des jeunes espoirs mexicains en raison de l’organisation simultanée du Tournoi de Toulon où le Mexique est le tenant du titre, et la Coupe du Monde des moins de 20 ans où les tricolores chercheront à faire mieux que leur troisième place de 2011.

Juan Manuel de la Torre s’appuiera sur une sélection jeune où seuls 6 joueurs évoluent en Europe.

Gardiens: Jesús Corona (Cruz Azul), Alfredo Talavera (Toluca) et Guillermo Ochoa (Ajaccio).

Defenseurs: Francisco Rodríguez (América), Diego Reyes (América), Hiram Mier (Monterrey), Severo Meza (Monterrey), Jorge Torres (Tigres), Héctor Moreno (Espanyol).

Milieux: Gerardo Torrado (Cruz Azul), Pablo Barrera (Cruz Azul), Jesús Molina (América), Jesús Zavala (Monterrey), Héctor Herrera (Pachuca), Ángel Reyna (Pachuca), Carlos Salcido (Tigres), Andrés Guardado (Valencia), Javier Aquino (Villarreal).

Attaquants: Raúl Jiménez (América), Aldo de Nigris (Monterrey), Oribe Peralta (Santos Laguna), Giovani dos Santos (Mallorque), Javier Hernández (Manchester United)[3]

Les vedettes annoncées du mondial russe, Carlos Fierro, Julio Gómez, Jorge « Chatón » Rodriguez ou Marco Fabían ne seront pas du voyage au Brésil. José Manuel de la Torre ne souhaite pas précipiter l’intégration de ses pépites, d’autant plus si cela devait se réaliser au détriment de la compétitivité des catégories de jeunes. Aux vues du projet mexicain, les tournois de Toulon et la Coupe du Monde des moins de 20 ans organisée en Turquie sont certainement des objectifs tout aussi importants que la Coupe des Confédérations.

Candidat à l’organisation de la Coupe du Monde 2026, le Mexique se positionne progressivement comme une place forte du football mondial. D’ici là, à n’en pas douter, Hugo Sanchez et Cuauhtémoc Blanco auront trouvé des successeurs dans les souvenirs des aficionados.

 


[1] La sélection mexicaine a atteint à deux reprises les quarts de finale en Coupe du Monde en 1070 et 1986, soit leur des deux éditions organisées à domicile. Depuis 1994, les mexicains ont subi 5 éliminations en huitièmes de finale.

[2] Alors qu’il disputait la Gold Cup 2011 avec sa sélection, Guillermo Ochoa a été contrôlé positif au clenbutérol. Il ne fut pas le seul mexicain mis en cause, puisque ses partenaires Francisco Javier Rodriguez, Edgar Duenos, Antonio Naelson et Christian Bermudez furent également contrôlés positifs au même produit. S’ils furent éconduit de la sélection mexicaine, ce qui ‘empêcha pas à la sélection de remporter le titre, leur suspension fut levée après que l’agence mondiale anti-dopage a finalement abandonné les poursuites à leur encontre. Toutefois, cette période trouble a conduit certains clubs européens à renoncer à s’attacher les services du portier qui a cédé aux sirènes ajacciennes faute d’alternatives.

[3] En italique, les champions olympiques.