Sponsoring. Et maintenant faire les poches aux supporters?

debats sports image par defaut
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A la fin du mois de mai dernier, le président des Bolton Wanderers, Phil Gartside annonçait avec un enthousiasme non dissimulé la conclusion d’un accord de partenariat entre son club et la société de prêts sur salaire, QuickQuid.



[colored_box color= »grey »]« Nous sommes très heureux d’accueillir QuickQuid comme notre principal partenaire. Au cours de nos discussions, il est apparu évident que les deux parties souhaitaient développer un partenariat qui concerne le club et sa communauté »[/colored_box]

La communauté avait bon dos. Après le bookmaker en ligne, 118BET, le maillot des Wanderers s’apprêtait alors à arborer le nom d’une compagnie connue pour ses pratiques douteuses et ses taux usuriers. Sur la page d’accueil de son site internet, la société propose une mise à disposition de liquidités sous 10 minutes (sic) à des taux mensuels initiaux de 25% auxquels s’ajoutent les intérêts qui s’accumulent sur une base quotidienne à un taux de 0,82%.

Dans un contexte économique difficile, l’annonce du contrat de sponsoring a soulevé les mécontentements des supporters du club du nord-est de l’Angleterre. Ces derniers ont structuré leur opposition autour d’une pétition en ligne exigeant du club qu’il abandonne l’idée de s’associer avec la société. Quelques 4452 signataires plus tard et le soutien d’élus locaux, les supporters avaient gagné leur bataille contre QuickQuid.

Le club a dénoncé l’accord et sera sponsorisé par FibrLec, une entreprise de Bolton spécialisée dans les énergies renouvelables.

Une victoire, loin d’être anecdotique.

La réussite des fans de Bolton donne une base matérielle pour les supporters qui voient saison après saison, leurs maillots affublés par les avatars de contrats de sponsoring et de projets marketing de moins en moins conformes à l’utilité première d’un maillot et toujours moins respectueux de l’identité des clubs.

Une expérience qui pourrait être mise à profit par leurs voisins de Newcastle.

En octobre dernier, Newcastle a signé un juteux contrat de 24 millions de livres sur 4 ans avec Wonga, une autre société spécialisée dans les prêts sur salaires.

Aussitôt, les supporters de Newcastle ont manifesté leur opposition, relayés par les joueurs musulmans de l’effectif[1]. La société de services financiers, Wonga qui pratique des taux pouvant aller au delà des 4000% s’affichera sur les maillots des coéquipiers de Yohan Cabaye à compter de la prochaine saison, en remplacement d’une autre société financière Virgin Money.

L’accord de partenariat ne se limite toutefois pas au simple sponsoring maillot puisque la société a également racheté les droits de naming du stade. En effet, depuis 2011 l’enceinte ne répond plus au nom de St Jame’s Park mais à celui de Sports Direct Arena, qui a, lui même, succédé à l’appellation à rallonge sportscenter.com @ St James Park stadium adoptée deux ans auparavant. L’idée dont la paternité revient à Mike Ashley visait à valoriser le contrat de sponsoring du club en intégrant le naming du stade.

Un appât qui a attiré Wonga et déclenché de virulentes critiques parmi lesquelles celles des élus locaux.

Abonné à St Jame’s Park, le député de la circonscription de Wansbeck, Ian Lavery a assuré qu’on ne le retrouverait plus dans les travées du stade si ce contrat de sponsoring n’était pas annulé, précisant que « Wonga fait des profits sur le dos des gens qui sont désespérés et qui sont les plus vulnérables dans la société« . Le président du conseil municipal de la ville, Nick Forbes, lui aussi abonné n’est pas plus tendre. « Je suis écœuré et consterné qu’ils signent un accord avec un usurier. Nous nous battons difficilement contre les usuriers légaux et illégaux. C’est une indication de la triste culture du but lucratif de Newcastle United ».

Face à la gronde grandissante, Wonga a annoncé qu’elle souhaitait voir St Jame’s Park reprendre son nom et qu’elle renonçait à y accoler son appellation. Contrairement à leurs homologues de Bolton, il s’agit certainement de la seule chose que gagneront les fans des Magpies. En attendant peut-être d’avoir à payer eux-mêmes le contrat de sponsoring ?

Faire payer les supporters

L’inventivité des services marketing n’a pas ou peu de limites. Après avoir vendu leur liquette aux plus offrants, les clubs commencent à développer l’idée d’un sponsoring par les supporters eux-mêmes. Voici venu le temps du « social sponsoring », d’une logique « bottom-up » qui renverse la verticalité du sponsoring classique pour un système en rhizome où chaque supporter peut-être un acteur (donateur ?) du sponsoring.

Non contents de faire payer ces derniers pour des maillots devenus supports publicitaires, il s’agirait désormais, au nom d’un sponsoring participatif de les faire passer à la caisse avant même qu’ils ne se rendent à la boutique.

On peut ainsi mentionner deux initiatives concernant deux clubs français parmi les plus populaires : le RC Lens et l’Olympique de Marseille.

L’expérience avortée de micro-sponsoring du RC Lens poussait la logique à son paroxysme en appelant au financement direct par les supporters. En échange d’une participation financière, ils pouvaient proposer un logo ou un slogan qui, s’ils avaient trouvé l’adhésion des internautes auraient figuré ponctuellement sur le maillot lensois. L’initiative n’a pas rencontré le succès escompté et n’est pas parvenue à rassembler les fonds espérés. (Lire le décryptage du Moustache FC sur la question)

Toutefois, l’opération fut l’opportunité pour les supporters du Racing d’adresser quelques messages explicites à leurs joueurs : « Mouillez-moi » et/ou de faire apprécier leur humour « Niko, Luka pariez sur nous ». Mais à 250 000 euros, la plaisanterie avait un prix prohibitif. L’initiative n’a pas trouvé son public et l’opération n’a permis de récolter que 5 280 euros. Si les instigateurs du projet ont voulu voir dans cet échec le poids du contexte économique, il convient d’interroger l’essence même de l’initiative. En échange de subsides, les supporters s’offraient la possibilité de faire figurer un logo, un slogan sur la tunique sang et or. Rien de plus. L’échec cuisant de cette initiative ne tient pas seulement au surdimensionnement des attentes mais surtout de la méconnaissance de l’adage fondateur de la démocratie représentative « no taxation without representation ». Alors que l’avenir du club artois était en suspens, le sponsoring participatif suggérait aux supporters de mettre la main au porte-monnaie sans pour autant être consultés.

L’expérience olympienne est différente. Elle s’inscrit dans la volonté de l’Olympique de Marseille de valoriser ses réseaux de supporters en permettant à des petites entités économiques de s’offrir un format publicitaire adapté à leurs besoins et leur budget. La cible n’est pas le supporter moyen mais le supporter entrepreneur qui peut espérer rentabiliser son association avec le club phocéen en obtenant de nouveaux clients.

Le sponsoring à la carte de l’Olympique de Marseille

Il ne s’agit pas de substituer le sponsoring classique par un sponsoring local et participatif mais d’étendre davantage encore le champ du sponsoring. Avec des offres à la carte, l’Olympique de Marseille a rempli son objectif. Le dos du short des joueurs olympiens sera orné du nom d’une entreprise face à Lille et Toulouse. Reste à savoir si Hervé Mathoux l’exhibera sur le plateau du Canal Football Club.


[1] Papiss Cissé, Cheick Tiote, Hatem Ben Arfa et Demba Ba, alors sous contrat avec Newcastle avaient annoncé leur refus de porter un maillot auréolé du logo d’une société pratiquant des taux d’intérêt usuriers en raison de leurs convictions religieuses. La question de la laïcité dans le football est un sujet fécond mais nous n’irons pas plus en amont ici. Rappelons toutefois qu’en 2006, à Séville, Frédéric Kanouté avait été autorisé à dissimuler le logo de la société de jeux et paris en ligne sponsor du club sévillan, puis à porter une tenue vierge.