Perry Jones III, l’homme qui tombait à pick

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Intervenant régulier sur Débats Sports, Anthony Dubourg commet un nouvel article sur l’actu NBA. Draftologue confirmé, Anthony nous livre son analyse sur un des aspects les moins mentionnés de l’intersaison d’OKC : la draft 2012 et en particulier son 28ème choix du premier tour, un certain PJ3. 



Derrière le spectaculaire transfert de James Harden à Houston se cache un autre événement bien moins mis en lumière dans l’intersaison des finalistes NBA : la Draft 2012.

Ne disposant que d’un 28ème pick, ou choix, à la grande messe annuelle, l’équipe dirigeante de l’Oklahoma s’attendait sûrement à récupérer un joueur de complément, à l’utilité restreinte au sein de leur effectif pléthorique. Ce n’est pourtant pas d’un chauffeur de banc dont la franchise a hérité, loin de là…

C’était le fil rouge du 1er tour de la cérémonie du 28 Juin dernier : Mais qui va enfin se décider à prendre Perry Jones the third ?

Spécimen athlétique hors du commun, l’ailier fort mesuré à 6’11 pieds, possède ce que les américains appellent « the whole package ». Capable de shooter, de passer, de dribbler et de courir comme un arrière ou un ailier shooter, son physique extraordinaire peut lui permettre de réaliser des dunks tonitruants tandis que ses longs segments sont un outil indispensable pour devenir un contreur et un rebondeur de premier plan, domaines dans lesquels il demeure encore perfectible. Le plus effrayant chez ce profil atypique, c’est précisément que l’ensemble de ce skill-set, son éventail de talents, n’est pas encore abouti. Si ses capacités à marquer de différentes manières et ses capacités de meneur (passe et handle) sont déjà solides, elles peuvent encore être perfectionnées ce qui ferait de ce prospect de seulement 21 ans un joueur unique dans la grande ligue.

Atypique, il l’est aussi hors du terrain et c’est là que le bat blesse. Considéré par le scout Jonathan Givony comme l’un des jeunes les plus gentils que ce professionnel ait rencontré, Perry Jones III demeure encore un peu jeune mentalement. Il a ainsi avoué lors d’une interview pré-draft, étape importante de sélection des jeunes pousses, qu’il serait rentré chez lui regarder des dessins animés il y a encore un ou deux ans plutôt que d’aller travailler son jeu après les entrainements…

Outre la révélation en elle-même, il s’agit d’un révélateur de sa sincérité et de sa naïveté puisqu’un tel aveu fait baisser sa cote et ses futurs revenus dans un pays où le dollar est roi.

Cette authenticité juvénile et très peu stratégique dénote parmi les témoignages travaillés de ses comparses, conseillés par leurs agents, qui à la question « votre plus gros défaut ? » répondent « le perfectionnisme » …quand le micro est allumé.

Mais surtout, plus que de ses habitudes de travail peu professionnelles, Jones souffre d’un cruel manque de confiance en lui. « L’un des joueurs avec le moins d’égo que j’ai rencontré », dixit Givony, ne réalise tout simplement pas à quel point il peut être bon. Ne prenant pas conscience de ses capacités à avoir de l’impact sur un match et de la manière de le faire, il en a résulté à l’université des moments d’absence sur le terrain. Jones détonne dans le monde professionnel de haut niveau tant la confiance infinie de ses homologues, nécessaire pour devenir un champion, manque chez le jeune homme. Sans doute la raison majeure, avec les rumeurs de problème de genou, qui a causé sa chute lors de la Draft 2012.

Pourquoi alors tant d’enthousiasme autour de ce joueur, certes parmi les 5 meilleurs de la draft sur le plan du talent pur, si sa motivation à devenir le meilleur est si basse et son éthique de travail si douteuse ?

Pour une raison simple, l’environnement. Perry Jones serait devenu un bust s’il avait été choisi par les Celtics ou les Bobcats. L’ailier n’aurait jamais réalisé son potentiel dans l’océan de médiocrité et  l’absence de structure de Charlotte. Dans une autre logique, les coups de gueule de Garnett à son égard auraient entamé son faible capital confiance, à l’image d’un Kwame Brown qui ne s’est jamais remis de la période Jordan.

A la place, il est choisi en 28ème choix, donc sans pression, dans son équipe préférée, qui se trouve être une bande de copains de son âge.

Non content d’évoluer dans une ambiance bon enfant, ses nouveaux amis sont aussi des travailleurs acharnés avides de victoires qui se poussent les uns les autres pendant les trainings. Un esprit de compétition communicatif.

De plus, Kevin Durant, son joueur préféré a annoncé qu’il allait le prendre sous son aile et le rookie a révélé que ses coéquipiers, Harden en tête, lui demandaient toujours de shooter en 5 vs 5 à l’entrainement.

L’accumulation de confiance en soi se traduit déjà lors de la présaison.

Outre ses bonnes performances statistiques, c’est dans l’attitude que le changement est le plus éloquent. Soft en NCAA où il était systématiquement battu à la prise de position poste bas, il a montré une agressivité au rebond mais aussi au boxing out, domaine dans lequel il brillait par ses oublis par le passé. Le jeune ailier fort a également laissé entrevoir les prémisses d’un jeu poste bas en y prenant la position et en convertissant quelques hook-shots. Plus généralement, il a montré une implication sur chaque phase de jeu qu’on ne lui connaissait pas jusque là. Si l’on ne peut aller jusqu’à parler de killer instinct, tous les indicateurs sont au vert et un changement d’état d’esprit aussi rapide est des plus encourageants.

En résumé, Perry Jones III peut devenir ce que le joueur et la franchise veulent qu’il soit.

L’intéressé s’est dit prêt à faire tout ce que l’équipe lui demanderait. Où l’on reparle des avantages d’un égo sous-dimensionné…

Pouvant se concentrer sur le shooting et les pénétrations en sortie de banc, voire un peu de création de jeu, à la façon de James Harden, l’ancien Bear de Baylor peut également se développer sur un modèle de type Lamar Odom grâce à sa nouvelle combativité et axer son jeu sur le rebond, le travail au poste, avec des phases de shoot. Il pourrait tout aussi bien consacrer l’ensemble de son énergie à l’extinction de son adversaire direct, tant ses capacités physiques sont appropriées à un tel rôle. Ou encore est-il possible pour lui de devenir Perry Jones III, 6ème homme à tout faire et membre du nouveau Big Three du Thunder, qui allierait un peu de toutes ces compétences, soit le principal bénéficiaire du départ d’Harden, comme Serge Ibaka avec Jeff Green avant lui.

Et c’est Oklahoma City qui s’en frotte les mains.