David Beckham, une aubaine pour la Ligue 1 ?

debats sports image par defaut
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Le mercato hivernal est enfin clos. Les effectifs ne bougeront plus d’ici à la fin de la saison, le terrain reprend donc ses droits. Tout au long des 31 jours de ce mercato qui excède chaque année son rôle de marché d’ajustement, les analyses étaient unanimes. Les départs marquaient le sceau de la dépréciation de notre championnat. Mais les indignations sur l’exode d’une pléiade de jeunes talents vers des contrées diverses sont désormais éclipsées par l’arrivée de David Beckham au PSG. Les mêmes commentateurs, sans que l’on sache s’il s’agit d’une composante de leur fond de commerce ou le produit de leur mode de pensée, sur-interprétent la signification sportive et économique des arrivées et des départs.



Ainsi, la Ligue 1 pillée de ses joyaux redeviendrait attractive sous l’effet de la signature pour 5 mois de David Beckham au Paris Saint Germain. Le britannique non content de faire rejaillir sa popularité au-delà du monde du football sur son club, diffuserait son rayonnement planétaire à l’ensemble de la Ligue 1. A cet effet, on ne résiste pas à la tentation de vous recommander la prose de Thiriez, tout en nuance.

[colored_box color= »blue »] »C’est un vrai feu d’artifice dans le ciel un peu morose de ce mercato d’hiver. Et en plus un feu d’artifice qui ressemble aussi à un coup de cœur puisque Beckham a annoncé qu’il reverserait tout son salaire à des œuvres caritatives. Vous savez, il faut 3 ingrédients pour réussir un grand championnat. Il faut des buts, du suspense et des stars. Les buts, on les a puisqu’on a le meilleur record depuis dix ans. Le suspense, vous le voyez toutes les semaines. C’est incroyablement serré en tête du classement. Les stars… avec Zlatan et Beckham, on ne dira plus jamais qu’il n’y a pas de stars dans le championnat de France. Le monde entier va regarder l’aventure de Beckham à Paris. Ça va gonfler les affluences dans les stades, les audiences à la TV, à la radio, à l’international. Grâce à Paris, la France va franchir une nouvelle dimension dans le foot ».[/colored_box]

Si vous ne l’étiez pas, cet extrait ne manquera pas de vous convaincre de l’existence (et visiblement de la consommation) de substances plus nocives et dangereuses que les engins pyrotechniques contre lesquels Thiriez et sa clique sont partis en guère.

La signature de l’ancien joueur des Los Angeles Galaxy a inversé le sens des analyses de ce marché hivernal. Frédéric Thiriez n’est pas le seul à voir dans la présence du milieu anglais l’origine de futurs bénéfices substantiels pour l’ensemble des acteurs de Ligue 1. Naturellement, l’éventuelle présence de David Beckham au stade de l’Aube attirera la curiosité. Mais qu’en est-il sur le plan des  répercussions économiques annoncées pour le football hexagonal? Le président de la LFP et nombre de commentateurs identifient trois sources de valorisation collective de la présence de Beckham en Ligue 1.

1 – L’augmentation des affluences dans les stades.

Sans présumer des possibles flottements des analyses du président de la Ligue, on suppute qu’il se contente à voir dans la figure de Beckham un vecteur d’attractivité pour les matchs disputés par le PSG. Il est en effet peu probable que Marcel Picot se garnisse pour la réception de Reims sous l’effet de la présence de Beckham à Paris, pas plus que les supporters stéphanois qui se déplaceront en Champagne la semaine suivante le feront en raison de l’appréciation du championnat consubstantielle à la signature du nouveau n°32 du PSG. Dès lors, seuls le PSG lui-même et les clubs qui accueilleront le club de la capitale pourront jouir de tous les bienfaits de la présence de ce « vrai feu d’artifice ». Rappelons que David Beckham ne reprendra l’entraînement que le 13 février et que son contrat expire en fin de saison. Les supposés heureux bénéficiaires de la signature de David Beckham se nomment donc : Sochaux, Reims, Saint-Etienne, Rennes, Troyes, Evian TG, Lyon et Lorient. Et sauf à voir une de ces équipes recevoir le PSG en quarts ou en demies finales de la Coupe de France, ils devront se contenter d’une seule occasion de tirer les bénéfices de la venue de Beckham. Rappelons enfin, que le PSG n’a pas attendu l’arrivée du britannique pour faire recette. Déjà, les stades sont pleins sans Becks dans le groupe francilien.

On pourra toujours demander à la Fédération Française de Football de tester l’hypothèse de « l’effet Beckham » en programmant un match du PSG en semaine à 14h comme ils le firent pour la rencontre entre Nice et Nancy en Coupe de France. Histoire d’identifier les principaux facteurs explicatifs des affluences dans les stades de l’hexagone. On n’est pas convaincu que le facteur « Beckham » annihile le facteur « horaire ».

2 – L’amélioration des audiences télévisuelles.

Admettons que David Beckham s’impose dans le milieu de terrain francilien et qu’il dispute une part substantielle des rencontres du PSG, son aura qui conduirait l’observateur lambda à se passionner pour les rencontres du club de la capitale, irait-elle jusqu’à placer ce téléspectateur dans un état euphorique (à la Thiriez) qui en ferait un consommateur assidu des retransmissions des rencontres de l’ETG ?

Quand bien même nous serions prêts à admettre l’hypothèse d’un afflux de nouveaux abonnés à Canal + ou à Bein Sport épris de la volonté de ne pas manquer la moindre seconde de la présence du britannique dans notre championnat, cela aurait-il pour conséquence de drainer davantage de monde devant les matchs de l’ESTAC, qui depuis le début de saison déploie un football de très bonne facture sans attirer l’attention de la chaîne cryptée ?

Les nouveaux venus à la Ligue 1 se laisseraient-ils convaincre que les Benjamin Nivet, Gaël Danic, Eden Ben Basat, Löic Perrin, Julien Ferret ou autres Yohan Jouffre sont de très bons footballeurs ? Resteront-ils des afficionados de notre championnat le jour où David Beckham ne sera plus un joueur de football mais l’égérie de celui qui voudra bien sortir le chéquier ? Il est permis d’en douter mais on ne voudrait pas ternir l’optimisme de la direction du football français.

Que le patron du football français se montre excessivement enthousiaste peut être une stratégie de communication maladroite de promotion de son produit. Il est nettement plus inquiétant que celui qui est sensé négocier les droits télévisuels du football hexagonal feigne d’en méconnaître les modalités de fonctionnement. Peut-être Thiriez a t-il oublié, ou cherche t-il à faire oublier qu’avec un nouvel acteur sur le marché, il n’a pas été en mesure de maintenir les droits télé de ses compétitions au même niveau que lors de la précédente négociation ?

Malgré les annonces récurrentes en ce sens, le rachat du club de la capitale par des investisseurs qataris et la création de Bein Sport n’ont pas eu pour conséquence de booster les droits télé du football français. Tout juste, cela a contribué à en limiter la dépréciation. Pour la période 2012-2016, les droits télé négociés par Thiriez en personne se sont dépréciés de 61 millions d’euros.

L’arrivée de Beckham pour 5 petits mois n’aura absolument aucun impact sur la capacité de négociation des représentants du football français avec les grands médias intéressés. Les négociations ne débuteront que fin 2015, soit trente mois après le départ de Beckham de notre championnat…

3 – L’augmentation de l’attrait international pour la Ligue 1.

L’arrivée de Beckham dans le championnat de France n’aura donc aucun effet significatif sur le taux de remplissage des stades contrairement à un rétablissement du football le samedi, pas plus que sa présence n’aura pour incidence une augmentation des droits télévisuels domestiques. Le salut passerait alors par la revalorisation des droits à l’international de notre pas si chère Ligue 1.

Actuellement, les droits internationaux de l’élite du football hexagonal sont valorisés à 31,5 millions d’euros. Une somme qui avait valu une première session d’optimisme débordant d’un Frédéric Thiriez qui alors qu’il venait de perdre 61 millions d’euros se gargarisait d’en avoir gagné 14 à l’international. Sans oublier que pour compenser cette baisse, BeinSport s’est engagé à verser son du de manière dégressive. Qu’importe.

La présence de David Beckham dans le championnat serait-elle à même de renverser cette tendance en contribuant à une revalorisation substantielle des droits de la Ligue 1 à l’export ?

Prenons l’estimation du non moins enthousiaste, Jean Michel Aulas. Pour le président de l’Olympique Lyonnais, peu avare de commentaires en ce qui concerne l’économie du football français, salue l’arrivée de Beckham à Paris.

[colored_box color= »blue »] »L’arrivée de Beckham à Paris aura un effet de levier sur les droits TV internationaux. Les Anglais touchent 700 millions, la France gagne 30 millions, on devrait logiquement doubler cette somme. Beckham sera progressivement une vitrine fantastique pour l’exposition de la L1. »[/colored_box]

Espérons que Beckham ne traîne pas à devenir « une vitrine fantastique pour l’exposition de la Ligue 1″, parce qu’ils ne sera plus là dans 14 journées…Mais en admettant que la prospective de Jean Michel Aulas s’avère exacte, le « vrai feu d’artifice dans le ciel un peu morose de ce mercato d’hiver (…) grâce auquel la France va franchir une nouvelle dimension dans le foot », générerait 30 millions d’euros supplémentaires. Soit à peine 1,5 million d’euros pour chacun des clubs de Ligue 1. Or avec une distribution proportionnelle aux résultats, le bénéfice serait inférieur au million pour l’essentiel des clubs hexagonaux. Un peu léger pour entrer dans une nouvelle dimension. Pire, il est permis de douter de l’explosion des droits internationaux de la Ligue 1 sous le seul effet « Beckham ». Pour s’en laisser convaincre, il suffit de se poser la question suivante. Ai-je souscrit un abonnement à la MLS suite à la signature de David Beckham au Los Angeles Galaxy ?

Le curieux attiré par la présence de la figure de mode sur les terrains de Ligue 1 pourrait être déçu du spectacle. Dans un championnat si déséquilibré sur le plan des moyens financiers, quel observateur international noyé sous les diffusions de rencontres de football serait susceptible d’être épris de passion pour les adversaires du PSG, qui depuis le début de la saison à de rares exceptions près (Saint-Etienne, Rennes, dans une moindre mesure Lille) n’ont eu de choix que de bétonner (Ajaccio, Bordeaux) ou de se faire étriller ? Après avoir regardé deux matchs du PSG (avec ou sans Beckham), l’observateur dépassionné de la Ligue 1 se prendra t-il au jeu de se plonger dans le « derby » de la Garonne ?

Naturellement, la signature de David Beckham relève d’une magistrale opération marketing du PSG. Mais contrairement à ce que semblent vouloir nous faire croire, Frédéric Thiriez, Jean Michel Aulas et de nombreux commentateurs, les recrues du PSG servent les intérêts du PSG.

Comme nous l’expliquions en exhortant l’AS Monaco à recruter le milieu britannique, David Beckham est le paravent idéal au Fair Play Financier à venir. Sa présence suffit à garantir des contrats de sponsoring survalorisés. Meilleur support publicitaire et principal atout dans la commercialisation des maillots et autres produits dérivés, David Beckham sert de caution au nouveau contrat de sponsoring maillot que s’apprête à signer le Paris Saint-Germain avec Fly Emirates.

Que la signature de David Beckham soit un palier supplémentaire dans la consolidation du projet hégémonique du PSG ne fait aucun doute. Que cela serve les intérêts du PSG, ceux de ses actionnaires et de ses supporters, c’est une certitude. Que sa présence en Ligue 1 se traduise par des bénéfices pour tous, seuls les tenants de la théorie de la stabilité hégémonique y croient. Les autres…