Philadelphie 76ers : Le titre pour quand ?

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Intervenant régulier sur Débats Sports, Anthony Dubourg commet un nouvel article sur l’actu NBA. Draftologue confirmé, Anthony nous livre son analyse sur l’avenir des Philadelphia Sixers. 



Andrew Bynum, clé de voute du projet

Le trade d’Andre Iguodala a annoncé la couleur en Pennsylvanie, la star de l’équipe sera désormais Andrew Bynum. Les 76ers se sont ainsi adjugés le (2?) meilleur pivot de la ligue.

Trois risques demeurent cependant.

La première inconnue réside dans les genoux du géant.

Titulaire d’un abonnement prestige à l’infirmerie, le baobab fait d’ailleurs valoir ce précieux sésame depuis son arrivée dans sa nouvelle équipe, arborant pendant son rétablissement de beaux costumes sur le banc…ainsi que des coiffures qui ne nous regardent pas.

Plus sérieusement, compte tenu de ses nombreux précédents en matière de genoux, une trajectoire à la Ralph Sampson ne peut être totalement écartée pour le moment. Très peu spectaculaire, la signature de kinés de renom pourrait être cruciale pour les ambitions de la franchise, tant ils peuvent faire des miracles. Si les plus brillants de la profession s’illustrent dans l’Arizona, les exemples à ne pas suivre sont encore plus éloquents. Greg Oden, qui n’a pas bénéficié d’un suivi suffisant lors de ses rééducations, en sait quelque chose. Ne réalisant pas les mouvements quotidiens correctement, celui qui devait devenir le nouveau pivot dominant de la NBA ne s’est jamais vraiment remis de ses blessures et c’est Portland qui s’en mord les doigts aujourd’hui.

Des doutes encore plus d’actualité depuis samedi, lorsque Bynum a révélé souffrir du deuxième genou en raison d’une partie de bowling mal négociée…

Le second point noir est d’ordre contractuel. L’ex-Laker n’a signé aucune prolongation avec sa nouvelle direction. Le statut tant convoité de franchise player attire sans aucun doute le géant aux dents longues mais encore faut-il qu’il l’expérimente et que la sauce prenne. Une seconde question étroitement liée à la première et dont les débuts de réponse ne surviendront pas avant le rétablissement de la nouvelle star de Philadelphie prévu en décembre janvier… pour le moment.

La dernière question qui agite la franchise du légendaire Dr J est la capacité du jeune Andrew à endosser le rôle de franchise player. Troisième option offensive aux Lakers, dans un système reposant largement sur le « pass to Kobe »,

le pivot va devoir s’affirmer dans une équipe qui va chercher à exploiter l’avantage qu’aura le néo-Sixer quasi-systématiquement sur ses adversaires directs en le gavant nourrissant de tickets-shoots. La première menace offensive attirant les défenses, Bynum devra améliorer sa qualité de passe et sa vision du jeu pour tirer profit des prises à deux, et plus généralement des systèmes défensifs, qui ne manqueront pas d’être utilisées pour le faire déjouer.

Si l’on peut dire que l’acquisition d’Andrew Bynum est une décision judicieuse, c’est que la forte présence intérieure que le pivot apporte de Californie s’accorde parfaitement avec l’architecture d’une formation qui comporte de nombreuses gâchettes longue distance, telles que Jason Richardson, Nick Young ou Jrue Holiday, qui seront les premiers à bénéficier du transfert. Profitant d’un démarquage dû aux prises à deux et autres aides défensives provoquées par le pivot, le travail des extérieurs n’en sera que plus aisé.

Le principal obstacle qui se pose à la réalisation de ce scénario idyllique est la mentalité du premier concerné. En se concentrant sur la raquette, le bibendum a l’occasion de mener son équipe loin en playoffs, comme Olajuwon et ses Rockets, ou Howard avec le Magic par le passé. Cependant, Bynum a fait montre d’une certaine indiscipline, certes sous Mike Brown, à la fin de sa carrière de Laker. Pour rappel, le jeune Andrew s’était écarté du cercle pour lancer quelques banderilles à trois points,

soucieux de prouver que lui aussi en était capable. Malgré la réprobation du coach, le néo-Sixer avait persisté et signé en conférence de presse en annonçant qu’il continuerait à tenter sa chance derrière l’arc quand l’envie lui prendrait.

Ces considérations d’égo tranchent radicalement avec la philosophie du collectif prônée par Doug Collins en Pennysylvanie. Si l’organisation devrait inciter le nouveau venu à s’intégrer dans le moule, et à rester dans la raquette, pour le bien de l’équipe, elle doit tenir compte du deuxième point que nous avons soulevé.

Recadrer sa star, c’est aussi prendre le risque de la froisser et la laisser filer alors qu’elle est en fin de contrat cet été. Il sera intéressant de voir comment Philadelphie tranchera ce nœud gordien.

Au-delà du jeu, Bynum doit gagner en maturité et devenir un leader en insufflant au groupe l’esprit de la gagne. Dans le cas contraire, les comparaisons avec Demarcus Cousins, sur le plan mental, seront des plus justifiées. Fort heureusement, les Sixers ne visent pas le titre dès cette saison, ce qui laisse au géant, s’il prend  la décision de poser ses valises définitivement à Philadelphie, le temps de travailler sur son aura.

Un effectif déjà fourni

Si l’alternance intérieur-extérieur est privilégiée, les Sixers devront également compter sur des menaces de premier plan sur les lignes arrières.

Mais, et c’est sûrement le premier motif de satisfaction, Bynum n’est pas la première pierre posée à l’édifice d’une équipe aux plus hautes ambitions. Le socle auquel est venu s’ajouter le géant est talentueux et prometteur et plusieurs visages du groupe émergent déjà comme des cadres présents et futurs de l’équipe.

Le patron des 76ers se nomme désormais Jrue Holiday. Le meneur de jeu a une trajectoire des plus atypiques. Habitué à jouer au poste 2 à UCLA, Holiday sort de l’université avec beaucoup de détracteurs pointant du doigt son incapacité à organiser le jeu. Tweener, dans la mesure où il est coincé entre les postes 1 et 2, le jeune homme ne possède en plus pas de tir à trois points. Devant ces lacunes, les lottery teams ne se bousculent pas au portillon pour récupérer le meneur. Ce dernier échoit aux Sixers doté du 17ème pick. Dans le jargon draftologique, un steal est un joueur qui tombe bas, voire très bas, relativement à sa valeur réelle et le moins que l’on puisse dire, c’est que le ‘petit’ Jrue correspond à la description.

Et pour cause, les qualités de ce jeune prospect n’étaient pas nécessairement visibles à première vue. QI basket, éthique de travail, altruisme et mentalité de gagnant étaient pourtant les principaux atouts de l’arrière repositionné meneur, ces atouts même qui l’ont conduit à surpasser très largement, avec le temps, la majorité des espoirs ayant serré la main de David Stern avant lui lors de la cérémonie de la Draft.

Si son acquisition revient au flair des scouts de l’organisation, sa progression a été facilitée par les encouragements d’un Doug Collins qui n’a pas hésité à lui confier des responsabilités à un poste qui n’accorde pas toujours de nombreuses minutes aux jeunes inexpérimentés, surtout quand ils ne sont pas meneurs de formation.

Après un été passé à travailler sur son jeu en compagnie du fils de Doug Collins, assistant coach, la progression fulgurante du basketteur de 22 ans connait un nouveau saut qualitatif en ce début d’exercice 2012-2013. Les neufs premières rencontres de la saison rendent leur verdict : 19,1 points (17ème NBA) à 45,3% et 8,6 passes (4ème NBA), soient trois records en carrière pour le moment. Citons, pour mesurer l’étendue du travail accompli, les statistiques de la saison passée : 13,5 points à 43,2 % et 4,5 passes.

Sur le plan du jeu, on peut également constater des évolutions notables.

Essuyant des reproches sur la frilosité de son jeu, Holiday ne rechigne désormais plus à pénétrer et à provoquer des fautes. La hausse de ses points et pourcentage résulte avant tout de tirs pris plus près du cercle et des lancers-francs supplémentaires. Une autre raison tient dans la spectaculaire amélioration de son tir à trois points,  dont le pourcentage de réussite culmine après ses 9 premiers matchs à 44,8 % contre 38 % l’an passé.

Cerise sur le gâteau, les tirs longue distance effectués par le jeune homme ne le sont généralement pas sur catch-and-shoot mais après un dribble, preuve qu’il sait se créer son shoot. Enfin, ses progrès ne l’ont pas encouragé à délaisser sa marque de fabrique, la défense toujours intraitable qu’il impose à son adversaire direct et la pression mise sur le porteur de balle.

En résumé, ce début de saison marque clairement l’intégration de Jrue Holiday dans le gotha des meneurs NBA qu’il ne devrait plus quitter, compte tenu de son investissement dans le perfectionnement de son jeu.

L’autre homme fort de Philadelphie a connu un itinéraire bien différent du quatrième année de 22 ans. Auréolé du titre de meilleur joueur universitaire, Evan Turner bénéficie du label officieux de joueur le plus NBA-ready lorsqu’il se présente à la Draft. Il suscite même un débat entre analystes pour savoir qui de l’arrière ou de John Wall doit être pris avec le premier choix par Washington. Au milieu de ce tohu-bohu que l’on nomme hype, une poignée d’observateurs, les plus avertis, s’échinent pourtant à prévenir qu’une année rookie compliquée est envisageable pour l’ancien Buckeye d’Ohio State, habitué à avoir systématiquement la balle dans les mains et quelque peu déstabilisé quand une pression trop forte du défenseur sur le ballon se fait sentir. Un avis expert vaut toujours mieux que dix avis à l’emporte-pièce. Sélectionné en seconde position par une équipe de Philadelphie dans laquelle le porteur de ballon établi est Andre Iguodala, Evan Turner fait l’amère expérience de cette maxime et rend une copie 2010-2011 indigne d’un deuxième choix de Draft, malheureusement souvent maudit dans le passé récent (Hasheem Thabeet, Michael Beasley, Derrick Williams).

La saison sophomore, deuxième année, de l’arrière-ailier n’est pas non plus des plus impressionnantes sur le plan statistique. Cependant, le Sixer y connait ses premières belles performances. Bien que le tir longue distance demeure une lacune gênante dans son arsenal offensif, Turner y poursuit l’apprentissage du jeu off the ball, sans ballon, dans l’optique de trouver un nouveau moyen de se rendre utile pour ce point-forward dans l’âme.

Son entraineur l’a déclaré, Evan Turner doit s’imposer comme un leader de l’équipe cette année. Dans l’ombre de Lou Williams et d’Andre Iguodala par le passé, l’arrière de 24 ans se voit confier de nouvelles responsabilités au scoring qui lui permettent de se révéler comme le joueur d’impact que tout Philadelphie attend qu’il soit.

Mais pour donner la pleine mesure de son potentiel, son compère Holiday, premier bénéficiaire du départ de AI dans la création du jeu, a obligation de partager le ballon. Fort de ses progrès off-the-ball, Turner n’est jamais aussi fort que quand il sent le cuir entre ses mains. Un changement loin d’être insurmontable tant le meneur ne pose pas de problèmes d’égo. De plus, dans une organisation qui prône le collectif, toute l’équipe profiterait d’un Evan Turner taille patron. De cette variable dépend peut-être un futur échec ou une future victoire en playoffs à l’avenir.

Derrière ces trois larrons viennent s’ajouter d’autres profils tous plus intéressants les uns que les autres.

En relais du cinq majeur, Thaddeus Young est le premier atout que Doug Collins a la possibilité de sortir de sa manche. Jouant aux deux postes d’ailier selon le besoin, l’ancien de Georgia Tech sait shooter comme se battre sous le cercle pour prendre un rebond ou marquer à plus haut pourcentage. Plein d’énergie, Thaddeus a la capacité d’altérer le cours d’une rencontre. S’inscrivant dans la lignée d’un Lamar Odom avant sa descente aux enfers, Philadelphie tient dans l’ailier de 24 ans sa première rotation intérieure et un véritable facteur X.

Le profil de Spencer affiche, pour sa part, une belle complémentarité avec Bynum sur le papier. Habitué à officier en tant que pivot en raison de sa carcasse imposante, le sympathique transfuge de Sacramento

est compétent quand il s’agit de s’écarter du cercle pour tenter sa chance de loin. Une arme extérieure supplémentaire de bon aloi si l’équipe se modèle sur le type du Magic de 2009 puisque sa qualité de passe est largement supérieure à la moyenne. Défensivement, le manque de mobilité pourrait être problématique. Cependant, l’entraineur est en mesure de colmater cette lacune dans le cadre d’une association avec le grand Andrew. Sa vitesse latérale étant trop faible, il suffirait alors d’assigner Hawes au pivot adverse, peu vif en règle général, du côté défensif du parquet tandis que la star des Sixers, bien plus rapide, se chargerait de tenir les ailiers forts, plus remuants. Une association qui sera sans nulle doute testée par Doug Collins avant la fin de la saison…si l’ancien Laker revient un jour de sa/ses blessure(s).

Enfin, Lavoy Allen fait peu à peu son trou en Pennysylvanie. Profitant des blessures lors de sa première saison, écourtée par le lock-out, le pivot au visage poupon s’est distingué par des performances prometteuses, surtout pour un poste au développement généralement long, établissant son record de points marqués à 15 unités et son record de rebonds à 12 prises. Il sera, à n’en pas douter, mis à contribution pendant le rétablissement du décidemment incontournable Andrew Bynum. Avec une année ou deux de plus, playoffs comprises, sous la ceinture, Lavoy a vocation à devenir un PJ Brown, ce genre de basketteur qui donne tout en sortie de banc avec une défense intraitable et un opportunisme de tous les instants sous le cercle adverse, que ce soit pour un rebond, un panier ou les deux. En définitive, le parfait remplaçant de la star de Philly dans la second unit pour tenir la raquette.

Les fans des Sixers peuvent avoir le sourire puisque ces jeunes pousses à l’avenir brillant sont tous appelés à rester à Philadelphie pour plusieurs années dans la mesure où ils sont juridiquement liés à la franchise pour encore plusieurs années.

Certains feront remarquer que trois basketteurs de talent ont été laissés de côté. Il s’agit d’un choix de notre part pour deux raisons différentes. Jason Richardson dispose encore d’un contrat de deux ans, mais son âge avançant, il n’y a encore aucune certitude quant à sa présence dans l’effectif quand celui-ci sera en mesure de se battre pour le titre.

Dorell Wright et Nick Young n’ont pour leur part paraphé un accord d’une saison seulement avec Philadelphie et leur avenir avec la franchise n’est donc pas assuré. Si le premier cité aura peut-être à cœur de se poser, le second risque d’être attiré par le plus offrant quand l’occasion se présentera, cet été, à l’instar de Lou Williams.

Tous trois sont des pièces extrêmement précieuses qui devront être correctement remplacées en cas de départ. Dans une équipe fondée sur une seule présence de poids, la menace offensive doit pouvoir venir de partout. Dans cette perspective, les 3 arrières/ailiers présentent la capacité à pénétrer comme à décocher des tirs extérieurs propre à rendre le jeu imprévisible et le projet de quête du Graal viable.

Les Sixers ne seront pas, sauf miracle, sacrés champions en Juin prochain. Mais leur parcours en playoffs sera déjà révélateur du potentiel de l’équipe. En outre, les batailles de mai permettent de solidifier un groupe en lui apportant une expérience commune. Outre la connaissance du jeu et des matchs à enjeux qu’on y gagne, la construction de l’alchimie passe par des combats à couteaux tirés comme lors de la série contre les Celtics, qui ont été repoussés jusque dans leurs derniers retranchements par les hommes de Pennysylvanie.

Encore encombré, l’horizon du titre se dégagera pour Philadelphie dans une ou deux années avec le retrait d’équipes telles que Boston, Los Angeles et San Antonio. A leur charge de s’engouffrer dans la brèche et de jouer les yeux dans les yeux, Andrew Bynum en tête, avec des formations comme Oklahoma City ou Miami, dont le poste de pivot est le point faible. Avec une équipe d’artilleurs autour de leur géant, les 76ers seront capables de battre n’importe quelle équipe sur une série de 7 matchs si tant est que l’adresse et la circulation de balle soient au rendez-vous.

En attendant leur heure, ils devront poursuivre leur progression, collective et individuelle, pour ne pas être des reines d’un soir, comme les Hornets de Chris Paul ou les Blazers de Brandon Roy avant eux.