Nanterre, récit d’une saison pas comme les autres

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Nanterre de folie



La saison avait bien mal commencé. Malgré dix-neuf points du shooteur longue distance Xavier Corosine, le CSP Limoges, promu, s’impose sur le parquet de la JSF Nanterre en ouverture de la saison et on s’attend alors à une saison difficile pour le club des Hauts-de-Seine. Auteurs d’une belle fin de saison 2012 pour leurs débuts en Pro A, les verts et blancs doivent tout reconstruire ou presque, avec seulement quatre joueurs de l’épopée poursuivent l’aventure (Judith, Brun, Passave-Ducteil, Corosine). Dans ces circonstances, comment viser autre chose que le maintien quand on possède l’avant-dernier budget de la division ?

L’effectif se complète au fil de la saison et le meneur Trenton Meacham (ex-Paris-Levallois) sort de sa retraite pour prendre les rênes de l’équipe, tandis que le vétéran Chris Massie (lui-même plus tard remplacé par Juan Palacios) intègre un effectif branché sur courant alternatif qui enchaîne exploits retentissants et défaites sans saveur.

A la faveur d’une bonne fin de saison, le club francilien se place dans la course aux playoffs et termine finalement 8è de la saison régulière, soit le dernier strapontin qualificatif. Un joli bonus pour le club dont la fin de saison se joue avant tout sur la Coupe de France, dont la finale se joue six jours après la dernière journée de championnat. Une défaite en finale plus tard contre le voisin du Paris-Levallois, c’est une fin de saison en roue libre avec deux matchs de playoffs de gala qui se profilent à l’horizon pour les joueurs et leurs supporters.

Un exploit en appelle un autre

Pourtant, en ouverture des playoffs, Nanterre fait sensation et s’impose chez le 1er de la saison régulière, Gravelines-Dunkerque (95-101 après deux prolongations). C’est plus qu’un simple coup d’éclat, puisqu’au match retour, les banlieusards rééditent leur exploit et passent 20 points à leur adversaire, poussés par 1600 supporters survoltés dans le chaudron du Palais des Sports Maurice Thorez. Buycks (MVP de la saison régulière), Vaty, Bokolo et Monschau (élu coach de l’année devant l’entraîneur nanterrien, Pascal Donnadieu) sont en vacances dès les quarts, éliminés pour la deuxième saison consécutive par le huitième de la saison régulière. L’exploit nanterrien est déjà unanimement salué.

Mais pourquoi s’arrêter là ? En demies, c’est Châlon et Blake Schilb qui font les frais de la furia nanterrienne en deux matchs secs. La France découvre David Lighty, auteur consécutivement de 25 points puis 27 points et 11 rebonds. Cet arrière américain de 25 ans, issu d’Ohio State et ancien lieutenant d’Evan Turner (Philadelphia Sixers) à l’université, joue pour la première fois dans une équipe dont il est l’option n°1 en attaque, et éteint Blake Schilb des deux côtés du terrain.

A la surprise générale, la JSF Nanterre se qualifie en finale et rencontre Strasbourg. Jouée jusqu’ici en un match unique, la finale se gagne désormais au meilleur des cinq manches et laisse ainsi moins la part au hasard. Le premier acte est toutefois sans suspense. Nanterre déjoue complètement est battu dans les grandes largeurs (89-55). La fin de l’état de grâce ? Au contraire, l’équipe se ressaisit et remporte les trois manches suivantes, dans un succès auquel chacun aura apporté sa pierre. Tout un symbole, le géant Ajinça (2m16) est dominé dans la raquette par Johan Passave-Ducteil (1m98), tandis que Jérémy Nzeulie, le dunker fou formé au club et peu habitué aux feux des projecteurs (3,2pts et 12min de moyenne en saison régulière) bat successivement ses records en carrière sur les deux derniers matchs de la finale (14 puis 17 points). Paris vibre en vert et blanc et c’est toute la France du basket qui se prend d’affection pour ce club attachant, dirigé par Jean Donnadieu et son fils Pascal depuis le 13è niveau national, qui aura successivement éliminé le coach de l’année (Christian Monschau), l’entraîneur champion de France (Gregor Beugnot) en titre, et enfin celui de l’équipe de France (Vincent Collet).

Et maintenant ?

Dès le lendemain de ce titre, on parle déjà de l’un des plus grands exploits du sport français en club. C’est une certitude. À force de travail, de talent, et surtout d’un état d’esprit exemplaire, les joueurs et le staff ont su repousser leurs limites et s’imposer face aux cadors du basket hexagonal en s’appuyant sur un jeu offensif débridé (44% à 3 points sur les huit matchs de playoffs) et une solidarité défensive exemplaire.

L’avenir s’inscrit toutefois avec de nombreux points d’interrogation. Comment conserver des joueurs qui seront largement sollicités à cette intersaison quand on paie son coach au minimum imposé par la convention collective ? Comment préparer l’Euroligue quand on a une salle de 1600 places alors que les textes imposent un minimum de 5000 ? Comment confirmer cet exploit sans se prendre les pieds dans le tapis alors que le club était encore en Pro B il y a deux saisons ? Autant de questions auquel le staff et les Donnadieu devront trouver les premiers éléments de réponse dès cet été. En attendant, saluons cet exploit et le coup de pouce médiatique qu’il aura généré pour le basket français.