L’énigme Jerian Grant

debats sports image par defaut
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Le 25 juin 2015, lorsque les Knicks ont acquis Jerian Grant via un trade avec Atlanta, les observateurs étaient unanimes : Phil Jackson et les Knicks ont réalisé une bonne affaire. En effet, le Zen Master venait de récupérer un joueur au profil et au potentiel intéressant en échange de Tim Hardaway Jr qui avait déçu lors de l’exercice 2014-2015, ne confirmant pas tout le potentiel qu’il avait laissé entrevoir lors de sa saison rookie. A la recherche d’un meneur depuis maintenant de longues années, les fans new-yorkais étaient confiants, certains pensant même que Grant était « le meneur du futur ». Quelques mois après et à quelques jours de la fin de la saison régulière, les stats de l’ancien meneur de Notre-Dame ne font pas rêver : 5.0 points, 1.8 rebonds et 2.3 passes de moyenne. Cependant, il serait injuste de faire le procès du rookie en ne se basant que sur ses statistiques, retour sur une première saison mitigée pour le meneur de 23 ans.



Sortant de quatre années de cursus universitaire à Notre Dame, beaucoup de scouts et d’observateurs pensaient que Jerian Grant pouvait apporter tout de suite en NBA, prospective notamment dûe à sa très bonne saison en tant que senior lors de laquelle le meneur tournait à 16.5 points et 6.7 passes de moyenne à 47% de réussite. Très athlétique, on s’imaginait très vite le rookie se faire une place dans la rotation des Knicks, dépourvue de vrai meneur. Cependant certaines personnes doutaient de sa complémentarité avec l’attaque en triangle; sa principale force étant le pick & roll, et son principal défaut demeurant son shoot à 3 points. Ses prestations en Summer League (11.8 PPG, 4.8 APG) et en pré-saison ont confirmé son potentiel et le choix de Phil Jackson : Jerian Grant a les qualités pour être le meneur titulaire des New York Knicks, notamment grâce à son profil différent des autres meneurs du roster. José Calderon, le meneur titulaire, n’a pas les qualités athlétiques pour défendre les autres meneurs NBA, et sa vision du jeu devient de plus en plus limitée et frustre beaucoup les fans. Quant à Langston Galloway, malgré une bonne première saison, il est plus considéré comme un combo guard de par ses problèmes de playmaking.

Lors de son premier match en NBA, contre les Bucks, Grant va nous montrer toute l’étendue de son talent, terminant avec 10 points, 5 passes et 3 interceptions en 24 minutes. Il a le rôle bien précis de mener la seconde unit, accompagné de Langston Galloway, Lance Thomas, Derrick Williams et Kyle O’Quinn. Derek Fisher voulant tirer le maximum de son banc, il décide de laisser plus de liberté au rookie, jouant beaucoup plus de pick & roll en laissant le triangle de côté la plupart du temps. Et ça marche.

Lors des premiers matchs de saison régulière, la vision du jeu et les qualités athlétiques du rookie permettent au banc des Knicks de dominer celui des équipes adverses. Mais très vite, ces dernières vont s’adapter. Se rendant compte des difficultés de Grant avec son jumpshot, les adversaires décident tout simplement de lui laisser plus d’espace, de passer systématiquement sous les écrans. L’objectif est simple : les défenses veulent le forcer à shooter et elles décident de ne plus se préoccuper de lui lorsqu’il n’a pas le ballon. Bien souvent accompagné sur le parquet par de piètres shooteurs comme Derrick Williams ou Kyle O’Quinn, le meneur ne profite pas d’un vrai spacing provoqué par ses coéquipiers afin de pouvoir pénétrer et perturber la défense adverse. Le coaching staff et plus particulièrement Derek Fisher ont donc leur part de responsabilité dans les difficultés du rookie. En effet on aurait bien voulu le voir plus souvent associé à une raquette composée de Carmelo Anthony et Kristaps Porzingis, qui permettraient à Jerian Grant de pouvoir pénétrer bien plus facilement, et on a vu sur de courtes séquences que le pick & pop Grant/Porzingis ou Grant/Anthony était très efficace, mais les trois joueurs ont été très rarement alignés sur le parquet en même temps.

N’étant plus aussi productif qu’en début de saison, Derek Fisher décide de lui donner moins de minutes en sortie de banc. Durant le mois de décembre et janvier, Jerian Grant ne va jouer qu’à huit reprises plus de 20 minutes sur 31 rencontres possibles. Fisher va également se permettre de ne pas le faire jouer du tout lors de plusieurs de ces matchs. Même en perte totale de confiance, il est difficile de comprendre comment le coach des Knicks ne peut pas lui donner plus de temps de jeu, et ce pour plusieurs raisons : tout d’abord la concurrence à son poste n’est pas relevée, si le rookie a du mal à être régulier dans ses performances c’est aussi le cas de Galloway et Calderon, notamment ce dernier qui est fortement critiqué. Ensuite car New York est toujours l’équipe qui marque le moins de points en contre-attaque et qui effectue le moins de drive vers le panier par match, et ce sont là les deux principales qualités du jeune joueur. Enfin car l’entraîneur des Knicks se plaint énormément du manque de joueurs athlétiques dans le roster, il ne peut donc pas se permettre de faire si peu jouer Grant.

Même si l’efficacité du joueur est au plus bas au mois de Janvier (-11.7 de Net Rating sur la période), il s’illustre le 12 janvier dans une superbe victoire contre les Boston Celtics (120-114). Privés de Carmelo Anthony et Kristaps Porzingis dans le dernier quart-temps, les Knicks doivent cette victoire en grande partie au talent de l’ancien joueur de Notre Dame.

Complètement libéré en fin de match, Jerian Grant va terminer la rencontre avec 16 points et 8 passes sans perdre le moindre ballon. Les médias new-yorkais et ses coéquipiers vont saluer cette magnifique performance :

« Il attendait ce moment, il était prêt. Il a joué sans peur ce soir. » Kristaps Porzingis

Malheureusement Grant va avoir du mal à surfer sur cette performance, connaissant une période très difficile jusqu’au All-Star Game, avec notamment des temps de jeu encore très inégaux d’un match à l’autre, sans oublier le licenciement de Derek Fisher et l’arrivée de Kurt Rambis aux commandes de l’équipe. Le nouveau coach des Knicks ne semble pas être fan du rookie puisqu’il ne le fait pas jouer lors de 3 de ses 5 premiers matchs, préférant miser sur le vétéran Sasha Vujacic. Un choix encore très discutable de la part du coaching staff des Knicks, car si l’équipe avait encore des ambitions au moins de décembre, elle n’en a plus une seule après le All-Star Game, si ce n’est développer les quelques jeunes joueurs du roster.

Kurt Rambis a t-il déjà perdu tout espoir en Jerian Grant ? Ou a-t-il tout simplement une gestion désastreuse de son effectif ? La seconde option semble la plus logique, puisqu’on ne peut pas imaginer que Phil Jackson, qui est en communication tous les jours avec Kurt Rambis, préfère faire jouer un vétéran qui n’a aucun avenir avec l’équipe et qui n’apporte rien sur le terrain au détriment d’un joueur drafté au premier tour il y a moins d’un an. Contrairement à Derek Fisher, le nouveau coach des Knicks décide d’être bien plus fidèle à l’attaque en triangle, et lorsqu’il rentre en jeu Jerian Grant se retrouve obligé de jouer beaucoup sans ballon, et de ne pas utiliser sa principale force : le pick & roll. Tout cela se ressent dans les stats : depuis l’arrivée de Kurt Rambis (soit 18 matchs), Grant en a joué 15, et a disputé moins de 15 minutes à sept reprises. Il est difficile de critiquer le rookie sur cette période, tant il a été amené à jouer très peu, tant le contexte new-yorkais (changement de coach, systèmes, médias) est compliqué, et tant la gestion des rookies (Kristaps Porzingis compris) de la part du nouvel entraîneur est désastreuse. Ce dernier n’hésite pas à faire des sorties médiatiques peu flatteuses envers les deux jeunes joueurs, et lorsque Grant est sur le terrain Rambis le remet sur le banc à la moindre erreur. L’ancien assistant de Derek Fisher envisageait même d’envoyer le jeune joueur en D-League il y a quelques semaines. Malgré tous ces obstacles, le neveu de Horace Grant continue d’apporter et de se battre comme en témoigne sa récente sortie face aux Kings où il a terminé avec 14 points, 2 passes et surtout 27 minutes de jeu. De bonne augure pour la suite ?

Il semble tout de même encore difficile de parler de l’avenir de Jerian Grant, tout d’abord pour toutes les raisons citées au-dessus, mais encore plus suite à la récente signature de Tony Wroten. Même si l’ancien joueur des Sixers ne jouera pas de la saison, il apportera de la concurrence en plus sur les lignes arrières la saison prochaine, avec un profil quelque peu semblable à Jerian Grant : joueur athlétique, capable de finir près du cercle grâce à son explosivité mais aussi en grande difficulté avec son tir longue distance. Il demeure tout de même que Tony Wroten est plus considéré comme un combo guard, la distribution de la balle n’étant pas son plus grand atout. La concurrence pourrait même s’élever cet été, car New York va certainement être très actif sur le marché des agents libres, avec notamment des joueurs comme Mike Conley ou Evan Turner qui sont déjà dans le viseur de la franchise.

S’il est encore bien trop tôt pour tirer un trait sur Jerian Grant ou le cataloguer comme une réelle déception, ce dernier ne devra pas tarder à s’affirmer dans cette équipe s’il ne veut pas rejoindre la longue liste des joueurs draftés par les Knicks qui n’ont jamais su se faire une place au sein de la franchise ces dernières années. La patience n’ayant jamais été le mot d’ordre à Big Apple.

Article rédigé par Antoine (@Hantwane_) de @Knicksfr