Le spectacle fût total

debats sports image par defaut
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Ce qu’il y a d’incroyable avec le Superbowl c’est qu’on a toujours l’impression que c’est le meilleur match de l’année. Certes l’ambiance autour de l’événement explique peut-être cela, de même que le show de la mi-temps, mais en ne tenant compte que des performances des joueurs sur le terrain et du scenario du match, on ne peut que constater que nous avons eu affaire à un match exceptionnel.



Les américains sont doués pour enrober avec strass et paillettes quelque chose d’indigeste, mais force est d’admettre que l’événement planétaire de dimanche soir a tenu toutes ses promesses. On aurait pu craindre un match à sens unique, puisque les 49ers partaient favoris chez tous les bookmakers, mais bien au contraire, le « petit » est sorti vainqueur. Tout comme l’année passée les Giants avaient une nouvelle fois corrigé  les Patriots.

Une remontée (vaine) fantastique, un blackout de trente minutes, un duel fratricide entre coachs, la fin de carrière de Ray Lewis, pourrait-on rêver un cadre plus idéal pour disputer une grande finale. Surtout que malgré deux équipes portées avant tout sur la défense, celles-ci ont toutes deux dépasser les trente unités, ce qui n’était arrivé qu’une seule fois, en 1979 et la finale entre les Steelers et les Cowboys.

Difficile de rivaliser. Sommes-nous capables dans notre bon pays d’organiser et de proposer à un public certes plus réduits mais tout aussi passionné un spectacle d’un tel niveau ? Clairement non. Pourtant nous aussi nous disposons d’un championnat assez similaire, sur la forme. Le Top 14 de rugby se compose également d’une saison régulière puis de play-offs et enfin d’une grande finale au Stade de France. Ne cherchons pas à comparer l’incomparable, mais retrouve-t-on ne serait-ce que le quart de l’intensité qu’il y avait dimanche soir à la Nouvelle Orléans ? Clairement non. Pourtant les qualités sont là. Les joueurs présents sont parmi les meilleures équipes d’Europe et du Monde. Mais le jeu se porte inévitablement sur la défense et on assiste dès lors à un combat de tous les instants, physique à souhait, mais pas spectaculaire pour un sous. L’année dernière, entre les deux demi-finales et la grande finale entre Toulouse et Toulon, nous n’avons assisté à aucun essai. Les puristes diront que les défenses ont pris le pas sur l’attaque, mais au fond d’eux ces passionnés bouillonnent.

Je vous l’accorde, le rapprochement est douteux. Le football américain est beaucoup plus spectaculaire et marquer un touchdown peut paraître plus facile que d’inscrire un essai. Mais l’essentiel est ailleurs. Probablement porté par le fait que les rôles sont clairement définis dans les équipes NFL entre les attaquants et les défenseurs, ces joueurs n’ont qu’une philosophie de jeu à adopter : attaquer ou défendre. A l’inverse, les joueurs du Top 14 semblent souffrir de troubles du comportement qui les encourage à garder le ballon en attendant la faute plutôt que de tenter de marquer, au risque de perdre le ballon. Cependant, il n’est pas encore lointain le temps où certaines finales du Top 14 étaient tout bonnement exceptionnelles (la finale de 2005 entre Biarritz et le Stade Français par exemple).

Ceci n’est en aucun cas un plaidoyer pour modifier (une nouvelle fois) les règles du rugby moderne – non pas que ce sport le mériterait pas – mais juste une analyse comparative du spectacle auquel nous avons assisté tard dans la nuit de dimanche à lundi. En tout état de cause, la finale du championnat de France de rugby, pourtant le meilleur au monde, n’a rien de spectaculaire. Mais à chaque sport son folklore, soit.

Revenons donc à notre sujet initial. La montagne n’a donc pas accouché d’une souris. Et les raisons ne sont pas nombreuses. Dimanche dernier, les Ravens et les 49ers ont disputé leur vingtième match, présaison non incluse. C’est très peu, et c’est peut-être là la force de ce sport, la rareté a toujours plus de succès. Du coup, le public répond présent inévitablement. Et malgré une pause de huit mois, jusqu’en octobre prochain, les fans seront toujours autant au rendez-vous de l’ouverture de la nouvelle saison. A l’inverse, la NBA propose pléthore de matchs. Avec 82 matchs par franchise, il est difficile de fidéliser un public et surtout de proposer un spectacle qui soit toujours de qualité. La qualification en playoffs se jouant souvent vers les 45-50 victoires, il n’est pas rare de voir des équipes lâcher des matchs. L’année passée, avec une saison réduite, tous les matchs avaient de l’enjeu et aucun droit à l’erreur n’était admis.

Mais le spectacle n’aurait pas été de ce niveau si les joueurs ne l’avait pas sublimé. Avec seulement vingt matchs dans les jambes (même si très peu de joueurs les ont tous disputés), les acteurs du Superbowl sont arrivés au top de leur forme. Un tel engagement physique ne tient pas la longueur. Avec une dizaine de matchs de plus, nous aurions eu droit à des joueurs hors de forme, incapables de proposer un jeu digne de ce nom.

On peut critiquer les choix de Roger Goodel, le commissionner de la ligue, mais il faut cependant admettre que la NFL, ligue la plus lucrative du sport, est aussi une des mieux gérée. Pas forcément hors du terrain (conflits avec les arbitres, dopage, prime à la blessure), mais dans la gestion des matchs, tout est mis en œuvre pour faciliter la vie aux joueurs, afin qu’ils puissent proposer un spectacle incroyable aux spectateurs. Et chaque année c’est la même chose. Tous les sports ne peuvent pas en dire autant.