Le paradoxe du système Klopp

debats sports image par defaut
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Cela fait désormais bientôt un an que Jürgen Klopp est à la tête de Liverpool. A l’époque, le club venait de perdre son capitaine emblématique Steven Gerrard et était à la recherche d’un nouveau leader. A défaut d’en trouver un sur le terrain, Liverpool en a trouvé sur le banc. Le coach allemand a tout de suite fait l’unanimité du côté des supporters, le contraste avec son prédécesseur ayant fortement joué en sa faveur. Agacés par moments par le stoïcisme et l’immobilisme de Brendan Rodgers, les fans ont vu arriver dans le Merseyside un entraîneur complètement différent. Authentique mais surtout très proche des joueurs, Jürgen Klopp est la star de son équipe. Pour un club aussi historique que Liverpool à la recherche d’une nouvelle identité depuis quelques années, c’était le mariage parfait.



Sa première saison en Angleterre est plutôt positive malgré la huitième place en championnat. Ce qu’on retiendra surtout de ce premier exercice, c’est le parcours des Reds en Europa League. Tombeurs de Manchester United, du Borussia Dortmund et de Villareal, les hommes de Klopp ont échoué en finale contre le Séville d’Unai Emery. Il est tout de même difficile de tirer un véritable bilan de la première année de Klopp à Liverpool car il s’est retrouvé avec un effectif qu’il ne souhaitait pas forcément avec des joueurs qui ne correspondaient pas à son système de jeu.

Cependant, en observant les matchs et les résultats de plus près, on y voit une chose intéressante : Liverpool joue mieux et a de meilleurs résultats lorsque l’adversaire est supposé plus fort. A contrario, Liverpool a plus de mal à retranscrire sa supériorité, supposée sur le papier, sur le terrain contre des adversaires plus faibles. C’est le paradoxe du système Klopp.

Avant de partir sur des exemples de match qui démontrent cette tendance, nous allons revenir sur le système Klopp. Si vous suivez le foot régulièrement, vous avez peut-être déjà entendu le terme de « gegenpressing » (littéralement contre-pressing) qui est souvent associé au tacticien allemand et à ses équipes. Finalement beaucoup de personnes connaissent ce terme tactique un peu barbare, mais peu de gens comprennent réellement sa signification sur le terrain. C’est pourtant assez simple. Dans ce système, et comme son nom l’indique, le pressing est roi. En effet, le gegenpressing est un pressing intense qui ne doit jamais s’arrêter et qui commence dès la perte de balle. Comme Klopp le dit lui même : «  Le meilleur moment pour récupérer un ballon c’est après l’avoir perdu. » Le but est de faire payer aux adversaires chaque erreur qu’il commet à la relance et dans sa partie de terrain.

Ce système, qu’on peut qualifier de pragmatique, demande beaucoup de générosité, d’endurance et de concentration. Il peut être difficile à pratiquer contre un adversaire bien préparé et très fort techniquement car ce n’est pas toujours facile mentalement de courir sans le ballon, et c’est encore plus dur lorsqu’on n’arrive pas à le récupérer. Mais il peut aussi être très redoutable contre un adversaire mal préparé, ou qui commet quelques erreurs. Le gegenpressing permet de transformer chaque erreur de l’opposant en situation de but, voire en occasion dangereuse si la transition est très bien gérée. Pour cela, il faut des joueurs rapides dans leurs prises de décisions et intelligents. Même si ce système se base principalement sur le jeu sans ballon, il n’en reste pas moins très offensif car il faut que les joueurs soient proches les uns des autres et en nombre suffisant pour perturber l’adversaire à la relance.

Jürgen Klopp utilise ce système bien souvent en 4-2-3-1, que ce soit à Dortmund ou à Liverpool. Vous l’avez sans doute compris, il est plus perspicace d’utiliser le gegenpressing contre un adversaire qui a comme volonté première de créer du jeu, et de prendre la possession à son compte. C’est pour cela que Liverpool, et les équipes de Klopp en général, s’en sortent plutôt bien contre les grosses équipes. En revanche, contre les petites équipes qui ne recherchent pas forcément à créer du jeu mais qui se contentent de jouer rapidement vers l’avant avec un bloc très bas, le gegenpressing n’est pas forcément la meilleure arme pour les déstabiliser. Or, l’absence de plan B et les difficultés dans la création du jeu font de Liverpool une équipe assez banale contre ces équipes plus faibles.

En ce début de saison 2016-17, Liverpool a déjà gagné à Chelsea, à Arsenal, contre Leicester et fait match nul contre Tottenham. Un bon début de championnat mais qui confirme la tendance de Liverpool à performer dans les grands matchs. L’équipe continue d’être très efficace contre les équipes joueuses, ou qui tentent de faire le jeu. On se souvient tous de la démonstration des hommes de Klopp à l’Etihad Stadium la saison passée quand Manchester City avait complètement sombré sous le pressing incessant des Reds, finissant par s’incliner 1-4.

L’arrivée de Sadio Mané cet été a fait beaucoup de bien à Liverpool. L’attaquant sénégalais s’est très vite adapté au système Klopp. Il faut dire que son profil colle parfaitement à ce que l’entraîneur allemand recherche. Très rapide, généreux dans l’effort, avaleur d’espaces, rapide dans sa prise de décision, l’ancien joueur de Southampton est déjà très à l’aise et décisif en ce début de saison (1 but et 2 passes décisives en 5 matchs). Il est loin d’être étranger aux bonnes performances des Reds contre les grosses écuries.

Mais si Liverpool veut passer un vrai cap et être un réel prétendant au titre en Barclays Premier League cette saison, il va falloir être meilleur lorsqu’ils affrontent des blocs bas, qui les forcent à créer du jeu. Le revers à Burnley (0-2) est un parfait exemple pour montrer les difficultés des Reds contre ces « petites équipes », même si Liverpool a outrageusement dominé ce match et ne méritait pas forcément de s’incliner. Si vous voulez vous créer des occasions face à des blocs bas sur le terrain, il faut construire vos actions. Si vous voulez construire, il faut avoir des défenseurs capables de relancer proprement, d’avancer avec la balle, de casser des lignes, de prendre des risques, et ce profil manque cruellement à Liverpool depuis maintenant pas mal d’années. Le premier but concédé à Burnley le prouve.

Ici il s’agit de Klavan qui se retrouve en mauvaise position. Incapable de relancer (pas trop aidé par ses coéquipiers cela dit), il finit par donner un mauvais ballon à Nataniel Clyne, qui perd la balle. Derrière, une simple passe d’un joueur adverse élimine trois joueurs et donne une balle de but pour Sam Vokes.

Voilà un problème récurrent à Liverpool : aucun joueur n’est capable de vraiment relancer sous le pressing adverse. C’est le cas de Jordan Henderson, le capitaine des Reds, qui a toujours du mal à avoir un certain impact sur le match dès qu’il est pressé. Malgré tout, dans ce domaine il y a des lueurs d’espoir pour Jurgen Klopp et ils viennent de deux joueurs recrutés cet été.

Le premier c’est Georginio Wijnaldum. Le milieu néerlandais s’est montré très efficace dans plusieurs domaines mais il est surtout intéressant dans sa capacité à garder la balle sous la pression et à servir de relais dans l’entrejeu, ce qui qui permet bien souvent aux Reds de progresser. Lors de la victoire contre Chelsea (1-2), il a été omniprésent et essentiel.

La deuxième recrue qui s’illustre en ce début de saison, c’est Joël Matip. Le défenseur camerounais est arrivé gratuitement lors du mercato estival après la fin de son contrat à Schalke 04. Très solide dans les duels, pas maladroit balle au pied, il a lui aussi fortement contribué à la récente victoire de Liverpool à Stamford Bridge. Il suffit de voir ses passes effectuées au bout d’une heure de jeu.

Quand on égraine les patronymes des défenseurs qu’a connu Liverpool ces dernières années et qui sont pour certains encore dans l’effectif (Martin Skrtel, Mamadou Sakho, Dejan Lovren, Kolo Touré), on comprend mieux pourquoi les qualités de relance de Joël Matip font énormément de bien à Jurgen Klopp. Encore un argument pour battre les petites équipes ?

Les semaines à venir seront déterminantes pour Klopp et ses hommes. Si on a peu de doutes sur leurs prestations dans les grands matchs, ils sont attendus au tournant dans les « autres » matchs. Cela tombe bien puisque Hull City, Swansea, Crystal Palace et West Bromwich se dressent sur la route des Reds. Sans oublier le choc contre Manchester United de José Mourinho, le 15 octobre.

Liverpool est-il condamné à évoluer derrière le Big Four ? Ou peut-il être un acteur dans la course à la Ligue des Champions, voire au titre ? On pourra certainement répondre à cette question avec plus de certitudes dans quelques semaines.

Article rédigé par Antoine B. (@Antoine14B)