Le Milan nouveau est arrivé.

debats sports image par defaut
debats sports image par defaut
Passionné de sports en général, Bastomartini apprécie plus particulièrement le ballon rond. Sans doute le plus Italien de toute la « Transalpie », il revendique ses origines. Jamais tricheur mais simulateur dans l’âme, il évolue souvent à la limite du hors-jeu…« Tifoso Rossonero » depuis toujours, il nous livre son analyse sur son Milan.
  • Le Milan nouveau est arrivé.


Juillet 2012, plus qu’un bruit de couloir, plus qu’une rumeur. La nouvelle fait l’effet d’une bombe à Paris et en France, 62 Millions d’euros… C’est la somme dépensée par les Qatari Sport Investments, propriétaires du PSG pour s’adjuger les services de Zlatan Ibrahimovic et de Thiago Silva



Deux grands noms, deux icônes, deux symboles du Milan AC, deux clés de voûte indispensables au système de jeu des Rossoneri, champions d’Italie en 2010/11, puis dauphins de la Juventus la saison suivante. C’est au terme de celle-ci que les deux principaux acteurs du Scudetto Milanais de 2011, tirèrent leur révérence à San Siro et à toute la Curva Sud, de façon délibérée…ou pas.

Si l’annonce de l’acquisition de ces deux joueurs fut accueillie comme une bénédiction pour le championnat Français, il en va tout autrement de l’autre côté des Alpes. Un championnat déjà à deux vitesses, qui se nivelle par le bas depuis plusieurs saisons la faute à une fuite des talents, un exode motivé par l’argent que le championnat national ne peut plus offrir. Quelques saisons plus tôt, plusieurs joueurs avaient déjà déserté la Série A pour des destinations où la fiscalité et les revenus sont différents (Cannavaro, Toni, Eto’o, Balotelli).

Si Ancelotti se frottait les mains à l’annonce de l’arrivée de Zlatan Ibrahimovic et Thiago Silva, Allegri, le coach Milanais, lui se frottait la tête et devait palier à un nombre de départs impressionnants. Chose qui était assez rare pour le club, en somme, plutôt habitué jusque là à conserver ses symboles, ses bandiere, le plus longtemps possible. Parfois même au delà de la quarantaine à l’instar d’Il Capitano, Paolo Maldini, dont le numéro de maillot, le 3, a été retiré, ou comme son partenaire Costacurta qui lui aussi a allégrement franchi le seuil des 40 ans en activité au club. La gestion du mercato estival par la direction du club marque un tournant dans l’histoire récente du club.

  • Le dégraissage estival

Alors Silvio Berlusconi venait de quitter le poste de président du Conseil. Le Milan AC changeait d’air et changeait d’ère. 2012/13 devait être l’année d’un renouveau. Elle est déjà l’année des départs et la liste est incroyablement longue et prestigieuse.

Maxi Lopez – Aquilani – Roma – Cassano – Oddo – Zambrotta – Gattuso – Seedorf – Van Bommel – Inzaghi – Nesta – Thiago Silva et Zlatan

C’est la charnière centrale, l’épine dorsale du Milan qui s’en est allée lors de ce mercato. L’ossature du Scudetto de 2011, Nesta-Thiago Silva , Seedorf-VanBommel – Zlatan-Cassano n’est plus et le titre conquis il y a dix mois semble remonter à des lustres.

Le dégraissage annoncé et tant craint par tous les Rossoneri était donc arrivé et les conséquences sportives ne se firent pas attendre. Le grand Milan retombait à ce moment là dans l’anonymat du milieu de tableau….De la première à la treizième journée, tant sur le plan comptable que sur le plan du jeu, les résidents de San Siro se comportaient comme un club du ventre mou de Série A. Mais face au Fair Play Financier à venir et au refus de Silvio Berlusconi de renflouer les caisses, la réduction de la masse salariale s’imposait. En fin d’exercice 2011, la masse salariale brute du Milan AC s’élevait à 160 millions d’euros annuels. Un record en série A.

Sous l’égide de Galliani, le club s’est prioritairement séparé des trentenaires percevant des émoluments surévalués.

Alors si certains étaient en fin de contrat (Van Bommel, Roma), si d’autres voulaient tenter une aventure « exotique », comme Seedorf à Botafogo (Brésil) ou Nesta à Montréal (Canada), si d’autres aspiraient à une nouvelle vie sur le banc en tant que coach (Inzaghi entraine les Allievi de Milan (ndlr, c.à.d les moins de 16 ans) ; les cas de Zlatan Ibrahimovic et Thiago Silva sont quelque peu différents. Leurs salaires considérables (9 millions annuels en 2011 (12 millions sur les deux années à venir) pour le suédois), 4 millions pour le défenseur brésilien correspondaient au rendement des deux joueurs sur le pré.

Avec des revenus de billetteries parmi les plus faibles des grands d’Europe, le Milan, comme beaucoup de club italiens se devait de réagir avant l’instauration du Fair Play Financier. Les ressources propres du club ne peuvent supporter une masse salariale excédant les 150 millions d’euros annuels qui plus est pour un effectif vieillissant. C’est dans ce climat d’incertitude économique que Berlusconi et son adjoint Galliani reçoivent l’offre parisienne pour leur duo. Les économies que générerait la conclusion d’un accord avec les propriétaires qataris du PSG, chiffrées à 170 millions d’euros ne laissent pas insensibles la direction du club.

Les délais sont idéaux. Alors que le Milan se lance dans une phase de reconstruction, le Paris Saint-Germain leur offre une manne financière de nature à remettre les comptes à flots et à dégager de la marge de manœuvre pour les années à venir. Encore fallait-il que le challenge francilien intéresse deux des meilleurs footballeurs à leur poste, évoluant dans un des clubs les plus prestigieux de l’histoire du ballon rond.

Si pour Zlatan Ibrahimovic un départ vers des auspices plus rémunérateur n’a rien de surprenant, en bon « mercenaire » qu’il est. Il en fut autrement quand on annonça le roc brésilien sur le départ. Branle bas de combat, toute la communauté Rossonera se plia en quatre, manifesta devant Milanello, écrivit même un courrier adressé aux dirigeants pour faire comprendre que le départ de « TS33 » allait engendrer une période des plus compliquées pour le club.

Face à la pression, Berlusconi cède et prolonge le contrat de Thiago Silva….la plèbe est soulagée…pour une semaine seulement, où dans un communiqué officiel, le Milan déclare avoir vendu Zlatan et TS33 aux Parisiens. Les supporters se sentent lésés et trompés par l’administration milanaise, le nombre d’abonnement chute irrémédiablement…

Cet été, un cabinet d’avocat avait menacé de porter le Milan AC en justice, pour publicité mensongère…en effet sur les affiches de la campagne d’abonnement pour le Milan, il y avait en gros, au premier plan….Zlatan et Thiago Silva. Le Milan a dû retirer ces affiches et les remplacer par. D’autres avec en tête d’affiche, Boateng et Ambrosini….

  • Place à la nouvelle génération

Alors quid du Milan 2013 ? Ce Milan new look passe non seulement par un une nouvelle génération de joueurs mais aussi par l’introduction d’une nouvelle philosophie de jeu. Berlusconi et Allegri, prônaient en début de saison, un modèle basé sur la formation à la Catalane avec un style de jeu court, de possession. Un jeu de passes qui serait à terme porté par des jeunes issus du centre de formation.

La transition est d’autant plus difficile. Evidemment quand on « balançait » devant pour Zlatan, capable de marquer dans n’importe quelle position et de n’importe où, apprendre à construire et faire des passes n’a pas été une mince affaire, surtout depuis le départ de Pirlo, la saison passée, lui qui était le métronome des Rossoneri.

S’il est un joueur qui semble apte à récupérer ce poste et ce rôle c’est bien Montolivo, qui a eût certes un peu de mal à prendre ses marques sous ses nouvelles couleurs. Mais depuis plusieurs semaines, ses passes par-dessus les défenses commencent à payer.

Il a fallu également s’accommoder du rajeunissement de l’effectif avec des jeunes issus du centre de formation. Trois exemples pourraient bien incarner la nouvelle façon de penser et de gérer le club. Trois c’est trop peu, d’autant plus que deux d’entre eux jouent au même poste.

Ignazio Abate, le latéral droit s’était fait un nom en peu de temps en devenant international italien. Mais, blessé, il est talonné de près, très près par un jeune encore méconnu en France, mais qui est promis à un très bel avenir : Mattia DeSciglio 20 ans. Rapide, offensif, capable de proposer de beaux centres et doté d’un sang froid impressionnant pour son jeune âge…On se plaît à voir en lui, le futur Cafù.

Enfin, dernier et pas des moindres, celui qui porte le Milan seul à bout de bras, du haut de sa crête et de ses vingt années, ll Faraone , Stephan El-Shaarawy.

Si certains le découvrent cette année, il faut savoir que c’est lui, entre autres, qui porta Padova, jusqu’en finale de barrages de la Serie B, perdue au profit de Novara, promue la saison passée.

Il Faraone c’est 13 buts en 16 matchs, des chiffres supérieurs à ceux de Zlatan à la même époque.

Sauveur et buteur providentiel à mantes reprises cette année, capable d’accélérer, dribbler et frapper…un style, similaire à celui de Shevchenko. Si Milan n’est pas relégable, c’est uniquement grâce à lui.

  • Des choix contestés et contestables

Sous ce tableau plutôt « rassurant », demeure une incertitude. La confusion règne en terme d’achat de joueurs. Certains choix restent incompréhensibles comme le recrutement Pazzini, acheté 12,5 millions d’euros à l’Inter. D’une inefficacité aberrante depuis son triplé pour son premier match sous les couleurs rossoneri. La relève de la défense centrale, cette muraille qui faisait la fierté de Milan n’est pas exempte de critiques. Nesta et Thiago Silva furent remplacés par… Acerbi (Chievo Verona 4M€) et Zapata (Udinese 400,000€), des choix discutables qualitativement que la situation économique du club n’explique pas totalement. Milan dépense peu sur le marché des transferts. Le club lombard a clôturé l’année avec un excédent de 44 millions d’euros.

Kevin Constant le français qui se fait sa place dans le couloir gauche, demeure très propre sans être transcendant non plus. Son adaptation au poste est surprenante lui qui était habitué à occuper un poste de milieu offensif ou de second attaquant lors de son passage au Genoa. Mais elle est significative du bricolage tactique auquel se doit se livrer Allegri.

Si De Jong et Bojan peuvent être considérés comme de « bon choix » un milieu costaud et rugueux et un joueur offensif technique et explosif que dire par contre de Bakaye Traoré et de M’baye Niang…inutilisés et sur le départ dès ce mois de janvier…

  • La Champion’s League

Qualifiés pour les 1/8ème de finale, dans une poule présentée comme à sa portée, Milan s’en est sorti dans la douleur, notamment à cause de Malaga, surprenant de dynamisme et rapidité. Heureusement que le Zénith n’était pas vraiment à la hauteur. Les milanais se sont notamment déplacés en Russie alors que le club de l’ancienne Leningrad était en proie à des graves conflits internes sur fond de jalousies salariales. Comme à son habitude Milan se comporta comme un diesel dans cette phase de poules de la Ligue des Champions. Les lombards augmentèrent le régime au fur et à mesure de la compétition, en relâchant totalement l’effort pour le dernier match, alors que les Rossoneri étaient qualifiés.

Milan sera dans le chapeau 2, et tombera sur une tête de série. Quoi qu’il en soit un tirage difficile attend les Milanais. Leur jeu n’est pas encore assez solide tout comme leur collectif, pour affronter United, le Barca, le Real ou le Bayern. Dortmund est une machine à marquer, Schalke 04 pourrait être la « meilleure » opportunité, même si une confrontation contre le PSG serait bien sûr fort attendue. Pour les retrouvailles entre anciens joueurs, Ancelotti et Leonardo. Le Milan n’y serait pas nécessairement le favori. Signe définitif d’un changement d’époque. Reste à déterminer si la phase de reconstruction peut déboucher sur une nouvelle ère de domination pour le Milan ou si le déclin amorcé sera plus durable.

  • Quelles perspectives pour le futur proche?

Dans un avenir proche, le Milan cherchera à obtenir une place pour une coupe Européenne, peut-être à bien figurer en Coupe d’Italie, d’autant que l’on pourrait assister à un Milan-Juve de Coupe en ¼ de finale si les deux protagonistes franchissent le prochain tour.

Quand on porte le maillot du Milan on ne peut qu’espérer aller le plus loin possible en Champion’s, même si l’objectif avéré sera d’acquérir de l’expérience dans la coupe aux grandes oreilles.

Le chantier prioritaire devrait être la défense. Ce qui était la principale caractéristique du club, se trouve bien en berne aujourd’hui. Exit les Maldini, Nesta, Costacurta, Baresi, Stam, Thiago Silva…les murailles du Milan.

Aujourd’hui ce secteur doit redorer son blason et redevenir aussi imperméable qu’il y a quelques années. Qui ne s’est jamais délecté des tacles glissés de Nesta, du sens du placement de Maldini ? La priorité sera de former ou de dénicher de jeunes talents prometteurs. A l’image de DeSciglio et Abate, formés au club, mais évoluant dans les couloirs.

Au milieu de terrain, à la récupération, la confiance est acquise pour Nocerino, Ambrosini, Montolivo et De Jong malgré la moyenne d’âge importante. L’expérience du milieu milanais devrait autoriser l’inclusion d’au moins un jeune qui pourrait acquérir de l’expérience et profiter des leçons de ses aînés. La transmission du savoir passe également par du temps de jeu .

Offensivement, il y a pléthore de joueurs avec leurs qualités et leur défauts.

Si El-Shaarawy demeure intouchable à ce jour, Pato et son compatriote Robinho devraient être sur la sellette. Emanuelson se fait apprécier de par sa patte gauche, lui qui de « n°10 » s’est retrouvé, sur le couloir droit, toujours prêt à distribuer des centres dans la boîte.

Pazzini, n’est pas arrivé dans une équipe dont le style de jeu lui convient le mieux.

Concrètement, si Milan devait se reconstruire, aujourd’hui, il faudrait garder la jeune génération et l’empêcher de partir (DeSciglio, El-Shaarawy, même Bojan). Trouver deux défenseurs centraux, ou au moins un, complet et polyvalent pour éventuellement former un duo avec Mexès.

Au milieu, intégrer un jeune, pour l’expérience avec un toucher de balle et de l’impact physique. Montolivo peut devenir le pilier du milieu de terrain, de par sa technique et sa vision du jeu.

Offensivement Bojan peut créer la surprise en explosant vraiment en match, s’il réalise ce qu’il fait à l’entraînement. El-Shaarawy, ne pourra porter l’équipe longtemps seul à bout de bras ainsi, et il faudrait qu’il puisse s’appuyer sur un autre technicien de sa trempe pour reformer un duo technique et rapide un peu à la manière du tandem Kakà et Shevchenko .

Le secret résidera vraisemblablement dans la formation de nouveaux joueurs. Plus économique et plus pratique pour créer et conserver une identité de jeu sur du moyen et long terme. Milan possède de bons atouts, mais dans le jeu cela manque encore de liant, tout est trop prévisible et organisé. Il manque ce grain de folie, cette étincelle, que vraisemblablement seul El-Shaarawy est capable d’apporter.

Un milieu technique, des avants rapides, une capacité à garder le ballon, et des accélérations appuyées, pour se projeter vers l’avant rapidement que ce soit dans l’axe ou sur les côtés, cela fait un peu catalan, mais Allegri a dejà opté pour un modèle tactique de ce genre là depuis quelques semaines. Le 4-2-3-1, à l’espagnole comme il l’appelle, avec 3 milieux « offensifs » capables de se projeter vers l’avant, rapidement, et doués techniquement (Bojan-El-Shaarawy, Emanuelson) .

Mais ce qu’on ne peut enlever à ce Milan c’est la combativité et l’orgueil, Allegri a même plusieurs fois sorti l’artillerie lourde en alignant en fin de match pas moins de 5 joueurs offensifs (Emanuelson, El-Shaarawy, Bojan, Pato Pazzini). Et n’oublions pas que les Rossoneri sont en pleine année de « transition ». L’effectif pourrait bien être renforcé lors de a trêve hivernale.

Les rubriques transferts des quotidiens transalpins envoient pléthore de joueurs du côté de Milanello. On citera notamment la rumeur Balotelli, plutôt en froid avec Mancini et les Citizens, qui pourrait compléter l’effectif des Rossoneri, car El-Shaarawy tiendra difficilement une saison entière à ce rythme là…Le jeune attaquant italien plaît beaucoup à Berlusconi. Mais le club souhaite poursuivre son l’objectif de réduction de la masse salariale. Selon Barbara Berlusconi, responsable du redressement économique du club, pour être pérenne le club ne doit pas dépenser plus de 50% de son chiffre d’affaires en masse salariale (il était à 70% l’an dernier).

Une ouverture du capital, pourrait être une solution pour faire rentrer des liquidités dans les caisses du club, à moyen terme le Milan y arrivera forcément, la famille Berlusconi n’investit plus en masse depuis quelques années.

Milan a définitivement tourné non pas une page, mais un chapitre, l’époque du Milan sur le toit de l’Europe en 2003 et 2007, Shevchenko, Kakà, Pirlo, Seedorf, Maldini, Zlatan, Ronaldinho, Ronaldo, Beckham….

Mais comme chacun le sait, les grandes équipes ne meurent jamais. Si un nouveau cycle s’est ouvert à San Siro, les résultats semblent aller un peu mieux, Milan pointe à la 7è place de la Serie A et s’est qualifié pour les huitièmes de la Champion’s League.

Malgré le turn-over et la tourmente dans laquelle se trouvait le club, l’esprit Da Milan demeure et des joueurs comme Boateng, Robinho, El-Shaarawy, Pato, Montolivo ont pris la relève…mais eux aussi céderont-ils un jour aux chants des pétro-dollars et s’en iront pour d’autres horizons ?

Même si perdre des stars, des champions est toujours compliqué dans la vie d’un club, d’un tifoso, l’important n’est pas là, l’important réside dans l’amour du maillot…d’un club. L’institution est plus grande que chacun des footballeurs qui la représentent. Ibrahimovic et Thiago Silva sont partis parce qu’il en allait du devenir de l’institution. Le Grand Milan se restructure. Il entame cette phase de reconstruction alors que l’ensemble du football italien est amené à se repenser.