Jack McKinney, le père oublié

debats sports image par defaut
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7 ans. Voilà 7 ans que les Lakers n’ont plus soulevé le trophée NBA. 7 ans que les Lakers ont défait les Knicks en Finale.



Nous sommes en 1979 et les Lakers viennent de se faire sortir en demi-finale de Conférence par les futurs champions, les Supersonics de Seattle. Malgré la présence de grands joueurs comme Jamaal Wilkes, Norm Nixon ou de géants comme Kareem Abdul-Jabbar, la franchise n’a de cesse de buter sur les dernières marches.

There’s A New Sheriff In Town

Las et motivé par un divorce plus qu’onéreux, Jack Kent Cooke décide de mettre en vente la franchise au sein d’un lot et c’est Jerry Buss, investisseur dans l’immobilier, qui rafle la mise. Contre un chèque de 67.5M (et divers biens immobiliers), le Docteur met la main sur les Lakers, la franchise NHL des L.A Kings, le Forum et une propriété de plus de 52 km² près de la Sierra Nevada.

Et la vision de l’acquéreur est clair. Il ne veut pas d’une équipe de basket. Il veut un divertissement total.

A une époque où les grosses universités californiennes trustent l’attention médiatique (U.C.L.A raflant notamment 10 titres NCAA entre ’64 et ’75), Buss souhaite remettre les Lakers sur le devant de la scène.

Au bord du terrain, des pompom girls font leur apparition dans un Forum bouillant, en plein Inglewood. Sur le parquet, cette idée d’un véritable show se traduit par le recrutement d’un nouveau Head Coach. Et le candidat favori de Buss se nomme Jerry Tarkanian, coach emblématique et charismatique d’UNLV. Ce dernier, après réflexion, déclinera la proposition du nouveau patron de la franchise.

Un temps évoqué par Chick Hearn, commentateur des Purple & Gold (et plus ou moins impliqué dans l’organisation), c’est vers Jack McKinney que se tourne la franchise. Buss lui propose un an de contrat et 125’000 $, McKinney réclame 3 années. Réponse cinglante :

 Je ne sais même pas si tu es un bon coach…

Vous avez dit Showtime?

Dans le coaching depuis 22 ans, et officiant jusqu’alors comme assistant-coach aux Blazers, McKinney ne se dégonfle pas et saisit sa chance.

La tactique est simple sur le papier : privilégier au mieux les contre-attaques pour surprendre l’adversaire et s’appuyer sur le mastodonte de la balle orange qu’est Kareem Abdul-Jabbar lorsque le tempo ralentit.

Encore faut-il que les joueurs se mettent au diapason, en commençant par le pivot légendaire, dépeint comme froid et distant. McKinney va dès le training camp mettre les choses à plat, en expliquant sa vision du basketball made in LA ainsi que les efforts supplémentaires que devra fournir KAJ afin de conclure en contre-attaque. Le message est reçu et accepté et c’est au tour de Magic.

 Je suis déçu. Quand on t’a drafté, je pensais que tu prendrais les choses en main et mènerais la barque. -Coach, je ne peux pas dire à Kareem, Jamaal et Norman ce qu’ils doivent faire. Ces gars sont des All-Pros. -Magic, quelqu’un doit le faire. Hier encore, après l’entrainement, Kareem m’a dit  » Coach, quand est-ce que ce jeune  Buck  va prendre le contrôle comme vous me l’aviez annoncé ? »

-Kareem a dit ça ?

-Oui, hier.

-Et bien si Kareem a dit ça, alors je devrais le faire.

En réalité, Cap’ n’a jamais mentionné Magic ou son rôle, McKinney arrangeant «un peu la vérité» et si la méthode est douteuse, les résultats sont là.

La traction arrière (Norm Nixon & Magic Johnson replacé à l’arrière) multiplie les passes décisives pour Cooper, Wilkes, McAdoo et les autres voltigeurs, Kareem enchaîne les skyhook sur la tête de ses adversaires et les Lakers font un très bon départ (10-4), après avoir dominé la présaison. Mieux, le coach a gagné en l’espace d’une quinzaine de match le respect de l’ancien pivot des Bucks et de tous ses joueurs.

The Show Must Go On

Malheureusement, le rêve se transforme rapidement en cauchemar pour certains.

Le 8 Novembre 1979, alors qu’il rejoignait son assistant-coach Paul Westhead pour une partie de tennis, le vélo de Jack se casse brutalement et l’entraineur se retrouve propulsé par dessus le guidon. McKinney retombe au sol, inconscient au milieu d’une flaque de sang. Transporté aux urgences, l’entraineur souffre d’une fracture du coude mais surtout de blessures importantes à la tête. Toujours dans le coma mais dans un état stable, il ne pourra reprendre sa place tout de suite.

Son assistant récupère temporairement le poste d’entraineur principal et, sans rien toucher à la vision de McKinney, voit ses Lakers continuer sur la lancée avec une victoire à l’arrachée face à Denver.

Ça devrait être clair, c’est l’équipe de Jack McKinney et je suis juste là à tirer les ficelles le temps qu’il revienne. Je n’ai aucune intention de changer quoique ce soit.

Mieux, les Lakers font de cette terrible nouvelle une motivation supplémentaire. Avec un bilan de 60-22, les Lakers roulent sur l’Ouest  et vont jusqu’en Finale avant de s’imposer face aux Sixers de Dr J. et ceci malgré l’absence de Kareem Abdul-Jabbar lors du dernier match.

En une saison, les Lakers et Jerry Buss ont réussi leur pari.

Les résultats probants de Paul Westhead et les difficultés physiques et cognitives de McKinney poussent Jerry Buss à promouvoir définitivement le premier à la place du second, malgré les promesses et les propos de chacuns.

La vie n’est pas toujours juste. Je suis OK avec tout ce qui est arrivé. Mais bon, la vie n’est pas toujours juste -McKinney

L’ancien assistant des Blazers finira par se remettre de ses sérieuses blessures physiques et reviendra en NBA, emmenant notamment les Pacers  en PO pour la première fois de leur histoire NBA (44-38) et récoltant au passage le titre de Coach Of The Year. Mais les séquelles psychiques de son accident sont bien trop handicapantes et il doit abandonner le coaching. Certains joueurs des Kansas City Kings  révèleront notamment que leur coach perdait régulièrement la mémoire.

Il a créé le Showtime. Ça ne devrait jamais être oublié. Jack McKinney a créé le Showtime -Norm Nixon

La machine Purple & Gold est lancée et marquera l’histoire. Son inventeur, lui, restera un inconnu pour la majorité des fans de la balle orange. Et par moment, pour lui même aussi. Foutu vélo.


Sources:

100 Things Lakers Fans should know and do before they die -Steve Springer

Showtime – Jeff Pearlman

http://articles.latimes.com/2012/feb/09/sports/la-sp-lakers-mckinney-20120210

http://lakers.topbuzz.com/a-601.html

http://www.nba.com/lakers/history/la_coaching_history_mckinney_110929.html

The Los Angeles Lakers’ 80s Dynasty: Excerpt From Jeff Pearlman’s Showtime