Faut-il plus de courts rapides ?

debats sports image par defaut
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En déclarant qu’il souhaitait que le circuit propose davantage de variété dans les conditions de jeu, le suisse Roger Federer a jeté un pavé dans la marre. A l’issue de sa finale perdue contre Novak Djokovic dans l’O2 Arena de Londres, le numéro 2 mondial a livré ses impressions sur la saison écoulée et sur sa vision du circuit de demain. Comme souvent, en amoureux de son sport Roger Federer, parvient à en identifier les problématiques (hégémonie du quatuor qu’il forme avec Djokovic, Nadal, et Murray, homogénéisation des joueurs et des styles de jeu, doutes croissants sur l’efficacité de la lutte anti-dopage, etc…).



Naturellement sa proposition n’est pas déconnectée de toute considération individuelle. Le suisse est certainement le joueur qui souffre le plus de l’uniformisation des surfaces et de l’uniformisation subséquente des styles de jeux déployés. Il aurait de ce fait tout à gagner de l’introduction de davantage de variété dans les conditions de jeux tout au long de la saison. Il est le meilleur jouer Indoor du circuit et sa victoire sur la terre battue bleue de Madrid a confirmé sa capacité à s’adapter plus rapidement que les autres à des conditions de jeux nouvelles. Mais au delà de son cas personnel, les propositions du recordman du nombre de semaines passées en tête du classement ATP nous semblent aller dans le bon sens.

Le Bâlois s’est inquiété de l’homogénéisation des surfaces, loin d’être nouvelle, qui s’accompagne de plus en plus d’une homogénéisation des joueurs. Et il est vrai que si on assiste ces dernières années à des matchs épiques entre les 4 premiers mondiaux, force est de constater que les rencontres entre Rafael Nadal, Novak Djokovic et Andy Murray reproduisent inlassablement le même schéma. Des duels de fond de cours qui s’éternisent, au cours desquels chacun des deux protagonistes semblent prendre tour à tour l’ascendant physique pour ne jamais baisser le pied. La demie finale de Novak Djokovic face à Andy Murray à l’Open d’Australie et sa finale contre Rafael Nadal sont la décalcomanie parfaite de la rencontre livrée par le serbe contre le britannique en finale de l’US Open. Et s’il était possible de revisionner en noir et blanc les duels entre les trois hommes à Wimbledon ou lors des Masters 1000 sur terre battue, on gage que peu d’entre vous parviendraient à identifier avec certitude quelques rencontres se dont disputées sur gazon et lesquelles se sont disputées sur la surface ocre (il faudrait aussi masquer les glissades).

Pour autant, les surfaces sont-elles en cause ?

A l’aube des années 1990, les instances internationales de la balle jaune, les organisateurs et les grands argentiers du tennis, ont participé de l’uniformisation des surfaces. L’idée sous-jacente ? Permettre à chaque tournoi de retrouver dans le dernier carré les meilleurs joueurs, ceux que le public apprécie de voir aller loin, ceux qui génèrent le plus de revenus, ceux qui rentabilisent le circuit. Le moins que l’on puisse dire c’est que la manœuvre est réussie. Jamais dans l’histoire du tennis, un quatuor aura imposé une telle hégémonie sur le tennis mondial. Cette année encore seul le Master 1000 de Paris Bercy qu’aucun des 4 premiers mondiaux n’a disputé avec l’ambition de le gagner (Novak Djokovic s’en est allé après une défaite précoce retrouver son père malade, Andy Murray avait certainement la tête au Masters Londonien, tandis que Rafael  Nadal et Roger Federer étaient forfaits) n’est pas tombé dans l’escarcelle du quatuor. C’est le cinquième mondial qui a profité de l’aubaine pour remporter son premier Master 1000 en carrière.

Le suisse estime qu’une plus grande diversité dans les conditions de jeux augmenterait sensiblement les opportunités de la concurrence hors top 4 de remporter de beaux titres.

Ce que vous ne voulez pas, c’est qu’après 15 bons coups, ça se termine par une faute directe. Donc je pense que parfois, les courts rapides aident. Cela aide à apprendre, aussi, pour différents joueurs, différents styles, à réaliser que venir au filet est également une bonne chose.

 

Je pense qu’un peu de variété serait bien, un peu de jeu rapide, un peu de jeu lent, pour essayer de contenter tout le monde. Vous faîtes en sorte de protéger les meilleurs parce que vous avez plus de chances de les retrouver en demies. Mais, est-ce que c’est le but ? Je ne suis pas sûr.

L’uniformisation des surfaces ne s’est pas traduite par la disparition de certaines d’entre elles. Seule la moquette, surface autrefois mobilisée dans des évènements majeurs (Masters), a totalement disparue du circuit. Le dernier tournoi à s’être disputé sur moquette fut le Tournoi de Lyon en 2008. A l’heure actuelle, les joueurs du circuit ATP peuvent en découdre dans une combinaison de multiples surfaces (terre battue, dur, gazon, synthétique, etc…) et conditions de jeux (Indoor / Outdoor). Le problème réside dans le lissage des différences entre les différentes surfaces. Les conditions de jeux à Roland Garros et à Wimbledon sont de plus en plus proches. Les multiples surfaces dures présentent de moins en moins de différences. Bien que les surfaces dures se disputent sur pas moins de 7 revêtements différents (Plexicushion, Play Pave, Rebound Ace, Greenset, Rukort, Decoturf, Play it), seul le Decoturf utilisé à Toronto et à l’US Open est considéré comme une surface rapide.

Et pourtant, les conditions de jeux se sont incroyablement ralenties à Flushing Meadows. Un phénomène que dénoncé déjà le suisse, en août 2011 (avant d’être éliminé précipitamment d’un tournoi qu’il a remporté 5 fois consécutivement entre 2004 et 2008).

Les conditions de jeu se sont clairement ralenties par rapport à l’an dernier, surtout en nocturne. Je trouve que c’est dommage, les tournois du Grand Chelem se ressemblent trop les uns les autres. Je ne suis pas sûr que ce soit un service à rendre au tennis. Ce sport se nourrit des différences et la vitesse du jeu en est une. Ici, c’est désormais trop semblable à l’Open d’Australie. Bercy a bien réagi en accélérant sa surface. J’ai entendu dire que ce serait aussi le cas à Shanghai en octobre. C’est bien. Sinon, le tennis va devenir plus un sport athlétique, physique, qu’un sport offensif.

Et c’est précisément dans ce constat que réside le défi auquel fait face le Tennis mondial. En uniformisant les surfaces, les organisateurs de tournois se sont assurés de la présence des meilleurs mondiaux dans le dernier carré de leurs évènements. Mais sous l’effet de l’uniformisation des surfaces, les qualités requises pour exceller sur le circuit se sont concentrées sur la dimension athlétique des tennismen. Si Nadal, Murray et Djokovic sont d’excellents techniciens, ils doivent leur succès avant tout à leur capacité physique à encaisser le coup des échanges qui s’éternisent et de l’intensité mise dans chaque frappe de balle. De la même manière David Ferrer en déployant une défense de tous les instants parvient à rivaliser avec les meilleurs et devient imbattable pour les autres joueurs qui prennent le risque de s’installer dans des filières longues.

Davantage de contrôles anti-dopage.

Mais le suisse ne n’est pas contenté de réclamer davantage de variété dans les conditions de jeux, il s’était aussi déclaré surpris de subir moins de contrôles anti-dopage que par le passé.

J’ai l’impression de subir moins de contrôles qu’il y a six, sept ou huit ans. Je ne connais pas les raisons exactes pour lesquelles nous avons moins de contrôles sanguins actuellement, mais je suis d’accord avec Andy, nous ne faisons pas beaucoup de contrôles sanguins pendant l’année. Il est capital et vital que ce sport reste propre. Nous avons un bon historique en la matière et nous devons nous assurer que ça continue comme cela.

Et on ne peut qu’abonder dans le sens du Suisse, alors que le Tennis devient un jeu de plus en plus physique avec des rencontres qui s’éternisent à un niveau d’intensité inégalé, les soupçons sur les pratiques dopantes dans le circuit grandissent à mesure que le palmarès de certains se garnit.

Alors que les meilleurs mondiaux sont désormais capables de s’imposer partout, tout le temps quelques soient les conditions de jeux et les surfaces utilisées, peut-être serait-il temps de conduire une politique contracylique en différenciant davantage les conditions de jeux. A minima pour garantir l’intérêt des premiers tours des tournois.