En survolant la discipline, Loeb a t-il tué le rallye?

debats sports image par defaut
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Sébastien Loeb caracole en tête du championnat du monde des rallyes avec 171 points contre 128 à son premier concurrent qui n’est autre que le vice champion du monde en titre et son coéquipier cette saison. Le premier pilote non Citroën est déjà hors course. Le pilote Ford, Petter Solberg accuse, après 8 manches un retard de 67 points. Un gouffre. Le pilote alsacien est donc bien parti pour engranger un neuvième titre consécutif dans une discipline que les principaux constructeurs automobiles délaissent. En imposant son hégémonie depuis près d’une décennie, Sébastien Loeb aurait-il nuit à sa discipline ?



Jamais l’histoire du sport automobile n’avait autorisé une telle domination. Même la suprématie de Michael Schumacher en Formule 1 n’est pas comparable. Le pilote allemand a remporté un titre de moins que le français. Et même si le kaiser a repris du service au volant d’une Mercedes, il est fortement improbable qu’il remporte un nouveau titre de champion du monde. Par ailleurs, le natif de Cologne, a connu la défaite entre deux périodes fastes. Depuis son premier titre de champion du monde en 2004, pour sa seconde saison complète en WRC, Sébastien Loeb n’a plus vu un concurrent terminer devant lui au classement des pilotes.  Enfin, l’hégémonie de Michael Schumacher au volant de sa Ferrari n’a jamais semblé affecter l’intérêt que suscitait la discipline auprès des sponsors et des constructeurs.

A l’inverse, Sébastien Loeb domine sans partage une discipline qui voit au fil des années, les constructeurs renoncer à s’y investir. Cette année, seules trois écuries d’usines sont présentes : Citroën, Ford, et Mini. Et seules les team Citroën et Ford sont éngagées sur l’ensemble de la saison. A l’intersaison, de forts doutes avaient pesé sur le maintien du constructeur américain dans la discipline. Même le maintien de Citroën ne va tellement pas de soit au moment où le groupe PSA-Citroën procède à des licenciements massifs dans ses usines de production.  La direction sportive ne cesse de rappeler que son avenir n’est pas lié à celui de son pilote maison. Rien n’oblige à la croire. Si Loeb décidait de ne pas aller au bout du contrat de deux ans qu’il a signé cet hiver, la voie sera ouverte pour une future domination d’un autre pilote français, Sébastien Ogier, dont Citroën s’est séparé pour prolonger Loeb. Il serait en effet particulièrement dérangeant pour la marque au chevron de risquer de se retrouver dominer par une Volkswagen pilotée par un champion formé dans ses propres filières.

Si la marque française et son pilote phare hésitent encore à poursuivre l’aventure, le déroulement de cette saison n’y est pas étranger. L’octuple champion du monde a déjà remporté six manches et reste sur une série de quatre succès consécutifs. Son principal rival est son propre coéquipier à qui on demande de respecter des consignes d’écurie une fois le dimanche venu.  Dans l’histoire de la domination de Sébatien Loeb en rallye cette situation est au final assez nouvelle.

Retour sur une décennie de domination…pas si outrancière.

Les luttes avec Petter Solberg.

Sébastien Loeb a connu sa première saison complète en WRC à l’occasion de la saison 2003. Dès sa première année, il a joué le titre jusqu’au dernier Rallye. Le pilote français menait même le championnat du monde avant de se présenter au Rallye de Grande Bretagne. Fort d’un point d’avance sur le pilote norvégien, Petter Solberg, le pilote Citroën devait s’assurer de terminer devant. Il n’en fut rien, Petter Solberg remporta le rallye et par la même occasion le titre de champion du monde avec 72 points. Loeb termine second avec la bagatelle de 71 points et déjà trois victoires au compteur. Avec le recul, on a tendance à oublier l’exploit que cette deuxième place constituait pour un novice dans la discipline. Cette année, pas moins de 6 champions du monde avait participé au championnat (Carlos Sainz, champion en 1990 et 1992, Colin McRae en 1995, Tommy Mäkinen champion en 1996, 1997, 1998 et 1999, auquel succéda Marcus Gronholm double champion du monde en 2000 et 2002, et Richard Burns champion en 2001 qui du abandonner la course automobile en 2003 alors qu’il était en lice pour le titre mondial en raison du diagnostic de son cancer).  Sébastien Loeb les devança tous…sauf Solberg.

Il prendra sa revanche sur le norvégien dès l’année suivante, le distançant de 36 points (118 contre 82). Cette année, Sébatsien Loeb remporte 6 victoires. Rebelote en 2005, où fort de 10 victoires, il termine le championnat en tête avec 127 points. Solberg, une nouvelle fois vice champion du monde termine avec 71 points.

La rivalité avec Grönholm.

L’année 2006 fut forte en émotion pour le désormais double champion du monde. Après avoir remporté 8 des 12 premiers rallyes et ne terminant jamais au-delà de la seconde place, Sébastien Loeb est passé très prêt de perdre son titre. En effet, le français se brise le bras lors d’une chute en VTT, blessure qui le prive de la fin de saison. Débarrassé de son concurrent, Marcus Grönholm peut remporter le titre à condition de marquer 35 points lors des quatre dernières manches. Il n’en marquera que 34. Sébastien Loeb sera sacré avec 112 points contre 111 pour le pilote finlandais.

Revenu de blessure, Sébastien Loeb bataillera jusqu’au au dernier rallye en 2007 pour remporter un nouveau titre au nez et à la barbe de Marcus Grönholm. Accusant un retard de quatre points à trois rallyes de la fin, Sébastien Loeb abandonne lors du rallye du Japon. Par chance, le pilote Ford ne terminera pas non plus. Ce dernier abandonnant également lors du rallye suivant en Irlande, Loeb peut reprendre les commandes du championnat du monde qu’il remporte lors de la dernière manche. Il termine la saison avec 8 victoires et 116 points au compteur, 4 seulement de plus que son rival.

En 2008, Sébastien Loeb remporte 11 rallyes et domine largement Marcus Grönholm au championnat du monde avec 19 points d’avance (122 contre 103). Le pilote finlandais ne participera pas à la saison suivante, revenant toutefois faire une année supplémentaire en 2010 avant de se retirer définitivement.

Des rivaux pour Loeb ?

Avec le retrait de son principal rival, le titre 2009 est promis à Sébastien Loeb. Il ne l’obtiendra qu’à l’arrachée et au bénéfice une nouvelle fois des échecs répétés de son principal adversaire en fin de saison. Ainsi, à deux manches du terme de la saison, Loeb accuse un retard de cinq points sur Mirko Hirvonen qui peut remporter le titre en se contentant de terminer les deux derniers rallyes juste derrière Sébastien Loeb. Le français fait le job en remportant les deux dernières manches, et peut remercier son coéquipier Dani Sordo qui en s’intercalant entre lui et Hirvonen lors du rallye d’Espagne lui offre le titre. Malgré ses 7 victoires, Loeb doit autant son titre à son coéquipier qu’à son propre talent. Il devance Hirvonen d’un seul points (93 contre 92).

La saison 2010 voit le WRC adopter un nouveau barème de points (25/18/15/10/8/6/4/3/2/1) sensé récompenser les vainqueurs de rallye mais qui dans une discipline où les avaries mécaniques sont légion favorise en réalité la régularité. Ce qui n’empêche pas Sébastien Loeb de dominer outrageusement la saison, remportant 8 victoires et engrangeant 276 points, 105 de plus que le vice champion du monde Latvala.

2011 aura été l’année des crispations avec son nouveau coéquipier, Sébastien Ogier qui ne respectera pas les consignes d’écuries. La discorde s’installe dans les rangs de Citroën, ce dont profite Ford pour recoller en tête du championnat du monde où Mirko Hirvonen et Sébastien Loeb avait le même nombre de points 196 à deux rallyes de la fin, suivis de près par Ogier avec 190 points. Tous sous pression, aucun d’eux ne termine dans les points lors du dernier rallye. Loeb sera champion du monde au bénéfice de sa victoire en Espagne, Hirvonen vice champion du monde.

En 9 participations au championnat du monde des rallyes, Sébastien Loeb aura remporté 8 titres et obtenu une seconde place pour sa première participation. Mais sa domination ne fut pas sans partage et il dut s’employer jusqu’au bout pour décrocher les titres 2011, 2009, 2007, et profiter d’une erreur de Grönholm en 2006.

Seule, sa domination ne peut expliquer le déclin relatif de l’intérêt que porte l’opinion, les sponsors et les constructeurs à la discipline. D’autres facteurs plus déterminants et d’ordre structurel expliquent plus largement cet état de fait.

L’insoluble problème de la diffusion télévisuelle.

A l’ère de la sur-médiatisation des disciplines sportives, le rallye pâtit d’un déficit d’image. C’est ce facteur qui explique de manière structurelle, le désintérêt progressif des sponsors et des constructeurs pour le rallye. Fondé sur des épreuves qui s’étalent sur trois jours et où les pilotes ne se confrontent pas directement, le rallye peine à trouver un format compatible avec le support télévisuel.

La FIA a bien tenté en instaurant la super-spéciale de créer une épreuve spécifique pouvant être diffusée. Si le format est tout à fait télégénique, l’absence d’enjeu sportif lors de cette mini-spéciale où deux pilotes d’affrontent sur deux pistes parallèles lui fait perdre l’essentiel de son intérêt. La Fédération Internationale de l’Automobile n’a pas toujours été inspirée. Lorsque fut établit la règle du choix de l’ordre de passage inversé par rapport au classement, elle s’est tiré une balle dans le pied. Les pilotes cherchant pendant deux jours à perdre du temps et non à en gagner. Ce règlement inepte a certainement plus joué dans le désintérêt du public que la domination de Sébastien Loeb.

Tout bien considéré, si vous avez parcouru ces lignes, c’est certainement que le Rallye n’est pas mort.