Du développement du football au Venezuela

debats sports image par defaut
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Le Venezuela est certainement le seul pays dont le président de la République est plus connu à travers le monde que ses joueurs de football. Si Hugo Chavez truste la scène médiatique par ses discours enflammés et la conduite d’une politique radicale tant en termes de politique étrangère qu’en termes de politique économique et sociale, les vedettes vénézuéliennes du ballon rond ne sont sorties de l’anonymat qu’au travers d’une Copa América 2011 réussie. En effet, la République Bolivarienne du Venezuela est le seul pays sud-américain où le football n’est pas le sport roi. Au pays de Bolivar, c’est le Baseball qui déclenchait l’hystérie populaire. Mais à croire que les monopoles et les rentes de situations ne sont plus les bienvenus au Venezuela de Chavez, le football gagne des parts de marchés et tend à s’imposer dans les coeurs des vénézuéliens sous l’effet de plusieurs facteurs.



Tout semble commencer avec l’organisation de la Copa América en 2007 au Venezuela et la construction de nouvelles infrastructures.

A cette occasion le Venezuela, dépourvu d’infrastructures dignes de ce nom, construit de nouveaux stades spécifiquement dédiés à la pratique du football. Le gouvernement procède ainsi à la construction du Stade Monumental de Maturin (Estadio Monumental de Maturin) dans l’Etat de Monagas. Fort de ses 51 796 places, el Estadio Monumental de Maturin est le plus grand stade de tout le pays. Le coût de sa construction est estimé à 85 millions de dollars nord-américains. Depuis, il est le stade du Monagas FC.

A Mérida est construit un véritable joyau, el Estadio Metropolitano de Mérida dont la capacité est de 42 200 places. Le stade avait été construit dès 2005 pour accueillir les « Juegos deportivos Andes 2005 », (une compétition sportive organisée tous les deux ans et qui font s’affronter des sélections de chaque région du pays) pour un coût estimé à 230 milliards de bolivars (environ 107 millions de dollars) soit près de 40% de plus que le coût initialement prévu. Le club hôte ce de stade est Estudiantes de Mérida.

Dans l’Etat de Lara fut construit le stade Estadio Metropolitano de Futbol de Lara situé à Barquisimiento. Sa capacité est de 40 312 places. Le coût de sa construction est estimé à 160 milliards de bolivars. Deux clubs résidents évoluent dans cette nouvelle enceinte, le Club Deportivo Lara, et le Lara Futbol Club.

L’Etat de Barinas, dont est originaire le président vénézuélien Hugo Chavez a également obtenu la construction d’un stade destiné à accueillir des rencontres de la Copa América. Le Stade Augustin Tovar a  en réalité été reconstruit en 2007 portant sa capacité initiale de 12 000 places à 28 000. Il accueille les matchs à domicile du Zamora FC.

Les autres enceintes du pays ont été largement rénovées à l’instar du Stade du Deportivo Tachira, el Estadio Polideportivo de Pueblo Nuevo dont la capacité est portée à 42 500 places. Le stade omnisport CTE de Cachamay situé à Puerto Ordaz a également été rénové dans la perspective de la Copa América de 2007 portant sa capacité à 41 600. Le Club Atletico Mineros de Guyana évoluent dans ce stade. Le stade José Pachencho Romero inauguré en 1971 à Maracaïbo a été reconstruit en 2006 pour répondre aux normes de la COMEBOL, après avoir subit une première rénovation en 1998. Le stade qui présentait la particularité d’accueillir une piste de cyclisme a été intégralement repensé. La piste a été supprimé, les tribunes rapprochées de la pelouse. Ce stade omnisport peut désormais accueillir 45 000 spectateurs et sert de siège au club du Zulia FC et à l’Union Atlético Maracaïbo. Il a notamment servi de terrain de jeux aux Brésiliens et aux Argentins lors de la finale de la Copa América 2007 dont le Brésil sortit largement vainqueur (3-0). Le vétuste stade d’Anzoatégui inauguré en 1965 a été largement rénové afin d’être retenu parmi les 9 stades destinés à accueillir des matchs de la compétition continentale. Après rénovation, le stade du club Deportivo Anzoategui SC a vu sa capacité portée à 41 000 places.

Une mention spéciale pour le Estadio Olimpico de la Universidad Central de Venezuela, inauguré en 1951 pour accueillir les jeux bolivariens, ce stade est désormais inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. Sa capacité de 30 000 places a été réduite à 24 700 lors de la rénovation préalable à la réception de la Copa América, essentiellement en raison de l’installation de sièges. Ce stade située dans la cité universitaire accueille les matchs à domicile des clubs du Caracas FC, Deportivo Petare et de l’Universidad Central de Venezuela Futbol Club.

Un succès sportif et populaire.

Lors de cette compétition organisée à domicile les vénézuéliens surprennent leur monde en s’extirpant du groupe A en demeurant invaincus. La vinotinto concède un premier match nul 2-2 face à une modeste équipe de Bolivie, mais enchaîne par une solide victoire 2-0 face au Pérou avant de neutraliser l’Uruguay 0-0. Le Venezuela termine à la première place de son groupe avec 5 points en trois matchs.

Le Venezuela retrouve en quarts de finale l’Uruguay, sauvé en temps que meilleur troisième. Le sort est cette fois largement défavorable aux hôtes qui concèdent une défaite sévère 4-1.

Sur le plan populaire, le football attire les foules. Les prestations de l’équipe nationale aidant, les stades se remplissent et sont même combles pour les matchs de l’équipe nationale. Cette Copa América 2007 joue au Venezuela un rôle sensiblement similaire à celui de la Coupe du Monde 1998 en France, en popularisant le football au delà de sa sphère d’influence traditionnelle.

Cette belle réussite sportive et populaire laisser entrevoir un développement potentiel du football au Venezuela. A côté d’une saison de Baseball extrêmement courte il y a de la place pour l’émergence d’un autre sport roi au pays de la révolution bolivarienne.

Par ailleurs, les bonnes prestations sportives de la vinotinto ont aussi mis en exergue les qualités des footballeurs vénézuéliens qui se sont exportés en Europe de plus en plus nombreux, la Copa América 2011 au cours de laquelle le Venezuela a atteint pour la première fois de son histoire les demies finales a renforcé cette dynamique. Parmi la sélection vénézuélienne pour la compétition continentale en Argentine, 13 joueurs évoluaient en Europe. Plus important encore que l’éclosion de quelques joueurs prometteurs, la Copa América 2011 a définitivement ancré le football dans la culture populaire vénézuélienne.

Placée dans le groupe B en compagnie du Brésil, de l’Equateur et du Pérou, la sélection nationale vénézuélienne est une nouvelle fois sortie invaincue des phases de poules, en partageant les points avec le Brésil (0-0-), remportant son match face à l’Equateur (1-0) avant de concéder un nul (3-3) face au Pérou. En quarts de finale, le Venezuela a du affronter le Chili d’Alexis Sanchez, les vénézuéliens en sont sortis vainqueurs 2 buts à 1 grâce à un but de Cichero à la 80ème minute qui a déclenché l’euphorie dans tout le Venezuela. En demie finale le Venezuela a été défait aux tirs au buts face au Paraguay, quittant cette compétition sans avoir subie la moindre défaite.

Lors de son parcours en juillet 2011, la Vinotinto a suscité l’enthousiasme de la population et des dirigeants. On a ainsi vu le président vénézuélien Hugo Chavez s’enflammer pour cette équipe alors qu’il était en convalescence à Cuba. Le dirigeant vénézuélien avait ainsi estimé que le Venezuela était le « vainqueur sentimental de cette Copa América« .

Le Football est alors devenu un véritable vecteur de communication au Venezuela. Le président vénézuélien, Hugo Chavez ne cesse de commenter les matchs de la Vinotinto sur son compte Twitter pendant que le candidat de l’opposition à l’élection présidentielle du 7 octobre 2012 arborait fièrement le maillot de la sélection nationale en meetings.

En attendant une éventuelle qualification de sa sélection nationale pour la prochaine coupe du monde 2014 organisée au Brésil voisin, le seul pays du sous continent qui n’a pas participé à une phase finale de Coupe du Monde, voit son championnat national bénéficier de l’aura de la sélection nationale. Ancré dans la culture populaire, le football vénézuélien devra maintenant s’atteler à améliorer la formation des jeunes joueurs du pays afin de renforcer le niveau du championnat national.

Deux évènements mineurs illustrent le potentiel de développement de ce sport au Venezuela.

En 2009, le FC Barcelone a signé un accord avec la Fondation Talentos Franco Rizzi, une association qui vise à la promotion des jeunes talents footbalistiques vénézuéliens. Fait notable dans ce partenariat, la fondation Talentos Franco Rizzi est la première école de football étrangère à conclure un contrat d’association avec le grand Barça. Dès à présent, le FC Barcelone compte dans ses rangs plusieurs joueurs vénézuéliens, Jeffren Suarez, Franco Fasciana et un tout jeune talent, David Zalzman.

Cette année, le club de Malaga a décidé d’organiser sa tournée de promotion non pas en Chine ou aux Etats-Unis mais au Venezuela. Lors de cette tournée, le club espagnol affrontera les deux clubs dominants au Venezuela, qui par ailleurs se vouent une détestation absolue, le Caracas FC, le 29 juillet et le Deportivo Tachira, le 26 juillet.

Au courant de l’été, le site internet de SoFoot  s’interrogeait sur la pertinence d’une telle tournée, comme si faire une tournée en Chine ou aux Etats-Unis serait plus naturelle parce que plus usuelle. Le club de Malaga a expliqué sa décision dans un communiqué.

« Les deux clubs les plus importants du pays, le match entre les deux étant le grand clasico du football vénézuélien »

« Notre club suscite désormais de l’intérêt partout dans le monde et cette tournée répond à l’intérêt qu’a montré la communauté vénézuélienne pour le Malaga Football Club »

L’entraîneur du club, Pelligrini a quant à lui fait référence à la présence dans son effectif de l’attaquant vedette de la sélection nationale, Salomon Rondon.

« C’est important pour le club d’aller jouer sur d’autres continents pour se faire connaître. Ce qu’est Rondon au Venezuela est une excellente opportunité pour se rendre là-bas »

Depuis, Salomon Rondon a été envoyé du côté du Rubin Kazan.

Plus intéressant pour le développement du football au Venezuela, la tournée de Malaga au Venezuela est organisée par la société Evenpro qui était déjà à l’origine de la venue de l’Espagne pour disputer un match amical contre la sélection vénézuélienne l’année dernière, en contre partie d’un chèque d’un million de dollars. L’organisation de cet évènement fut bel et bien une opération lucrative, en remplissant les stades, en multipliant les annonceurs.

Selon Oscar Galvis, journaliste à Ultimas Noticias:

« il n’y a aucun lien avec la politique. Le patron d’Evenpro, Santiago Otero, est aussi actionnaire du Deportivo Petare, un club de première division locale. Il a tout intérêt à ce que le football et son marché se développent au Venezuela ». 

Décidément le Venezuela connaît une réelle révolution, le football y devient comme ailleurs un sport majeur.